Madre Ayahuasca : étreinte avec la panacée amazonienne

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Madre Ayahuasca : étreinte avec la panacée amazonienne
Idées
| par Alexandre Dubé-Belzile |

En collaboration avec Luisina Sosa Rey

Le présent article fait état de mon expérience avec des chamanes dans le centre de retraite spirituelle Gaia Sagrada, près de Cuenca, en Équateur[1]. Mon approche fait écho au journalisme gonzo et l’absence de distance critique est absolument intentionnelle. J’ai tenté de plonger dans la pensée chamanique pour mieux la comprendre. Qui plus est, pour apprécier pleinement l’expérience d’état de conscience non-ordinaire[2] de l’Ayahuasca, l’abandon est nécessaire, l’abandon de soi aux multiples réalités possibles et l’abandon des dogmes du quotidien qui peuvent nous asservir dans les sociétés de consommation. L’« état de  conscience non-ordinaire » est un terme emprunté à Stanislav Grof, psychiatre tchèque et pionnier de la recherche psychédélique dans les années 1950. Ce terme se veut non-péjoratif et désigne les effets des enthéogènes par opposition à la conscience altérée ou à l’hallucination. Le terme « enthéogène » signifie : qui « génère le sentiment de Dieu en soi, qui donne le sentiment du divin »[3].  Je ne prétends pas avoir totalement réussi cet abandon, mais je pense avoir été en mesure de transmettre ce qui a peu été exprimé auparavant dans une approche anti-hégémonique, c’est-à-dire de lutte contre l’oppression.

Dans le cadre de ce texte, je tente d’aborder l’intersectionnalité entre certaines formes de chamanisme autochtone et les pensées écologique, anti-impérialiste, féministe ou encore, de manière plus générale, révolutionnaire. Je m’inspire, d’une part, de mon expérience lors de cérémonies d’Ayahuasca et de San Pedro en Équateur et, d’autre part, de mes propres recherches en épistémologie qui visent à remettre en question le projet politique impérialiste de l’épistémè actuel, c’est-à-dire le système du savoir à un lieu et une époque donnée. Ce système est responsable de la marginalisation de nombreux savoirs, dont les savoirs autochtones et les savoirs chamaniques.

 

Foisonnement d’intersections : la pensée adaptogène chamanique

La spiritualité révolutionnaire préoccupait d’ailleurs grandement José Carlos Mariatégui, dont la pensée est cruciale pour la pensée révolutionnaire dans les Amériques. Selon le penseur marxiste-léniniste, les autochtones devraient être au-devant de tout processus révolutionnaire digne de ce nom et au-devant de la théorisation qui doit mener à la révolution[4] dans les Amériques. Cela s’explique par le fait que tous les enjeux sociaux, économiques et politiques qui touchent aux systèmes oppressifs dans les Amériques nous ramènent inéluctablement au génocide qui a mené à la construction de ses États et de leurs systèmes politiques actuels. La pensée chamanique me fait abonder en ce sens. Si certains mouvements d’extrême gauche sont souvent dénoncés comme étant sectaires, la réponse à ce problème est peut-être une ouverture plus formelle et plus manifeste aux spiritualités marginalisées et colonisées. Les chamanes dont j’ai fait la connaissance semblent aussi, à mon sens, mieux comprendre la santé que certains médecins, étant donné que leur approche dépasse le cadre rigide de la médecine occidentale et tient compte de l’interdépendance de la santé spirituelle, corporelle et mentale. Cela étant dit, ce n’est pas la seule forme de médecine holistique.   

Au cœur de la pensée et de l’expérience chamanique se trouve l’idée de guérison de diverses maladies : la haine, le sexisme, le spécisme, l’homophobie, la transphobie ou encore l’avarice des multinationales qui détruisent les forêts. Dans ce texte, j’essaie de souligner l’importance cruciale d’une ouverture aux spiritualités marginalisées, ce qui est nécessaire, à mon avis, à toute pensée ou axe de pensée anti-hégémonique. En fait, la solution même aux limites actuelles de certains types de pensée hégémonique pourrait bien être trouvée dans la spiritualité chamanique elle-même, dans son caractère nomade et « adaptogène »[5], caractère qui se retrouve chez toutes les ethnies qui utilisent la plante médicinale :

Ce processus comprend également l’appropriation chamanique de n’importe quelle et de toute métaphore relative au pouvoir, que ce soit la réception de Saintes Écritures, la radio, des allumettes magiques, des pilules blanches, des pharmacies, des armes de guerre moderne et des OVNI.[6]

À titre d’exemple, la croyance en les extraterrestres est omniprésente dans la pensée chamanique. J’ai eu des conversations avec des chamanes qui me racontaient, comme si c’était tout naturel, de nombreuses rencontres avec des extraterrestres, des êtres qui seraient interdimensionnels, donc invisibles dans des états de conscience ordinaires, mais tout de même bienveillants. L’idée à retenir ici n’est pas la question de la véracité de cet énoncé, du point de vue de la réalité objective, mais bien l’illustration de cette faculté adaptogène qui fait en sorte que des métaphores, essentiellement, sont empruntées à tous les horizons pour exprimer des réalités abstraites, qui peuvent être exprimées tant de manière spirituelle qu’artistique, selon les affinités de chacun·e. Par ailleurs, l’Ayahuasca est parfois appelée Ayer, hoy y mañana (hier, aujourd’hui et demain) et pour les chamanes, elle est associée à une vision du monde selon laquelle le temps n’existe pas[7]. Cela n’est pas étranger au débat philosophique entre présentéisme et éternalisme. Dans le premier cas, seul le présent existe. Le passé a cessé d’exister et le futur n’existe pas encore. Pour l’éternalisme, le passé et le futur existent tout autant que le présent, mais en d’autres lieux dans l’univers[8]. Ce point de vue est connexe au quatre dimensionalisme, qui voit le temps comme une quatrième dimension[9]. Pour d’autres, le temps n’existe tout simplement pas, position similaire à celles des chamanes[10] ou encore de certaines écoles bouddhistes[11]. Dans le soufisme,

la relation entre le réel et le cosmos est comme la relation entre l’eau et la neige[…] Il y a un va-et-vient qui se produit au sein de l’éternité sans commencement et sans fin et en chaque instant, puisque, à chacun de ces instants, le cosmos revient à la réalité pour ensuite retourner au-delà, comme les vagues de l’océan[12].

