L'État islamique: quelques réflexions

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L'État islamique: quelques réflexions
Idées
| par Daniel Stern |

Le 29 juin 2014, l'État islamique d'Irak et du Levant proclame officiellement la réinstauration du califat, se nommant désormais l'État islamique. Depuis, la situation se déroulant dans la région de l'Irak et de la Syrie fait un bond dans l'actualité internationale (1). Rapidement, la machine médiatique alimentée par les États-Unis et leurs alliés vire au manichéisme le plus grossier et encore une fois le spectacle médiatique est davantage avide d'images spectaculaires que de réflexions critiques. Ce texte propose d'esquisser quelques réflexions sur notre époque à partir des récents événements ayant chamboulé notre actualité.

Nous sommes en guerre, le terrorisme est notre ennemi. À force d’habitude, ce vocable est devenu familier. Pourtant, lorsqu'on en vient à questionner ces termes, ceux-ci répondent en creux. À la suite de l’ire des médias, la peur quotidienne se cristallise sur certains mots alors que d’autres subissent d’étranges contorsions. D’une situation complexe relevant de multiples facteurs s’inscrivant dans une histoire longue, on fabrique une narration idéologique en noir et blanc. Le spectacle annihile le réflexif pour aller s'infiltrer au sein de l'affectif. Est ainsi créé un affect commun, un sentiment de « nous » qui mobilise totalement la société sans compréhension réelle. Or, à bien des égards, nous avons affaire à une situation nouvelle, une entrée dans la troisième phase de la « guerre au terrorisme » (2). Lorsqu’on en vient à utiliser des concepts modernes tels que « État » ou « guerre », ceux-ci grincent et la réalité se refuse à se ployer à leur analyse. Il s’agit dans ce texte de s’infiltrer précisément dans les brèches entre ces termes et notre actualité afin de penser leur transformation. À bien des égards, ce que l’on nomme « l’État islamique » pourrait jouer le rôle de révélateur de notre époque.

En guerre contre un non-État

Depuis la création de l’État islamique, ce que nos dirigeant-e-s nomment « terrorisme » s’est fait État. D’un « ennemi » évanescent, on passe à une « engeance » claire qu’il faut anéantir, à la fois inquiétante par son organisation inédite et rassurante dans les limites de ses contours. Cependant, l’utilisation du terme « État » ne se fait pas sans heurts. Alors que les États-Unis déchirent leur chemise de colère face à la création d'un « État terroriste », plusieurs refusent de parler d'État. Pour ces dernières et ces derniers, il s'agit d'une organisation qui ne répond pas aux caractéristiques minimales pour en revendiquer le titre (3). De même, du point de vue de la politique internationale, déclarer un « État terroriste » s’approche beaucoup de la position refusant à une telle entité le statut d’État. Jeux de mots, jeux de pouvoir. Dans ce malaise terminologique, on dérive rapidement vers le diminutif « E.I. » tel un sobriquet familier rassurant ou vers « daesh », l'appellation arabe à connotation péjorative pour désigner l’État islamique.

Sous ces débats davantage idéologiques que théoriques se profilent les échos des débats en cours sur la mondialisation et le déclin des États-nations. Au lieu de vouloir faire cadrer ce qui se passe devant nous dans nos vieilles catégories, nous pouvons plutôt observer comment elles se tordent et nous en informent bien davantage. Et si ce type d’État – se démenant dans les filets de son éclatement – n’était pas le futur du monde (4) ? La surmédiatisation de l'État islamique ferait de cette manifestation le cas unique de ce qui se passe globalement aujourd’hui. Ainsi, la mondialisation ne doit pas être conçue comme un mouvement uniforme vers le mondial. Au lieu d'une déstructuration unilatérale des États-nations, il faut y voir une reconfiguration du lien entre localité et globalité, une manière nouvelle de vivre la localité (5). Les diverses souverainetés se hiérarchisent de plus en plus dans une fluidité spatio-temporelle asymétrique. Le monde ne serait plus constitué d’espaces clos contigus, mais de zones en poupées russes variant selon le gré du pouvoir. En ce sens, la résurgence d’identités non-étatiques ne constitue pas un retour des nationalismes, mais bien un signe de l’appel d’air laissé par la dislocation progressive des États actuels sous la frappe néo-impérialiste (6).

Guerre asymétrique

Or, ce flou autour de la dénomination de l'État islamique provient du particulier de la situation qui est la nôtre : il n’y a pas que les frontières étatiques qui se brouillent tandis qu’on patauge entre une guerre localisée et un conflit mondial asymétrique ; entre la politique de puissance et une logique discursive moralisante. L’ensemble des catégories se chevauche.

