Le retour du train de passagers en Gaspésie : un enjeu primordial pour le développement régional

Québec
Le retour du train de passagers en Gaspésie : un enjeu primordial pour le développement régional
Opinions
| par Jonathan Bédard |

En 2013, après 100 ans de loyaux services, le train de passagers qui se rendait jusqu’à Gaspé ne dépassait plus Matapédia. Cela privait les navetteurs et navetteuses gaspésien·ne·s de la seule ligne de chemin de fer de la région. On a commencé par arrêter le passage des trains au-delà de New Carlisle en 2011, pour ensuite abandonner totalement la région en 2013. Cette décision a été prise par VIA Rail Canada pour des raisons de sécurité. Le gouvernement du Québec a annoncé en mai dernier un investissement de 100 millions de dollars pour le service de marchandises, et éventuellement pour le service de transport de passagers. Toutefois, la partie n’est pas gagnée pour les Gaspésiens et Gaspésiennes, parce que même si VIA Rail a mentionné en 2016 qu’il était nécessaire de revenir en Gaspésie, plusieurs étapes restent encore à franchir avant le retour permanent du train.

Les citoyens et citoyennes n’avaient pas dit leur dernier mot. En mars 2013, des gens se sont réunis et ont fondé la Coalition des Gaspésiens pour l’avenir du train. Parmi eux, il y a Gilles Lamy, que nous avons contacté, homme qui connaît bien le sujet puisqu’il a travaillé pendant plusieurs années sur les trains. Maintenant retraité, il est responsable des communications de la Coalition. Cette petite équipe composée de francophones et d’anglophones de la région a un objectif clair : ramener le train de passagers jusqu’à la ville de Gaspé. 

Pourquoi le train ?

Le premier argument en faveur du retour du train est le vieillissement de la population gaspésienne. En effet, le bilan démographique du Québec de 2015 montre que les gens âgés de 65 ans et plus composent près du quart de la population gaspésienne. De plus, la tranche d’âge des 54 à 75 ans est présente de manière plus importante en Gaspésie que dans le reste du Québec [1]. Cette population a un besoin grandissant de services de santé et sa capacité de mobilité est plus faible. Selon Gilles Lamy, le train de passagers peut assurer à la population plus âgée un meilleur confort et un meilleur service minimal (toilettes, nourriture) que l’autobus sur de longues distances. Il met aussi l’accent sur les conditions hivernales. « Le train est un moyen de transport fiable en hiver, il résiste davantage aux intempéries », dit-il. Si, par exemple, une tempête oblige la fermeture de la route 132, l’autobus interromprait son service, alors que le train pourrait continuer à l’assumer. Au sujet de la route 132, c’est la seule grande route de la région administrative avec la 399, qui relie New Richmond à Sainte-Anne-des-Monts, et la 198, qui relie Gaspé à L’Anse-Pleureuse. Il n’y a donc pas d’autoroutes et le réseau routier est de faible densité, ce qui rend les Gaspésiens et Gaspésiennes à la merci des intempéries et des perturbations routières, entravant par le fait même la mobilité lorsqu’on a besoin de services à l’extérieur de la région.

Le train devient alors un choix intéressant versus le très coûteux voyage en avion ou le voyage en autobus malencontreusement rallongé par les perturbations routières. Les citoyens et citoyennes semblent au courant de cette situation, puisque Gilles Lamy souligne qu’en 2011, le train entre Montréal et Gaspé avait transporté environ 28 000 personnes, dont une bonne partie se rendant en Gaspésie. Cela représente plus que la ligne Montréal – Senneterre et la ligne Montréal – Jonquière combinées qui ont transporté environ 26 000 personnes. La faible densité du réseau routier gaspésien et le fait que la Gaspésie soit une région éloignée plus difficile d’accès pourraient être en cause.

Du point de vue économique, le train est aussi un moyen de transport intéressant. Premièrement, il y a la question du tourisme ; le train est utilisé en Gaspésie sur certaines parties du tronçon Matapédia – Gaspé à des fins touristiques. Par exemple, il y a le train touristique l’Amiral, qui a connu paradoxalement sa saison inaugurale à l’été 2013, année où les trains de VIA Rail ont arrêté de circuler au-delà de Matapédia. L’Amiral circule entre Gaspé et Percé, et le maire de Gaspé, Daniel Côté, a rapporté à La Presse en septembre 2015 que la Société du chemin de fer de la Gaspésie (SCFG) encaisserait un profit net de 10 000 $ aussitôt que les croisiéristes le réservent [2]. Il y en a beaucoup qui visitent la Gaspésie, puisque certains navires pouvant accueillir plus de 900 personnes font escale à Gaspé, ce qui constitue un achalandage potentiel considérable pour le train. La Chambre de Commerce et de Tourisme de Gaspé (CCTG) estimait pour l’année 2015 que 33 000 croisiéristes ont accosté à Gaspé. Si on estime que plusieurs de ces gens visiteront Percé, le train touristique est donc une option pour des touristes sans automobile qui ne veulent pas se casser la tête [3]. Les occupant·e·s de ces navires réservent ensuite les wagons pour se rendre à Percé. En 2015, l’Amiral a été interdit de circulation par le Ministère des Transports du Québec (MTQ) à cause de la structure ferroviaire jugée non sécuritaire. Certains bateaux de croisière ont décidé de ne pas faire escale à Gaspé cette année-là en raison de cette interdiction de circulation [4]. Cela démontre à quel point cette liaison était importante pour l’économie portuaire de Gaspé et pour le tourisme.