 Comme le soulignait Christine, qui dirige la retraite spirituelle ou j’ai passé une semaine, la science tente d’expliquer la spiritualité, sans nécessairement réussir. Christine est une chamane étatsunienne qui a étudié auprès des autochtones dinés (autodénomination du groupe plus connu sous le nom de Navajos) pendant de nombreuses années. Pour Don Mauricio, un autre chamane originaire du Chili que j’ai eu le plaisir de rencontrer, la musique est un médicament. Il est lui-même un musicien accompli en Amérique latine et fabrique ses propres instruments[13]. Il est membre du groupe Altiplano de Chile[14]. En autres mots, dans le chamanisme, la création artistique est une activité hautement spirituelle qui permet donc d’en comprendre davantage que la science. Créer des arts visuels, de la musique, de la poésie, c’est développer une relation avec l’invisible, avec la réalité divine, mais c’est aussi un instrument thérapeutique puissant.

Selon Pierre Clastres, anthropologue anarchiste qui s’est spécialisé dans l’étude des sociétés sans État, on trouve certaines sociétés autochtones « où les détenteurs de ce qu’ailleurs on nommerait pouvoir sont en fait sans pouvoir, où le politique se détermine comme champ hors de toute coercition [ou] subordination hiérarchique »[15]. Il s’intéresse plus particulièrement au cas de la tribu Tupinambà, dont ses chefs ne détenaient aucun pouvoir, contrairement aux monarchies absolues qui régnaient en Europe à l’époque de la colonisation[16]. Or, les autochtones guaranis étaient des sociétés chamaniques et c’est là une autre raison de tirer des connaissances des savoirs autochtones, avec toute l’humilité et le respect nécessaires. Le politique dans leur société aurait existé avant la politique comme nous l’entendons, mais elle serait en même temps apolitique parce qu’elle ne serait pas porteuse de pouvoir, mais plutôt de son auto abolition. À cet égard, les sociétés autochtones seraient détentrices de formes de savoir qui touchent ce que nous appelons l’écologie, l’anti-impérialisme et le féminisme, mais qui existaient bien avant l’émergence de ces disciplines et courants de pensée qui sont aujourd’hui intégrés dans l’épistémè européenne dominante, c’est-à-dire la superstructure du savoir.  

Le caractère adaptogène de la pensée chamanique serait une cannibalisation (au sens de l’école brésilienne de la traduction cannibale[17]), une sorte de contre-appropriation culturelle anti-hégémonique. Le chamanisme, même s’il n’est en rien homogène et plutôt nomade et en constante transformation, s’assure au moins, dans son ensemble, de ne rien devoir à la culture blanche. La culture et la science des blancs deviennent des outils pour expliquer leur vérité, sans toutefois que ces simples métaphores de pouvoir puissent en atteindre la complexité et l’exhaustivité et sans en diminuer le pouvoir. Même les intersections féministe et révolutionnaire ne sont que des moyens d’exprimer des éléments qui se trouvent déjà dans la pensée chamanique. Il est important de préciser que les chamanes considèrent le savoir qu’ielles acquièrent et transmettent comme antédiluvien. L’écologie est déjà pratiquée de manière saillante par les chamanes, qui considèrent la faune et la flore comme étant dotées d’une conscience avec laquelle on peut communiquer. En effet, la voix de l’Ayahuasca devenant la voix de la faune et de la flore, sa traductrice. L’expérience transpersonnelle[18] avec madre ou mère Ayahuasca favorise l’épanouissement des solidarités avec la flore, la faune et les peuples autochtones victimes de la déforestation[19]. Pour les chamanes, mère Ayahuasca serait « le cordon ombilical vers le cosmos »[20].

Pour ce qui est de l’angle proto-féministe à proprement parler, mère Ayahuasca est considérée comme une énergie féminine, qui renvoie à un grand principe féminin, principe que j’ai pu embrasser totalement lors de mon expérience. Ce principe féminin n’a rien à voir avec une conception binaire du genre. Comme le masculin, il s’agirait d’une forme d’énergie qui traverse l’univers de part et d’autre et se retrouve dans chaque personne. L’idée de principe ici renvoie à une essence, mais qui se retrouve de manière diffuse dans tout ce qui existe. Cette conception d’énergie traverse les cultes et les époques et diverses traditions l’associent plus spécifiquement à divers éléments et caractéristiques. Dans la tradition hermétique, le principe féminin serait celui de l’inconscient[21]. Dans le Sanatana Dharma (endonyme de l’Hindouisme), ce principe serait Shakti, l’énergie créatrice et dynamique[22].  Kenneth Grant, qui avait été secrétaire d’Aleister Crowley et qui a étudié les traditions spirituelles de l’Inde, accordait à ce principe une place importante dans sa magie sexuelle. Par ailleurs, Crowley considérait la prostituée de Babylone (à l’encontre de l’image biblique) comme bienveillante et donnant accès aux mondes au-delà du nôtre[23].

J’ai pu me rendre à l’évidence qu’auparavant, une mauvaise compréhension de mes désirs faisait obstacle à une étreinte profonde du féminin. Et je dis étreinte, car l’expérience elle-même de l’Ayahuasca était une union extatique, comme un immense orgasme féminin, féminin parce que tellement plus puissant, de plusieurs heures. En fait, le problème est que la masculinité est malade, affligée par une volonté de possession dans l’amour, l’appropriation de ce qui, dans une vue étroite, suscite le désir. Au fond, selon une compréhension mystique, c’est la divinité elle-même qui suscite le désir pour elle-même dans le cœur de l’amant·e. Par conséquent, ce qui inspire soi-disant le désir de l’autre n’est rien d’autre que la divinité et ses émanations dont cet·te autre se fait porteur·euse. L’Ayahuasca enseigne donc à servir le principe féminin plutôt que de l’asservir.