Dans cette logique de mondialisation asymétrique sous la férule impériale des États-Unis et de ses alliés de l’OTAN, on discerne une transformation dans le sens que prennent les mots « faire la guerre ». Aujourd’hui, afin de saisir cette guerre contre le « terrorisme », il faudrait supposer un champ de bataille s’étendant au monde entier. Or, les combats – bien que ne connaissant aucunes frontières – sont particulièrement peu étendus géographiquement. Les lieux de violence semblent particulièrement restreints à la fois dans l’espace et dans le temps. Le champ de bataille est complètement effacé, on effectue des micro-interventions à travers le monde, on pilonne un ennemi qui semble disparaître dans son propre territoire.

D’un côté, ceux et celles que l’on désigne à tort comme les « fous d’Allah » voient leur composition s’internationaliser, leur organisation former une nébuleuse mondialisée et leurs actions traverser le monde. De l’autre côté, les armées professionnelles à la défense de la « civilisation » négligent les distinctions entre zone de paix et zone de guerre, traversent les frontières et bafouent les souverainetés nationales (7). D'une part, la résistance à l'ordre mondial impérialiste, cherchant à pallier le déséquilibre des forces, se structure sous la forme de la guérilla – nulle part et partout – en perspective d'un combat asymétrique. De cette logique, l'attentat-suicide en est la figure la plus insaisissable, refusant par la mort de donner quelconque prise sur soi à l’ennemi. D'autre part, les dispositifs anti-terroristes radicalisent ce principe – priver l'ennemi d'ennemi – en le retournant contre la guérilla. Aujourd'hui, cette logique est particulièrement exacerbée par l’utilisation de drones, par l’intervention de commandos éclairs et par les bombardements aériens (8).

Seconde dissémination des lieux de conflit

Les dominos tombent tour à tour : les règles du jeu changent du tout au tout. Alors que l'État impérial retire ses troupes humaines et civiles des lieux de combats, ses populations sont de moins en moins conscientes d'être même en guerre. Les médias demeurent le dernier témoin irréel des boucheries. Alors que les insurgé-e-s de l’État islamique se trouvent devant un ennemi impérial inatteignable et insaisissable, leur seule possibilité semble être d’atteindre celui-ci autrement : au « cœur » de l'empire. Le combat s’effectue sur deux fronts, l’un local, l’autre international. Durant la guerre du Viet Nam, un groupe communiste avait adopté le slogan « Bring the war home ». Le motif de cette proposition était de rendre réelle la guerre « à la maison » pour que les populations ne puissent pas l’ignorer et la reléguer à un fait divers : que cela ait un impact négatif direct sur ceux et celles qui laissent leur dirigeant-e-s jouer aux cowboys internationaux. N’est-ce pas étrange de voir dans les attaques en France, au Royaume-Uni ou dans les attaques contre les militaires canadiens un écho à ce slogan? L’État canadien est en guerre. S’il bombarde ses ennemi-e-s en refusant d’exposer ses troupes, s’il refuse de laisser partir des individus souhaitant combattre contre lui, qu’on ne s’étonne pas que des militaires « pacifiques » soient tué-e-s. Puisqu'il n'existe presque plus de zones de guerre réelles, seul-e-s subsistent des militaires « pacifié-e-s » et des citoyen-ne-s « pacifiques ». La disparition du champ de bataille engendre plutôt sa dissémination à travers le monde. Ce ne sont pas les « soldats d’Allah » qui sont à l’assaut de « l’Occident » (sic) (9), mais bien les tenants du néo-impérialisme qui ont fait du monde leur terrain de guerre asymétrique.

Ainsi, il n’est pas étonnant non plus que la posture sécuritaire ait le pavé haut des discours prônant sans gêne une plus grande militarisation de la sécurité, plus de surveillance, davantage de contrôle des personnes désignées « musulmanes ». En effet, une guerre impériale dans le cadre de la « mondialisation » asymétrique crée un phénomène intéressant de transposition de la logique guerrière à l'intérieur des États-nations impérialistes. À la résistance en leur sein se couple un régime de guerre contre les propres sujets de l’État. Le rapport colonial d'occupation/contrôle/répression se reproduit à l'intérieur : les récents cas contre les individus canadiens soupçonnés d'être allés ou de vouloir aller se joindre à la lutte de l'État islamique s'ajoutent aux politiques marginalisant, judiciarisant et expulsant divers groupes sociaux et individus. À cet égard, on peut alors penser la souveraineté à partir de l’idée d’État d’exception. Ce serait du pouvoir d’exclusion – créant un espace hors-champ – que proviendrait le pouvoir étatique. Le pouvoir souverain est celui qui délimite en son sein les sujets inclus-es et exclu-es.  Dans le cas de figure de « l’ennemi intérieur », le processus est celui de l’exclusion du corps social d’un groupe ou d’une minorité. L’exemption n’est pas une exclusion à l’extérieur de la communauté, mais à l’intérieur de celle-ci dans un espace « mis à nu » exposé au pouvoir total étatique. Les individus exemptés sortent du champ politique pour être soumis à la violence militaire (10).