En ce qui concerne l’économie gaspésienne, l’ultime utilité du train dépend du transport du ciment et des pales d’éoliennes. Selon Gilles Lamy, il est plus facile de transporter ces matières par train que par camion, surtout dans le cas des pales d’éoliennes. À ce sujet, la SCFG a obtenu un contrat de transport par train de 600 pales d’éoliennes vers les États-Unis en 2016. Un wagon standard sur un train de marchandises mesure 42 mètres et les pales d’éoliennes dépassent de 29 mètres en moyenne leur taille. Ce contrat constitue un incitatif pour faire pression sur le gouvernement afin qu’il entame la réfection de la voie ferrée gaspésienne [5]. Les pales sont fabriquées par une compagnie de Gaspé, la LM Windpower, qui est en pleine expansion. L’entreprise croit que le retour du train à Gaspé serait primordial afin qu’elle puisse rester compétitive. LM Windpower a élaboré un plan d’agrandissement de 12 millions de dollars prévu pour 2018, année où elle songe à engager 150 personnes de plus. Ciment McInnis, une entreprise basée à Port-Daniel-Gascons, a également une entente avec la SCFG afin de faire transporter 140 000 tonnes de ciment par train sur 5 ans, de New Richmond jusqu’à ses clients américains et canadiens. Même si 95 % du transport de ciment se fait par bateau, puisque ce moyen de transport peut supporter plus de poids, Ciment McInnis a mentionné que le train était un complément nécessaire parce qu’il permet plus de flexibilité en cas de problèmes, surtout en hiver [6].

L’état du rail

L’état déplorable de la voie ferrée gaspésienne constitue un problème majeur. C’est ce qui a fait fermer la voie ferrée en 2011 et en 2013 et ce qui a freiné l’expansion de certains projets de trains touristiques comme l’Amiral en 2015. Jusque là, malgré les pressions, le gouvernement du Québec semblait réticent à prendre l’initiative d’effectuer les travaux nécessaires. Pourtant, il a financé de façon importante la SCFG, surtout entre 2012 et 2013. De plus, la SCFG obtenu 62 millions au total du MTQ, selon les propos de monsieur Lamy. La SCFG a fait faillite de 4,1 millions de dollars en 2014 et le Gouvernement a dû, à nouveau, lui venir en aide. Avec le contrat de transport de pales d’éoliennes, 2,5 millions ont été donnés à la SCFG pour effectuer les travaux de base sur la voie ferrée. Toutefois, il faudra attendre 2017 pour voir un engagement gouvernemental clair avec l’investissement de 100 millions de dollars annoncé en mai dernier.

En fait, selon Gilles Lamy, le problème réside surtout dans l’état des ponts qui ne peuvent plus supporter le poids des locomotives de trains. Pour exemple, une locomotive de VIA Rail pèse environ 130 tonnes sans les wagons et exige une capacité portante minimale de 230 tonnes pour le passage, ce qui est supérieur à la capacité des ponts actuels. C’est la raison pour laquelle l’entreprise fédérale a suspendu la circulation de ses trains dans la région. Cependant, VIA Rail espère pouvoir revenir un jour en Gaspésie. « VIA Rail a l’intention de rétablir le service dans cette région lorsque les voies seront jugées sécuritaires pour le service ferroviaire voyageur. », insiste Mylène Bélanger, attachée de presse de la compagnie ferroviaire. Le président de la compagnie, Yves Desjardins-Siciliano, a mentionné lors de la dernière assemblée publique annuelle du transporteur ferroviaire qu’une inspection de l’état des voies par VIA Rail sera faite lorsque les travaux d’entretien seront terminés, c’est-à-dire dans deux ou trois ans. Une décision sera prise par la suite. Le tout devrait se faire au courant de 2019 [7].