 J’ai depuis également retrouvé ces vérités dans le tantrisme, mouvement spirituel originaire de l’Inde qui transcende diverses communautés hindoues et bouddhistes. Ce mouvement spirituel regroupe des idées relatives, d’une part, au principe créateur féminin, et, d’autre part, aux pratiques sexuelles visant à atteindre des états de conscience non-ordinaire. Par des pratiques sexuelles visant à prolonger la durée du plateau de l’orgasme, l’objectif est ainsi de pouvoir produire des visions. Cette utilisation de l’énergie sexuelle comme enthéogène est toutefois controversée, associée au mouvement New Age et certains groupes sectaires, dont je ne me revendique pas du tout, mais je reconnais la valeur du symbolisme et des méthodes d’auto-exploration ainsi fournies, indépendamment de tout dogme ou de toute dérive. Aussi, comme je tente dans ce texte de nous plonger dans la pensée chamanique, il est tout à fait concevable d’interpréter le tantrisme comme porteur de métaphores de pouvoir pour représenter quelque chose qui existe déjà dans le chamanisme. En effet, l’énergie sexuelle y symboliserait une forme de pouvoir qu’on peut avoir sur soi-même ou sur les autres.

Le tantrisme propose également certaines méthodes pour aller au-delà des acquis de la révolution sexuelle des années 1960. Cette révolution, qu’on peut d’ailleurs interpréter comme un mouvement pour l’accès sexuel, c’est-à-dire la possibilité d’avoir des rapports sexuels à l’extérieur de l’institution du mariage, ne tient pas compte du caractère sacré de la sexualité. Sans une nouvelle compréhension plus profonde de la sexualité, celle-ci n’a pas pu offrir un nouvel horizon de sens, pourtant indispensable à toute pensée révolutionnaire[24]. J’entends par là que la sexualité postrévolutionnaire (si on considère la révolution sexuelle comme une véritable révolution) a reproduit les rapports de pouvoir qui existaient auparavant au sein des institutions, sans engendrer une sexualité de libération. Le tantrisme et le chamanisme amènent une dimension spirituelle, un caractère sacré, à la sexualité. Une notion de libération de la sexualité par elle-même, une libération qui passe par une adoration du principe féminin[25]. En bref, mère Ayahuasca m’a fait comprendre la femme comme étant notre porte vers cet univers et la porte vers l’au-delà, les autres dimensions, les univers parallèles, les paradis et les enfers.

 

Pourquoi l’Ayahuasca?

 

Si j’avais à faire un parallèle avec une expérience antérieure à la mienne, ce serait avec celle de l’écrivain étasunien converti à l’Islam Muhammad Michael Knight, qui raconte son expérience dans son livre Tripping with Allah : Islam, Drugs and Writing. Comme il l’explique d’entrée de jeu dans son livre, l’Ayahuasca n’a rien à voir avec les drogues au sens conventionnel du terme. C’est aussi ce qu’affirmait Titi un des chamanes qui m’a guidé pendant une des cérémonies. Titi, autochtone guarani originaire du Brésil, a mentionné qu’il considérait les expressions « drogues », « hallucinogènes » ou « psychédéliques » comme étant péjoratives. Il insistait sur le terme « enthéogène ». Dans tous les cas, comme le dit Knight :

Même mes ami·e·s musulman·e·s qui font de la cocaïne ne veulent pas se joindre à moi pour de l’Ayahuasca, mais ils ne font pas de la cocaïne pour leur croissance spirituelle. La cocaïne c’est agréable, pas l’Ayahuasca. La cocaïne, c’est pour les gens qui aiment faire la fête et l’Ayahuasca, c’est pour les gens qui aiment se vomir et se chier dessus et voir Muhammad voler dans l’espace sur un jaguar. Il n’est donc pas étonnant que ces deux activités attirent différents types de personnes.[26]

En effet, la cocaïne poursuit une euphorie instantanée et une impression de toute puissance. L’ayahuasca écrase la personne qui entre en communication avec elle et la confronte à ses propres démons, aux monstres tapis dans le placard de notre inconscient. Cela étant dit, ce n’est probablement pas cet aspect qui dérange le plus la médecine traditionnelle, mais bien le fait que les chamanes ne prétendent pas guérir elles-mêmes les afflictions du corps ou de l’esprit. La cérémonie d’Ayahuasca a pour objectif d’invoquer des esprits avec lesquels le ou la chamane a établi des relations pour que ces derniers viennent guérir l’usager·ère en entrant dans son corps et en travaillant sur la relation qu’ielle a avec son corps et son esprit. La boisson a également un effet purgatif et ce qui serait vu en Occident comme un symptôme d’une affliction est en fait un moyen de se purger, littéralement, de ses idées négatives[27]. Lors de mon expérience, un autre participant m’avait par ailleurs recommandé de lire Dante avant la cérémonie, auteur célèbre pour sa cartographie de la vie après la mort. La mort est inséparable de l’expérience des enthéogènes. En fait, certain·e·s chercheur·e·s, dont Rick Strassman, affirment qu’au moment de la mort, le cerveau sécrète de grandes quantités de diméthyltryptamine (DMT), la même substance contenue dans la vigne servant à fabriquer l’Ayahuasca. Cette substance serait aussi sécrétée pendant les rêves[28].

L’idée d’aller ingurgiter cette boisson en Amérique du Sud est très souvent motivée par la volonté de guérison, mais aussi de conscientisation. Les visions peuvent aussi être des « traductions de réalités inconscientes réprimées »[29]. Contrairement à la thérapie traditionnelle et la pharmacopée occidentale, les cérémonies chamaniques peuvent porter en peu de temps des effets positifs à long terme, qui durent bien au-delà de la dernière cérémonie[30]. Selon une étude de chercheurs hongrois, l’interaction chimique entre l’esprit de la plante et son usager·ère provoquerait un redémarrage de l’esprit permettant de se débarrasser des « mauvais programmes »[31], ces mécanismes, des pensées et des actions nuisibles qui se déclenchent dans certaines situations. À titre d’exemple, cela peut être un sentiment de culpabilité qui vient troubler le plaisir, les complexes d’infériorité ou encore simplement la haine, la colère, la peur ou toute autre émotion négative qui revient de manière récurrente.