Changement dans la logique guerrière

S’il faut insister sur le fait que la « guerre au terrorisme » est bien une guerre afin de faire ressortir ses implications dévastatrices et meurtrières pour les populations subissant les invasions « civilisatrices », elle n’a opérationnellement rien d’une guerre telle qu'on l'entendait au siècle dernier. Il ne s’agit pas d’un combat entre deux ou plusieurs États luttant pour leurs intérêts économico-politiques, mais d’une coalition d’États visant à contrer une insurrection sociale dont les finalités politiques et sociales s’opposent aux leurs idéologiquement. Cependant, nous avons aussi quitté les paramètres des contre-insurrections chères aux États-Unis en Amérique du Sud au cours du XXe siècle. Prenant sa place, le paradigme de l’anti-terrorisme emprunte dans le discours au vocable policier et médical et dans la pratique à la chasse au gros gibier : il s'agit de traquer, identifier et localiser sa cible et de la détruire. Affirmant que « ceci n'est pas un État » et « qu’en tant que groupe terroriste surpuissant, notre devoir est de l'éliminer », l’entité terrorisante est associée aux groupes criminels ou au cancer. L'armée passe d'un modus operandi « politico-militaire » à « policiaro-sécuritaire ». À plusieurs titre, il faut, dès lors, parler d'une police mondiale létale exerçant un contrôle social militarisé à l'aide d'exécutions préventives extraterritoriales (11).

Hier, la politique anti-insurrectionnelle se basait sur un travail socio-politique de terrain et sur une compréhension approfondie des facteurs en cause visant à les désamorcer à long terme. Aujourd’hui, l’anti-terrorisme vise l’éradication physique des acteurs. Or, ce mode d'action agit tel un pompier pyromane dans la plus totale incompréhension du contexte social d’émergence de la contestation. Au final, celui-ci ne peut que couper les têtes qui dépassent sans adresser réellement les problématiques sous-jacentes et revient à combattre les effets tout en causant un renforcement des causes. Le résultat, à court terme, ne peut être qu’une plus grande déstructuration de la région (12) et, à long terme, une escalade de la violence contre les exactions des pays dits « occidentaux » (13). L’État islamique n’est pas un phénomène à part, mais s’inscrit bien dans une histoire longue et géographiquement étendue et plurielle que l’on désigne souvent comme « l’islamisme », fortement tributaire du colonialisme. Si ce n’est pas dans les intérêts de notre gouvernement de s’en préoccuper, il est impératif d’y rechercher une explication complexe des événements actuels.

Au-delà de la morale

Constamment, le discours utilisé à des fins de mobilisation contre l'État islamique nous renvoie étrangement – à première vue – vers des notions morales comme le Bien et le Mal. Il importe de repenser ces termes aujourd'hui au regard de leur utilisation. À la surface, la situation se présente comme un conflit idéologique profond où chaque partie miroir de l’autre excommunie à tour de bras. Or, il faudrait plutôt y voir d'une négation politique d'un groupe désigné comme radicalement « autre ». Cette polarisation permettrait de se définir négativement par rapport à l'autre, tout en cherchant dans le cas de l’islamisme à « retrouver » une culture pré-coloniale en expulsant « l’héritage occidental ».

Ainsi, la mobilisation s’effectue sur la base d’un jugement moral prétendument universel. Dans le discours dominant, l’ennemi prend une forme immatérielle : on entre en guerre contre le « terrorisme » tel un pugilat contre un concept dont les avatars surgissent par génération spontanée ou par une obscure contagion. On brandit le drapeau de la République, on lance des bombes pour faire jaillir la civilisation, on se bat pour la Démocratie, la Liberté et l’Égalité! Un tel discours ne présume en rien l’application de tels principes chez soi – bien au contraire – mais affirme dans le plus fervent orientalisme (14) l’inadéquation essentielle de la culture honnie avec ceux-ci. Renversons le tableau : concevoir le Bien du côté des droits universels de la personne ne va pas de soi. À bien des égards, nous sommes à même de pouvoir les critiquer comme des droits bourgeois contrecarrant l’agir collectif par une juridisation individualisante du politique. Aujourd’hui, il faut y voir avant tout un piège conformiste, alors que ceux-ci sont d’abord invoqués par la classe dominante et ses suppôts, ainsi qu’un ethnocentrisme profond faisant des paradigmes capitalistes le nec plus ultra universel.