 VIA Rail a mentionné en 2016 que le service de train passager en Gaspésie était déficitaire d’environ 5,5 millions de dollars lorsqu’il circulait encore sur le rail gaspésien. Ainsi, le service ne serait pas rentable [8]. Toutefois, Gilles Lamy insiste sur le fait que c’est un service nécessaire et que VIA Rail est une entreprise publique fédérale pour laquelle les gens payent des taxes, donc attendent un service en retour.

Depuis l’annonce de l’investissement sur le rail gaspésien, le MTQ a créé un comité de suivi composé notamment du maire de Gaspé, Daniel Côté, du président de la SCFG, du maire de New Richmond, Éric Dubé, du directeur général de Ciment McInnis, du directeur général de LM Wind Power, et des représentants et représentantes des MRC de Rocher-Percé, d’Avignon, de Bonaventure et de Côte-de-Gaspé. C’est donc une mobilisation politique locale importante, mais elle est accompagnée d’une mobilisation sociale qui surveille tout autant le processus. « On estime que les voies seront réparées en 2018, et là, il faudra être mobilisé le plus possible afin de réclamer un train de passagers le plus tôt possible au moins jusqu’à New Carlisle. », dit Gilles Lamy. La Coalition des Gaspésiens pour le retour du train avait proposé d’utiliser des autorails pour circuler sur le chemin de fer gaspésien. Les Gaspésiens et Gaspésiennes surnomment ce type de train le Spoutnik. Il ne pèse que 35 tonnes et contient deux cabines de conduite à ses extrémités, ainsi qu’une voiture-restaurant et une cabine à bagages. Celui-ci constituerait une alternative intéressante pour le rail gaspésien et VIA Rail l’utilise sur certaines de ses lignes ferroviaires partout au Canada, selon monsieur Lamy. Or, le Spoutnik a été rejeté par le gouvernement provincial, maintenant propriétaire du chemin de fer de Gaspésie depuis la faillite de la SCFG.

La pérennité du train en Gaspésie

Maintenant que des investissements publics majeurs ont été annoncés, que la péninsule gaspésienne est mobilisée et que le retour du train à moyen terme semble devenir une réalité, il est bon de se poser la question suivante : comment faire pour ne pas subir à nouveau une telle fermeture plus ou moins temporaire de la voie ferrée gaspésienne ? Pour VIA Rail, cela passe par le transport intermodal, c’est-à-dire un transport collectif intégré qui combine train, autobus, taxi, covoiturage, etc. Selon Mylène Bélanger, l’entreprise a augmenté son achalandage intermodal de 63 % entre 2012 et 2016, ce qui va dans l’optique d’une stratégie initiée en 2010. L’attaché de presse n’a toutefois ni précisé si cet achalandage intermodal était aussi fort en Gaspésie ni si l’entreprise comptait prioriser ce type de mobilité advenant un retour du train passager. Les MRC de la Gaspésie ont une entente avec Keolis Canada, propriétaire de la compagnie d’autobus voyageurs Orléans Express, pour le retour de la desserte Grande-Rivière – Gaspé, avec ajout de nouveaux arrêts à Cap-Chat, Percé, New Richmond et Port-Daniel [9]. Cette entente, signée en 2016 et jugée primordiale pour le tourisme en Gaspésie, a été renouvelée en juin dernier.

Du côté de la Coalition des Gaspésiens pour l’avenir du train, on estime que le transport durable passe par une promotion active du train passager. Selon Gilles Lamy, il faut faire du marketing, il faut vendre des forfaits voyage combinant train et destination touristique afin que les Gaspésiens et Gaspésiennes utilisent le train dans leurs déplacements sur de longues distances. De plus, il faut consulter les habitants et habitantes des localités, connaître leurs besoins, leurs intérêts, leurs goûts, et, enfin, être en mesure de les mobiliser en ce qui a trait à la question du train. L’idée est de rendre le train intéressant pour les gens de Gaspésie et ceux de l’extérieur de la Gaspésie. Monsieur Lamy insiste sur le fait que la Coalition est prête à aider pour cela et que l’engouement pour le train est présent dans la région.

La pérennité passe aussi par l’entretien à long terme des voies ferrées, et, surtout, par un entretien écologique. Par le passé, il y a eu des controverses en Gaspésie, car la SCFG utilisait des produits chimiques et/ou corrosifs pour entretenir les rebords du rail, et c’est d’ailleurs ce qui a provoqué la corrosion sévère de certains tronçons de la voie ferrée, menant ainsi à sa fermeture. Malgré les consultations, les amendes émises par les MRC et les solutions proposées, la SCFG récidive encore dans l’utilisation de ces produits, alors qu’on rapporte en juin dernier dans le journal Le Havre que la compagnie aurait utilisé le Round-Up de Monsanto pour freiner la pousse des mauvaises herbes encore cette année. Par ailleurs, elle l’avait fait en 2016 et cela avait encore une fois soulevé des controverses, car ces produits peuvent être très nocifs pour l’environnement [10]. En 2013, la SCFG avait trouvé une alternative pour remplacer les herbicides sur le rail : l’eau salée. Toutefois, le MTQ avait fortement recommandé de ne pas aller de l’avant avec cette méthode puisqu’il y avait des dangers de corrosion. La SCFG a quand même décidé de l’appliquer, participant à causer les problèmes que l’on connaît aujourd’hui [11]. Cela dit, il faut ramener le train, mais il faut éviter de répéter les erreurs du passé en matière d’entretien du rail afin d’assurer un transport ferroviaire durable.