 Si les propriétés médicinales de la potion amazonienne commencent à éveiller l’intérêt des chercheur·e·s occidentaux·ales pour ses vertus médicinales dans le traitement des troubles d’anxiété et de la dépression[32], à mon sens, elle nous oriente vers la solution à l’aliénation dont ce que nous désignons comme la maladie mentale n’est que le symptôme : la révolution. En effet, si la médecine traditionnelle tient surtout compte de symptômes, le chamanisme permet d’accéder aux sources de ce que la pensée européenne appelle la maladie mentale, c’est-à-dire l’aliénation d’un système économique et d’une société rongée par l’injustice et les rapports de pouvoir. Il est important de noter que l’Ayahuasca n’est pas une seule plante, mais bien la combinaison d’au moins deux végétaux[33], ce qui fait en sorte qu’elle est parfois comparée, dans le cadre de métaphores tout à fait habituelles au chamanisme, au téléviseur ou à la radio, par sa capacité à capter les fréquences d’univers parallèles. Pour l’anthropologue montréalais Jeremy Narby[34], largement responsable du regain d’intérêt pour l’ayahuasca dans les vingt dernières années, il pourrait très bien s’agir d’un « antidote contre le désenchantement de la modernité »[35]. Je ne suis pas le premier à croire au potentiel révolutionnaire des enthéogènes. Timothy Leary, Aldous Huxley et Stanislav Grof avaient raison de souligner l’importance de l’expansion de la conscience par des « états de conscience non-ordinaires »[36] dans l’éveil à la nécessité de la mise en œuvre d’un processus révolutionnaire[37]. Je me penche donc de nouveau sur cette idée.

À la suite de cette expérience formidable, je réaffirme avec conviction que ce qui est authentiquement réaliste en ce moment, c’est d’exiger l’impossible. En effet, il est inconséquent de penser qu’on puisse continuer de vivre comme nous le faisons, marchant tout droit à la destruction des écosystèmes. Au fond, ma position reste la même : les gouvernements sont impossibles et la réalité est ingouvernable. Enfin, si on parle souvent de consentement, c’est, je crois, à la réalité entièrement qu’il faudrait consentir pour céder notre pouvoir à celles et ceux qui nous imposent la réalité soi-disant commune. Cela dit, qui voudrait vraiment céder de plein gré un tel pouvoir? Chaque personne est à même de créer sa propre réalité et d’accepter ou de refuser toute réalité.   

Pour Allen Ginsberg, les visions avaient un caractère épistémologique et ontologique[38]. Séparé de son individualité, il s’est retrouvé nez à nez avec un immense vagin humide, d’une manière qui cadre avec l’archétype de l’univers-utérus[39], c’est-à-dire l’idée présente dans divers paradigmes culturels selon laquelle ce monde est une matrice dans laquelle nous attendons notre véritable naissance. Comme pour beaucoup de gens qui ont pu faire l’expérience produite par cette concoction, ce qui comprend les membres de la beat generation William S. Burroughs et Allen Ginsberg, mon expérience en Équateur a été plutôt transformatrice. Je n’entends pas par-là que mes proches ne me reconnaissent plus. À cet égard, il n’est pas rare de voir des gens craindre de ne plus être, de ne plus avoir accès à leur propre être, de perdre la tête, de devenir fou·olle, de faire une psychose toxique et de ne plus jamais pouvoir sortir de la prison des paradis artificiels, ce qui les fait hésiter à consommer des hallucinogènes. Pour ma part, mes idées n’ont pas beaucoup changé et je suis toujours anarchiste, toujours à la recherche d’une prise de position plus radicale et plus impossible. En fait, d’une certaine manière, l’expérience d’étreinte avec l’Ayahuasca m’a permis de mieux voir qui je suis, de l’accepter et d’entamer les démarches nécessaires pour devenir qui je suis. Ce dernier point étant en quelque sorte la mise en pratique des acquis de mon expérience, que je m’efforce de mener à bien depuis lors. J’insiste pour parler d’étreinte au regard de ce que le philosophe iranien Sayed Hossein Nasr souligne dans The Garden of Truth.En arabe, un des mots pour amour, ishq, tire son étymologie de la liane qui étreint l’arbre pour l’étrangler, symbolisant du même coup la relation étroite entre l’amour et la mort[40], mais aussi entre la conscience et mère Ayahuasca. Pour d’autres, les visions se présentent comme symbolisant l’amour suprême et universel :

« J’ai pénétré le grand filet de l’être, réseau de ce qui ressemblait à des joyaux étincelants de sois divins tissant une tapisserie anthropocosmique sans fin. Il s’agissait d’une réalité d’êtres universels avec une topologie unidirectionnelle d’esprits et de cœurs interreliés, fusionnant avec une sagesse et un amour infini »[41]