Liberté d’expression

L’exemple le plus probant est peut-être ce droit revendiqué à tort et à travers, mais de plus en plus à droite, la liberté d’expression. Alors que ce sacro-saint droit a fait couler tant d’encre lors de l’attaque du 7 janvier à Paris, la dissension politique semble de moins en moins présente dans la même glu de l'unanimisme stupide. Le résultat donne plutôt l’impression de moutons médiatiques bêlant en cœur « je suis Charlie » ou « je suis Paris » au même titre que dans Brian des Monty Python où la foule répète en chœur « Nous sommes tous des individus! » (15)…  Au final, c'est au cri de l'expression libre que l'on s'enfonce encore plus dans le même racisme généralisé contre le nouvel ennemi public. Encore une fois, sur la question de l’islam, Charlie Hebdo ne représente pas une voix minoritaire qui peine à se faire entendre sous la censure, mais l'expression même de la haine anti-islamiste au service des intérêts néo-impérialistes dominants.

À force de répéter qu’il s’agit d’un clash des civilisations, que le conflit est culturel et qu’effectivement beaucoup des combats se gagnent sur le front du spectacle, il n’y a rien d’étonnant au fait que les « journalistes » (pour ce qu’il reste de cette profession dans une société de conformisme de masse individualisé) soient aussi les cibles de guerre. En effet, la violence médiatisée à travers le spectaculaire unifie le corps social et fait ressentir l'attaque comme si elle était dirigée contre « nous », sa médiatisation crée un « nous » menacé (16). Mais l’opposition militaire se revendiquant de l’islam investit aussi le domaine du spectaculaire, modelant ses actions en fonction du regard des vidéos. Dans cette guerre, les caméras sont autant responsables des exécutions que les fusils.

Conclusion : Pour Demain

Aujourd'hui, la barbarie – au sens de sauvagerie, de saccage, de meurtre et de destruction – est du côté de l'auto-proclamée « civilisation ». Les diverses formes de Mal radical quelle porte en son sein font de l’ombre aux méfaits communs. Que le terme « barbarie » soit encore imputé aux attaques contre la « civilisation » relève – au-delà de l'idéologie impérialiste – de sa non-systématicité. Si la « civilisation » a déjà dépassé tous les sommets de la barbarie voire de la violence inhumaine, ce qui surprend ou même choque encore dans les récentes attaques, c'est encore leur caractère isolé et brouillon. Le nombre de morts est si petit qu’il peut encore nous émouvoir : 12 morts, 130 morts alors oui on peut penser à leur famille. Mais les milliers et milliers de cadavres produits par les armes de l'OTAN, il ne nous est plus même possible d’y penser. Notre sentiment n’arrive pas à rejoindre l’immensité de notre pouvoir de mort se réalisant à tous les jours. Quelle blague de mauvais goût que la fixation iconographique sur le sabre « islamiste », comme si, dans son archaïsme, il devenait plus violent que des missiles, des chambres à gaz ou des bombes atomiques.

Notre époque est celle d’une guerre asymétrique latente et généralisée. Il est vrai qu’un combat basé sur un motif essentiellement normatif est condamné à s'étendre dans l'espace et le temps. « Une guerre visant à créer et à maintenir un ordre social ne peut avoir de fin. Elle nécessite l'usage continu et ininterrompu de la puissance et de la violence. Il est donc impossible de remporter une telle guerre ou, plutôt, il faut la gagner tous les jours. (17) » La boucherie militaire se couple d’une violence insidieuse fonctionnant sur la normativité, la soumission et le consentement. La guerre n'intervient plus en dernier ressort, mais en permanence, fondant sur la violence constante l'ordre politique. Dans l'évacuation du politique, le mode d'agir des classes gouvernantes est toujours guerrier : il s’agit de maintenir un ordre sans paix. La logique guerrière devenant le sous-bassement de toutes les dynamiques et conflits de pouvoir, elle s'inscrit au-delà de la guerre elle-même (18).