Conclusion

Menacé par un déclin démographique constant et par la baisse de services qui lui est associée, le retour du train pourrait être une chance à prendre pour la Gaspésie. Avec l’engouement des citoyens et citoyennes sur cette question, une volonté politique locale importante et des entreprises régionales qui souhaitent utiliser le train pour le transport de leurs marchandises, il est clair que tous les ingrédients sont sur la table pour un retour progressif du transport ferroviaire. Toutefois, après le retour, il faut s’assurer que le service perdurera. La Gaspésie étant une région éloignée, certains défis attendent les autorités gaspésiennes, parmi lesquels celui de maintenir l’engouement pour le train, mais aussi celui d’assurer un entretien des rails économique et écologique sur le long terme. Peut-être un jour pourrons-nous enfin retourner à Gaspé en train, mais pour l’instant, cela reste une histoire à suivre et comme a dit le président de VIA Rail : on se croise les doigts pour 2019. 

Crédit photo: abdallahh

[1] INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC (décembre 2016). « Le bilan démographique du Québec – Édition 2016 ». ISQ, http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/population-demographie/bilan2016.... Consulté le 31 juillet 2017. p. 137.

[2] GAGNÉ Gilles, GÉLINAS Geneviève (septembre 2015). « Sort incertain pour le train touristique l’Amiral ». Le Soleil, http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/transports/201509/26/01-4904.... Consulté le 21 août 2017. En ligne.

[3] CCTG (2 février 2015) « Communiqué – Le train touristique : un outil de développement clé pour la pointe gaspésienne ». Chambre de commerce et de tourisme de Gaspé, http://www.cctgaspe.org/affaires/communique-le-train-touristique-un-outi.... Consulté le 15 octobre 2017. En ligne.

[4]GAGNÉ Gilles, GÉLINAS Geneviève (septembre 2015). « Sort incertain pour le train touristique l’Amiral ». Le Soleil, http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/transports/201509/26/01-4904.... Consulté le 21 août 2017. En ligne.

[5] GAGNÉ Gilles (octobre 2016). « Un contrat historique pour la Société du chemin de fer de la Gaspésie ». Le Soleil, http://www.lapresse.ca/le-soleil/affaires/actualite-economique/201610/11.... Consulté le 21 août 2017. En ligne.

[6] GÉNIER CARRIER Geneviève (décembre 2016). « Du ciment de la cimenterie McInnis transitera par le rail gaspésien ». ICI Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, http://beta.radio-canada.ca/nouvelle/808062/societe-chemin-fer-gaspesie-.... Consulté le 23 août 2017. En ligne.

[7] DESJARDINS-SICILIANO Yves (2017) « Service to Gaspe?/Service vers Gaspé ? ». Allocution effectuée dans le cadre d’une période de questions de l’ASSEMBLÉE PUBLIQUE ANNUELLE 2017 DE VIA RAIL CANADA. YouTube, https://www.youtube.com/watch?v=ImJAdViu-Io. Consulté le 24 août 2017. (38:16).

[8] COTTON Pierre (mars 2016) « VIA Rail estime important de revenir en Gaspésie ». ICI Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, http://beta.radio-canada.ca/nouvelle/808062/societe-chemin-fer-gaspesie-.... Consulté le 21 août 2017. En ligne.

[9] ICI RADIO-CANADA (mai 2016). « Keolis ajoute quatre arrêts en Gaspésie ». ICI Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, http://beta.radio-canada.ca/nouvelle/779856/keolis-mrc-gaspesie-transpor.... Consulté le 21 août 2017. En ligne.

[10] HAROUN Thierry (juin 2017). « La Société de chemin de fer asperge toujours des herbicides chimiques le long du rail ». Le Havre, http://www.journallehavre.ca/la-societe-du-chemin-de-fer-asperge-toujour.... Consulté le 22 août 2017. En ligne.

[11] MURRAY-DAIGNAULT Caroline (2013). « La Société de chemin de fer a utilisé de l’eau salée sur ses rails malgré un avis contraire ». CHAUTVA.com, http://chau.teleinterrives.com/nouvelle-Regional_La_Societe_de_chemin_de.... Consulté le 21 août 2017. En ligne.

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