Vers la fin de son livre, Knight finit par décrire son expérience avec la panacée amazonienne. Il s’était endormi en attendant les effets de la potion. Il est ensuite soudainement réveillé par les visions, des fenêtres contextuelles comme celles qui apparaissent sur un écran d’ordinateur, avec des scènes pornographiques impliquant des femmes d’Asie du Sud[42]. Elles « s’étouffaient sur d’énormes sexes parcourus de veines, mais sans corps ». Des « larmes de mascara coulaient sur leurs visages, qui étaient bombardés de grumeaux et de longs filaments de sperme ». Selon Knight, il s’agissait des « houris, les poupées sexuelles vivantes du paradis islamique »[43]. Il découvre ensuite les mystères de l’univers en ingurgitant des litres du sang qui s’écoulaient du vagin de la fille du prophète, Fatimah, qui lui apparaît comme une femme noire. Ce sang passe à travers les plaies des martyrs de l’Islam[44]. Nue, Fatima prend la main de Knight et la pose sur son vagin et lui dit : « Ceci est tout ce qui existe. Toutes les religions, les livres, les mosquées, ce n’est que ça. Ce sont des hommes qui essaient d’imiter ce pouvoir »[45].  Elle ajoute plus loin : « c’est la porte de la mosquée », le monde entier étant aussi comme un immense utérus[46]. Cela faisait contraste avec l’islam soi-disant orthodoxe, qui participait à la construction d’« une sexualité de colère et de vengeance »[47]. Enfin, Knight conclut son livre en en arrivant à peu près aux mêmes conclusions que moi. L’Ayahuasca ne l’a pas changé lui, mais bien la façon dont il voit sa propre place au sein de l’ordre des choses[48].

La répression de la conscience : guerre contre la drogue et guerre spirituelle

Si les enthéogènes rendaient les gens plus réactionnaires et moins révolutionnaires, le cannabis et le LSD n’auraient pas entraîné la répression dont ses consommateur·trice·s ont fait l’objet dès les années 1960 et 1970. En effet, ces enthéogènes étaient associés à la contre-culture, aux mouvements révolutionnaires de l’époque, des Black Panthers au Weather Underground et aux mouvements pacifistes qui s’opposaient à la guerre du Vietnam qui minaient la crédibilité des politiques impérialistes du gouvernement[49]. En effet, la répression de la culture des enthéogènes est politique et ses prisonnier·ère·s, sont des prisonnier·ère·s politiques. Knight se permet de faire le parallèle avec l’interdiction des oranges en Espagne après la reconquête chrétienne. En effet, ces dernières avaient été amenées par les musulman·e·s d’Afrique du Nord. Pour Knight, toutes les formes de répression qui ont touché la consommation de divers psychotropes avaient pour motif caché la répression, dans une perspective coloniale, d’un groupe de personnes racisées. Par exemple, la guerre contre l’opium du XIXe siècle avait été menée contre les « travailleurs chinois qui menaçaient de voler les emplois sur le chemin de fer des hommes blancs ». La guerre contre la marijuana du XXe siècle, quant à elle, avait été menée contre « les travailleurs mexicains qui menaçaient de voler les emplois agricoles des hommes blancs ». Enfin, la guerre contre la drogue des années 1980 a touché de manière disproportionnée les populations afro-américaines.

Même la guerre contre le terrorisme dans l’ère post-onze-septembre a été menée comme si l’islam était une « substance qui empoisonnait les esprits » de jeunes hommes blancs[50]. Les traditions islamiques ou enthéogéniques sont donc traitées comme hérétiques par rapport à l’orthodoxie dominante, cryptochrétienne et même peut-être au Québec, cryptocatholique, parce que l’abstinence aux enthéogènes est aussi bien estimée que la soi-disant abstinence des prêtres et des religieuses ou l’abstinence du croyant en général vis-à-vis de leur sexualité. Il ne faut pas oublier que l’apogée de la guerre contre la drogue des années 1980 a été initiée par Reagan, néoconservateur et néo-fondamentaliste, ce qui n’a pas été sans répercussions sur notre coin des Amériques. Les personnes qui « pêchent » contre l’orthodoxie dominante sont conditionnées à ressentir un terrible sentiment de culpabilité et l’Ayahuasca est peut-être un remède contre ce mal, comme l’a été le LSD pour la contre-culture des années 1960. À titre d’exemple, Michel Foucault aurait affirmé avoir vécu une expérience transformatrice et éclairante avec le LSD, qui lui aurait permis de comprendre sa sexualité[51]. Enfin, je pense qu’il faudrait se rendre à l’évidence que notre société ne s’est jamais libérée des dogmes de l’Église catholique, pas au Québec en tout cas. Elle ne les a que refoulés. Pour revenir à l’Islam, si ses dogmes enseignent que les intoxicants sont « taghiyat al-aql, le recouvrement de l’intellect »[52], l’Ayahuasca ne l’est pas, car elle repousse les limites de la conscience, accroît la sensibilité à des dimensions de la réalité inaccessibles autrement. Je ne le répéterai pas assez : l’Ayahuasca n’est pas et ne doit pas être considérée comme un stupéfiant. Malheureusement, la peur de déroger à l’orthodoxie rend la tâche de dénoncer cette méprise bien difficile. Un ordre soufi, c’est-à-dire un groupe qui adopte la voie mystique de l’Islam, le Fatimiya Sufi Order, fondé par Wahid Azal, un iranien bahaï converti à l’Islam chiite en Australie, utilise la boisson amazonienne, dans une version qui utiliserait des ingrédients importés d’Iran, mais cet ordre est extrêmement marginal[53]. Le philosophe de l’anarchisme spirituel Hakim Bey avait d’ailleurs adhéré à cet ordre avant sa mort en mai dernier[54].

Illégale en Amérique du Nord et en Europe, à quelques exceptions près[55], comme c’est le cas pour les succursales de l’église Santo Daime, originaire du Brésil, située à Montréal et à Toronto[56], au Pérou, l’Ayahuasca est reconnue comme une « plante médicinale traditionnelle, patrimoine culturel et pratique spirituelle »[57]. Enfin, le corps entier est rempli d’enthéogènes, dont le DMT, présent dans l’Ayahuasca. Par conséquent, je crois que le concept de biopouvoir mis de l’avant par Michel Foucault, c’est-à-dire le pouvoir sur la vie, sur le corps et sur la société s’applique tout à fait à la répression de l’utilisation des enthéogènes, même ceux qui se trouvent déjà dans nos propres corps et nos propres glandes. Il ne s’agirait alors de rien d’autre que la gouvernance du corps pour empêcher toute remise en question des dogmes et de la réalité de la conscience ordinaire[58]. Enfin, d’un point de vue spirituel, et peut-être celui de certaines branches de la philosophie ou de la physique quantique, on ne peut reprocher aux drogues d’engendrer des paradis artificiels ou une pseudo-réalité, car toute réalité est illusoire, produite par la conscience qui observe[59].

