L’Esprit Libre ouvre une section « Feuilletons »

Société
L’Esprit Libre ouvre une section « Feuilletons »
Feuilletons
| par Jules Pector-Lallemand |

La revue indépendante L’Esprit Libre est fière de se lancer dans une aventure aussi originale qu’inusitée. Nous lançons dès cette semaine un projet pilote, celui d’ouvrir une section de feuilletons sociologiques sur notre site web.

Le feuilleton: une sociologie accessible et stylisée

Nos lectrices et nos lecteurs connaissent peut-être déjà le roman-feuilleton. Celui-ci apparaît dans la première moitié du XIXe siècle en France grâce au développement des journaux à grand tirage. À ce moment, tout bon journal contient une section où des romanciers et des romancières publient sur une base régulière un court épisode d’une grande fiction. Le roman-feuilleton est au XIXe siècle ce que la série télévisée quotidienne est à notre époque! De grandes œuvres de la littérature ont d’ailleurs été publiées sous forme de feuilletons avant que ces parties soient réunies dans un roman. Les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas ou encore Guerre et paix de Léon Tolstoï n’en sont que quelques exemples. Rapidement, ce type de section se répand dans tous les journaux d’Europe et accueille également diverses critiques littéraires et théâtrales.

Au début du XXe siècle, les sections feuilletons des grands quotidiens de langue allemande prennent une direction surprenante. Elles deviennent le lieu de publication de brefs textes de nature sociologique. On retrouve alors dans la section feuilletons des analyses et des observations sur la vie quotidienne et sur certains phénomènes sociaux, mais dans un style soigné, esthétique et parfois comique. Cette transformation du feuilleton s’explique par le fait que la sociologie n’est pas encore bien établie dans les universités à cette époque, faisant ainsi déborder cette discipline dans les journaux. Elle s’explique également par la prédominance du courant réaliste en littérature, qui observe avec attention la réalité : le travail de littéraire se rapproche ainsi de celui de sociologue. Les feuilletonistes de ce genre les plus connus sont probablement Walter Benjamin, Siegfried Kracauer ou encore Joseph Roth.

L’aventure du feuilleton sociologique prend fin avec l’avènement du régime nazi. Celui-ci considère ce style trop critique et est porté par nombre de juif·ve·s qui sont forcé·e·s de s’exiler si elles et ils ne sont pas tué·e·s.

Faire renaître une tradition oubliée

Une section feuilletons existe encore aujourd’hui dans de nombreux journaux germanophones, mais celle-ci ne contient plus réellement une teneure sociologique. Cette section accueille plutôt les critiques des « productions culturelles » (livres, cinéma, théâtre, etc.).

Depuis quelques années, Barbara Thériault, ethnographe et professeure de sociologie à l’Université de Montréal, replonge dans cette tradition oubliée et tente de la faire renaître cette rencontre entre sociologie et littérature. Elle publie d’ailleurs les résultats de ses recherches sur la classe moyenne de l’est de l’Allemagne dans un quotidien régional allemand et enseigne «l’art du feuilleton» à ses étudiant·e·s.

Des individus de tous horizons se sont récemment regroupés à la suite de leur rencontre avec Thériault. Les membres de ce groupe partent dès cet été explorer différents recoins de la culture populaire et certaines coulisses de la vie quotidienne de Montréal, du Québec et d’Europe. Ils et elles souhaitent ainsi ouvrir une section feuilletons dans une revue afin de faire paraître leurs travaux. C’est L’Esprit Libre qui a le plaisir d’accueillir ce projet original de renaissance d’un style littéraire d’analyse sociale

Le premier texte paraîtra dès cette semaine. Nous vous invitons à nous écrire pour nous donner vos commentaires et espérons que vous apprécierez notre projet.

 

Les feuilletonistes de L’Esprit Libre

Jules Pector-Lallemand

Barbara Thériault

Geneviève Boyer

Alexandre Legault

Natáša Bræssærd

Ksenia Burobina

Julien Voyer

Francis Douville Vigeant

Loïc Beauregard-Lefebvre

Susana Ponte Rivera

Stefania Ferestean

 

 

 

CRÉDIT PHOTO: Julien Posture

Références :

THÉRIAULT, Barbara. « Ouverture à une nouvelle section », Sociologie et sociétés, 2013, N°2, Vol. 45, p.323-325

THÉRIAULT, Barbara. « Le Feuilleton. Biographie d’un genre inspirée de Siegfried Kracauer », Trivium,  2017,   N°26 [en ligne : https://trivium.revues.org/5503]

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