Alors que le débat politique se déplace vers un débat identitaire, la gauche est dans le brouillard. Il faut impérativement que les forces révolutionnaires saisissent à bras le corps la situation de guerre et refusent de faire le jeu de leur propre État. Il faut opposer ici notre anti-impérialisme contre notre gouvernement et être solidaires des populations marginalisées afin de laisser se développer dans les milieux musulmans un discours endogène anti-oppression. L’inverse est contre-productif, c'est faire le jeu de l'impérialisme américain et de ses alliés contre lequel l'islamisme constitue la seule résistance perçue comme probante. Autrement, l'ère des pogroms est à nos portes…

(1) Notamment le récent numéro hors-série du Courrier International, « Daech : la menace  internationale », octobre 2015.

(2) Gresh, Alain, « Guerre contre le terrorisme, acte III » blogue, Monde diplomatique. http://www.monde-diplomatique.fr/2014/10/GRESH/50885 (consulté le 11 novembre 2015)

(3) Par exemple le journal Monde Diplomatique parle de « l’Organisation de l’État islamique » à partir de son édition de février 2015. Or, si ce n’était de sa position particulière sur l’échiquier politique mondial, le renégat pourrait être comparé à bien de ses homologues : en termes d’État faible dirigé par une clique dépourvue de bureaucratie, les exemples ne manquent pas. On ne saurait comprendre, par exemple, en quoi ces critiques ne sont pas autant applicables à l’État libyen, le Zimbabwe ou le Liberia.

(4) Les Comaroffs avaient justement tenté de décrire à partir de l’Afrique du Sud les prémices de cet État à venir. Pour ces anthropologues, ce futur se constituait de la conjonction du fétichisme de la loi, du constitutionalisme et d’un libéralisme exacerbé observé de l'extérieur comme désordre. John L. Comaroff et Jean Comaroff. Law and Disorder in the the Postcolony: An Introduction. 2006.           

(5) En particulier, l'anthropologie politique nous permet de penser une nécessaire complexification du cadre théorique de la mondialisation. S’il y a effectivement compression des repères d'espace et de temps sous les auspices d'une accélération du vécu humain et d'un changement d'échelle sociopolitique, la mondialisation est vécue localement. Abélès, Marc, 2008, « Politique et Globalisation. Perspectives anthropologiques », l'Homme, (185-186) : 133-144. Pour sa part, Zygmunt Bauman tente de décrire ce double mouvement par le terme « glocalisation » dans Le Coût humain de la mondialisation, 2011, pp. 107-108.

(6) Nous pourrions définir en quelques mots le néo-impérialisme tel un mode de contrôle impérial indirect à la suite des décolonisations politiques à partir des années 1950. Pour beaucoup d’auteur-e-s, les incessantes guerres menées par les États-Unis ainsi que la pénétration incessante du capitalisme autant du point de vue économique que culturel s’inscrivent dans cette logique. Alors qu'aujourd’hui Hardt et Negri parlent de la constitution d'un Empire recouvrant le monde, il me semble avant tout nécessaire d'insister sur la dimension asymétrique, c'est-à-dire impériale, de cette dislocation. Pour approfondir cette idée voir Bauman, Zygmunt, « La société assiégée », 2005, Rodez, France, Le Rouergue / Chambon. pp. 16-20.

(7) Bozarslan, Hamit, « Une Histoire de la violence au Moyen-Orient », pp. 203 et 216. De même que  Negri, Antonio et Michael Hardt, « Multitude: Guerre et démocratie à l'âge de l'Empire », Les Éditions du Boréal, Québec, 2004, p. 37.

(8) Hardt et Negri, op. cit., p. 17.

(9) Benhabib, Djemilla, « Les soldats d’Allah à l’assaut de l’Occident », 2011.

(10) Bauman, Zygmunt, 2005. op. cit., pp. 312-314.

(11) Hardt et Negri, « Multitude : Guerre et démocratie à l'âge de l'Empire », Les Éditions du Boréal, Québec, 2004, p. 49.

(12) Voir les exemples de la Somalie, de l’Afghanistan, de l’Irak ou de la Libye…

(13) Lemayrie, Philippe, « Obama en chef de guerre », Monde diplomatique. http://blog.mondediplo.net/2014-09-11-Obama-en-chef-de-guerre (consulté le 11 novembre 2015)

(14) La théorie entourant ce concept est développée dans un précédent article sur le site « Lexique des islamophobie ». http://revuelespritlibre.org/lexique-des-islamophobies

(15) Bauman, Zygmunt. La Vie liquide, p. 29

(16) Corin, Ellen, « Sous le prisme de la terreur, le travail de la culture », Anthropologie et Sociétés, vol.32, no3, 2008.

(17) Hardt et Negri, op. cit., pp. 28-31

(18) Chamayou, Grégoire, « Théorie du drone », Éditions La fabrique, Paris, 2013. pp. 90-108.

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