Les acquis de l’expérience

 

Selon Ibn Arabi, les dogmes ont remplacé la transparence de ce monde par une opacité persistante. La soi-disant construction rationnelle du savoir a réussi à dépeindre une illusion directement sur cette transparence et continue d’y appliquer des coups de pinceau pour ne pas que s’écaille la peinture pour nous laisser voir au travers. L’imagination créatrice est ce que nous projetons de l’autre côté de cette transparence, dans le monde intermédiaire (alam -al-misal), monde habité par les djinns (esprits, origine du mot « génie ») et autres créatures invisibles. En fait, l’imagination est un moyen d’accès, souvent trop vite perdu parmi les savoir rationnels, vers les réalités intérieures. Intérieures parce que dans le soufisme, il y a une correspondance entre microcosme, le soi, et le macrocosme, l’univers. « Ce qui est en haut est aussi en bas », selon les paroles de la Table d’émeraude attribuées à Hermès Trismégiste. Dans le monde intermédiaire, il serait possible d’observer des bribes de la réalité suprême et divine[60]. Les chamanes, selon leur propre compréhension, auraient développé de bonnes relations avec certain·e·s djinn·e·s bienfaisant·e·s, dont l’Ayahuasca, protectrice de l’Amazonie et de mère nature. Ces esprits les aident ensuite à guérir celles et ceux qui participent à leur cérémonie.

Toujours du point de vue du chamanisme, c’est notre ignorance d’Européen·ne·s qui nous fait parfois parler d’un effet placebo pour désigner ce qui n’est rien de moins qu’une chirurgie de l’inconscient qui transforme notre relation avec le réel. La pensée chamanique conçoit, entre autres, que le médicament, le natan, la préparation elle-même, permet d’interagir avec l’Ayahuasca-esprit, et constitue une technologie qui permettra de franchir la prochaine étape de l’évolution humaine[61]. Enfin, en ce qui me concerne, lors de ma première expérience, mère Ayahuasca m’a montré comment puiser dans mes moments de bonheur, de conscience non-ordinaire, dans mes rêves de libération, mes moments d’inspiration qui me poussent à écrire. Mère Ayahuasca m’a fait comprendre, dans son langage pur, sans loi ni gouvernement, que je prospère hors des sentiers battus et dans la marge. Je devais accepter cette place.

Jaguar Negro, ou Jaguar noir, avait été le chamane pour la deuxième cérémonie d’Ayahuasca, celle qui avait été, pour moi, la plus transformatrice. Lors d’une conversation que nous avons eue le lendemain autour du feu, il m’a expliqué certaines notions de son identité culturelle shuar (et non Jivaros, terme raciste et péjoratif), peuple auparavant connu en Europe comme étant des cannibales et des réducteurs de tête. En fait, pour lui, les shuars sont avant tout des défenseur·euse·s de terre mère et dévorer ceux et celles qui détruisent la nature est un moyen comme un autre de la défendre. J’ai longuement discuté avec lui, moi de mes expériences de vie, de voyages et lui, de son cheminement pour devenir un chamane. Selon lui, il y a plusieurs niveaux d’éveils de la conscience.

  1. Victime : sentiment d’autopitié
  2. Ambitieux·euse : vouloir changer le monde
  3.  Chercheur·e : celui ou celle qui cherche la vérité
  4. Voyageur·euse : sur la voie de la sagesse
  5. Sage

Il mentionne aussi qu’il y a quatre obstacles à la réalisation spirituelle :

  1. La science
  2. La politique
  3. L’économie
  4. La religion

Je crois que ces idées méritent d’être analysées, d’une part, comme faisant partie d’une certaine pensée autochtone et adaptogène chamanique, mais aussi d’une spiritualité postcoloniale qui cannibalise les moyens culturels du système hérité du colonialisme. Le nombre d’interprétations possibles est infini. On pourrait, par exemple, interpréter l’enchaînement des niveaux de réveil de la conscience de la manière suivante : victime du colonialisme, l’ambitieu·euse qui veut changer le système de l’intérieur en se taillant une place au sein du système hégémonique, le ou la chercheur·e qui cherche la vérité qui transcende le colonialisme et la condition de colonisé·e et enfin, le ou la voyageur·euse qui a trouvé son chemin et le ou la sage. Quand il parle de ces obstacles, je pense qu’il faut aussi les comprendre : la science des blancs, la politique de blancs, l’économie des blancs et la religion des blancs. Jaguar m’a qualifié de chercheur.

Enfin, pour la cérémonie de San Pedro (Wachuma), un cercle est créé par le ou la chamane pour nous protéger des esprits prédateurs qui rôdent en périphérie et qui pourraient dévorer votre âme. Christine nous a expliqué que les visions produites par l’Ayahuasca et le San Pedro sont bel et bien réelles. Des voies d’accès à des dimensions parallèles sont ouvertes par la cérémonie. Les dimensions parallèles seraient comme des ondes radio, dont nous pouvons syntoniser la fréquence grâce aux enthéogènes. C’est aussi un peu comme une rivière qui nous suit en parallèle, lorsque nous dormons, nous y trempons les pieds et lorsque nous ingérons les plantes médicinales pour nous trouver en présence de mère Ayahuasca ou papa Wachuma, nous nageons dans cette rivière d’émotions, nous permettant de perdre le pied ferme sur la rive le temps de quelques heures. Par ailleurs, le but de la médiation soufie (la mouraqaba) serait justement de nager dans cette rivière et d’échapper aux contraintes de l’espace-temps[62]. Sur le plan personnel, cette cérémonie m’a permis de tourner la page sur mes expériences d’intimidation vécues à l’enfance, dont les horreurs m’avaient suivi jusque dans la vie adulte.

Christine nous expliquait que nous sommes la conscience éternelle de Dieu. Ce que nous vivons constitue un rêve. Tout ce qui est vrai, c’est la conscience qui en est témoin. Nous avons le choix de faire de ce rêve un rêve agréable ou d’en faire un cauchemar. Malheureusement, selon Christine, des sorciers sont à l’œuvre et font en sorte que les travailleur·euse·s de la lumière, les personnes qui suivent la voie de l’accomplissement spirituel par l’amour, deviennent obnubilé·e·s par la machinerie de l’obscurité. Le ou la chamane œuvre à ramener ces travailleurs·euses vers leur vraie nature, celle de répandre la lumière. Pour elle, le monde est gouverné en collaboration avec des démons qui soutiennent les puissances impérialistes et les forces du capitalisme transnationalisé. Elle nous appelle des anges, des « agents 007 de l’amour » dont la responsabilité est de faire changer les choses. Au sujet de l’amour, Ibn Arabi, une des figures les plus importantes du soufisme, le mysticisme islamique, explique qu’il existe trois types d’amour, l’amour naturel, dans lequel cas l’amant·e ne cherche qu’à satisfaire ses propres désirs auprès de l’aimé·e, puis il y a l’amour spirituel, dans lequel l’amant·e n’a d’autre but que satisfaire les moindres désirs de l’aimé· et, enfin, l’amour divin, dans lequel cas Allah aime sa créature et se crée dans le cœur de cette dernière. La créature désire Allah en retour, désir qui n’est autre qu’Allah lui-même révélé en son cœur qui tente inlassablement de retourner vers lui ou elle-même[63]. Ce dernier type est complet, et n’exclut pas non plus l’amour du prochain et l’amour de soi, puisque, dans le soufisme n’existe rien d’autre qu’Allah et sa parole manifestée[64].

L’amour, d’un point de vue alchimique, est une puissance transformatrice[65]. Or, mère Ayahuasca m’a permis de mieux embrasser ces idées. Face à mon affirmation selon laquelle l’amour serait la seule véritable force révolutionnaire, Christine a acquiescé. Encore une fois, il faut comprendre toutes ces choses à un niveau métaphorique tout en prenant conscience que, dans la pensée chamanique, ces métaphores et les émotions dont elles sont chargées sont plus vraies que ce que nous appelons la réalité objective. Ce n’est pas sans raison que beaucoup de gens se sentent frustrés en revenant de ces expériences et sentent que personne d’autre n’est en mesure de les comprendre. J’espère que ce texte pourra jeter un nouvel éclairage sur cette incompréhension. Malheureusement, le gouvernement canadien, entre autres gouvernements, déconseille encore fortement, dans ses avertissements aux voyageurs [sic], de participer à de telles cérémonies[66]. Je crois qu’il faut le voir comme une résistance des pouvoirs réactionnaires et néocoloniaux à une acceptation authentique des visions du monde qui ne se conforment pas à leurs intérêts politiques et économiques. Par la même occasion, ils essaient d’asservir encore plus profondément la vie elle-même et la conscience, une tentative vaine et un objectif impossible.

 

[2] Terme utilisé par Stanislav Grof pour désigne les expériences psychédéliques. Nous entendons le terme comme moins péjoratif. Voir :

Grof, Stanislav. 1975. LSD: Doorway to the Numinous. New York : Viking Press.

Grof, Stanislav, et Hal Zina Bennett. 1993. The Holothropic Mind: The Three Levels of Human Consciousness and How They Shape Our Lives. New York : HarperCollins Publisher.

[3] https://fr.wiktionary.org/wiki/enth%C3%A9og%C3%A8ne#:~:text=Adjectif,-Si...(Pharmacologie)%20(En%20parlant%20d,donne%20le%20sentiment%20du%20divin.

[4] Mariátegui, José Carlos. 1998. 7 Ensayos de interpretación de la realidad peruana. Lima, Peru : Biblioteca Amauta, p.49

[5] Fericgia, cité dans Luna, Luis Eduardo, et Steven F. White. 2016. Ayahuasca Reader: Encounters with the Amazon’s Sacred Vine. Synergetic Press, p.6

[6]  « This process also involves the shamanic appropriation of any and all power-metaphors, including received books, radios, magic matches, white pills, drugstores, contemporary weapons of war, and UFOs. », Ibid.

[7] Knight, Michael Muhammad Knight. 2013. Tripping with Allah : Islam, Drugs and Writing. Berkeley, CA : Soft Skull Press, p.19

[8] Noonan, Harold W. 2013. « Presentism and Eternalism ». Erkenn, no 78 : 219‑27, p.219-220

[9] Rea, Michael C. 2003. « Four-dimensionalism ». Dans The Oxford Handbook of Metaphysics. 1‑59. Oxford University Press, p.1

[10] McTaggart, J. Ellis. 1908. « The Unreality of Time ». Oxford University Press 17 (68) : 457‑74, p.457-458

[11] Miller, Kristie. 2017. « A Taxonomy of Views about Time in Buddhist and Western Philosophy ». Philosophy East and West 67 (3) : 763‑82.

[12] «The relationship of the Real to the cosmos is like the relationship of water to snow[…]The issuing forth and returning take place in eternity without beginning, eternity without end, and in all temporal moments, since at each moment the cosmos goes back to the Reality and comes out from the Reality, like the waves of the ocean. » Source : Khwāja Khurd, cité dans Muhammad U Faruque, « Sufism contra Shariah? Shah Wali Allah’s Metaphysics of Wahdat al-Wujud ». Journal of Sufi Studies, 2016 no 5 : 27‑57.

[15] Pierre Clastres, La société contre l’État : recherches d’anthropologie politique, 11.

[16] Ibid., p.14.

[17] Oswaldo de Andrade, « Manifeste anthropophage/Manifesto antropófago (Traduction de Michel Riaudel) ». Revue Silène, Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense2010. http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=liv&livre_id=143.

Alexandre Dubé-Belzile, « Écocannibalisme: contre-attaque esthétique sdes discours anthropocentriques ». Dans L’effondrement du réel: imaginer les problématiques écologiques à l’époque contemporaine. Val d’Or : L’Esprit Libre, 2020.

Alexandre Dubé-Belzile, « A Reappreciation of Cannibal Translation as Critique of Ideology ». Linguistic and Literature Review, 2019,  5 (2) : 7‑87.

 

[18] Expression de Stanislav Grof. Voir les ouvrages susmentionnés.

[19] Op. Cit., note 5, p.vii

[20] Op. Cit., note 5, p. 16

[23] Levenda, Peter. 2013. The Dark Lord: H. P. Lovecraft, Kenneth Grant and the Typhonian Tradition in Magic. Lake Worth, Florida : Ibis Press.

 

[24] À cet égard, voir le film WR : Mysteries of the organism (1971) de Dušan Makavejev, inspiré du freudomarxiste Wilhelm Reich, théoricien précoce, entre autres, de la révolution sexuelle.

[25] Margo Anand, The Art of Sexual Ecstacy: The Pth of Sacred Sexuality for Western Lovers (TarcheePerigree, 1990), 1‑8. Il est à noter que, même si cette source ne suffirait pas pour appuyer toute une analyse du tantrisme, dans  une optique de réappropriation chamanique, nous croyons que cela convient, comme elle épure les méthodes des dogmes ou des notions plus strictement religieuses, une idée chère au chamanisme et à Christine.

[26] « Not even my Muslim friends who do coke want to join me for ayahuasca, but they’re not doing coke for the sake of spiritual growth. Coke is fun, and ayahuasca is anti-fun. Coke is for people who like to party, and ayahuasca is for people who like throwing up and shitting themselves and seeing Muhammad flying through space on a jaguar. I guess it’s understandable that these experiences attract different crowds. », Op. Cit., note 7, p.3.

[27] Op. Cit., note 5, p.i

[28] Rick Strassman, DMT: The Spirit Molecule: A Doctor’s Revolutionary Research into the Biology of Near-Death and Mystical Experiences (Rochester, Vermont: ‎ Park Street Press, 2002).

[29] Op. Cit., note 5, p. 241

[30] Op. Cit., note 5, p. 239

[31] Op. Cit., note 5, p. 237-238

[32] Sarris, Jerome, Daniel Perkins, Lachlan Cribb, Violeta Schubert, Emerita Opaleye, José Carlos Bouso, Milan Scheidegger, et al. 2021. « Ayahuasca use and reported effects on depression and anxiety symptoms: An international cross-sectional study of 11,912 consumers ». Journal of Affective Disorders Reports 4. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666915321000251.

[33] Voir Deshayes, Patrick. « L’ayawaska n’est pas un hallucinogène », Psychotropes, vol. 8, no. 1, 2002, pp. 65-78.

[34] Voir Jeremy Narby, The Cosmic Serpent: DNA and the Origins of Knowledge. Geneva : Georg, 1998.

[35] Op. Cit., note 5, p. 12

[36] Grof, Stanislav. 1975. LSD: Doorway to the Numinous. New York : Viking Press.

Grof, Stanislav, et Hal Zina Bennett. 1993. The Holothropic Mind: The Three Levels of Human Consciousness and How They Shape Our Lives. New York : HarperCollins Publisher.

[37] Huxley, Aldous. 1954. The Doors of Perception. New York : Harper & Brothers , Publishers.

Leary, Timothy, Ralph Metzner, et Richard Alpert. 1992. The Psychedelic Experience: A Manual Based on the Tibetan Book of the Dead. New York : Citadel Press Books.

Schou, Nicholas. 2010. Orange Sunshine: The Brotherhood of Eternal Love and Its Quest to Spread Peace, Love, and Acid to the World. New York : Thomas Dunne Books. St. Martin’s Press.

[38] Op. Cit., note 5, p.23

[39] Op. Cit., note 5, p.332

[40] Seyyed Hossein Nasr, The Garden of Truth: The Vision and Promise of Sufism, Islam’s Mystical Tradition (San Francisco, California: HarperOne, 2007), 66.

[41] « l entered a greatnet of being, fiery jewel-like Web of Godselves weaving an endless anthropocosmic  tapestry. It was a realm of universal beings with an omnidirectional topology of interconnected heads and hearts, fusing boundless wisdom and love." » Op. Cit., note 3, p.19

[42]  Op. Cit., note 7, p. 219

[43] Op. Cit., note 7, p.220

[44] Op. Cit., note 7, p.221-222

[45] Op. Cit., note 7, p. 223

[46]  Op. Cit., note 7, p.223

[47] Op. Cit., note 7, p. 233

[48] Op. Cit., note 7, p.256

[49] Voir:

Martin Lee, Smoke Signals: A Social History of Marijuana - Medical, Recreational and Scientific. New York : Scribner, 2013.

Martin Lee et Bruno Shlain, Acid Dreams: The Complete Social History of LSD: The CIA, the Sixties, and Beyond. New York : Grove Press, 1985.

[50] Op. Cit., note 7, p.16-17

[51] Op. Cit., note 7, p.29

[52] Op. Cit., note 7, p.25

[57] Op. Cit., note 7, p.16

[58] Op. Cit., note 7, p.35

[59] Op. Cit., note 7, p. 36

[60] Henry Corbin, L’imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn ’Arabi (Paris : Médicis-Entrelacs, 2006), 208‑9.

[61] Diane Reed Slattery, Xenolinguistics: Psychedelics, Language, and the Evolution of Consciousness. Berkeley, CA : Evolver Editions, 2015.

[62] Shamsuddin Azeemi, Muraqaba: The Art and Science of Sufi Meditation, 2020.

[63] Corbin, L’imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn ’Arabi, 166.

[64] Muhammad Hisham Kabbani, The Sufi Science of Self-Realization (Fenton, Michigan: Institute for Spiritual & Cultural Advancement, 2006), 18.

[65] Nasr, The Garden of Truth: The Vision and Promise of Sufism, Islam’s Mystical Tradition, 64.

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