Les voix qui sont tues : révolte et répression en Irak

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Les voix qui sont tues : révolte et répression en Irak
Analyses
| par Adèle Surprenant |

Cet article est d'abord paru dans notre recueil imprimé Les voix qui s’élèvent, disponible dans notre boutique en ligne.

 

Le 6 juillet 2020, la mort par balles du chercheur Hisham al-Hashemi devant sa maison de Baghdad[1] alertait la presse internationale sur un phénomène beaucoup plus large : depuis le début du plus récent mouvement social en Irak, les assassinats d’activistes ne cessent de se multiplier, s’ajoutant au bilan déjà lourd des manifestant∙e∙s tué∙e∙s par le régime et les groupes paramilitaires. Retour sur un an de luttes et de répressions.

 

« L’Irak n’est pas un champ de bataille », peut-on lire sur une pancarte brandie par un groupe d’étudiant∙e∙s descendu∙e∙s manifester sur la place Tahrir, lieu de rassemblement par excellence du mouvement social qui s’est déclenché le 1er octobre 2019 dans la capitale irakienne. « Tahrir », « libération » en arabe. C’est le mot d’ordre pour Shams Talaat[2], 22 ans, dont le visage d’ange est dissimulé sous d’épais verres fumés. « Quand j’ai entendu parler pour la première fois des manifestations, je me suis dit que ce serait comme la dernière fois, quand les femmes ne pouvaient être présentes, dit-elle lors d’un échange avec L’Esprit libre. Mais cette fois-ci, c’est différent », se réjouit celle qui a pris le risque de rejoindre les milliers de personnes unies pour dénoncer la corruption du gouvernement, le chômage et la précarité économique. Un risque considérable, alors que les mois qui suivront donneront aux rues à la grandeur du pays l’allure d’un champ de bataille.

 

En date du 19 décembre 2019, plus de 600 personnes avaient perdu la vie à Baghdad et dans les provinces du sud, où s’est concentrée la majorité des manifestations[3]. À cela s’ajoutent environ 17 000 blessé∙e∙s, plusieurs dizaines de disparu∙e∙s, des chiffres qui continuent de gonfler à ce jour, malgré le ralentissement du mouvement, notamment à la suite de l’éclosion de la pandémie de COVID-19.

 

Quand le silence a une fin

 

Le début des manifestations a correspondu sensiblement au moment de l’anniversaire du soulèvement de Bassora. En 2018, la deuxième ville d’Irak a connu plus de trois mois de révoltes réprimées dans le sang. Décrié par les protestataires, le taux de chômage – qui concernait alors 40 % des jeunes, d’après le Fonds monétaire international (FMI)[4] – ainsi que les nombreuses coupures d’eau et d’électricité se sont retrouvés à l’agenda du mouvement de 2019, qui est survenu après le limogeage, à la fin septembre, du lieutenant-général Abdel-Wahab al-Saadi[5]. Considéré comme un héros national par une partie de la population irakienne et très populaire auprès de la jeunesse chiite, une branche de l’Islam majoritaire en Irak[6], al-Saadi était à la tête de la « division dorée », connue pour avoir affronté l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) lors des batailles de Baji, Tikrit, Falloudja et Mossoul[7]. L’annonce de sa mise à pied par le gouvernement du premier ministre Adel Abdel Mehdi, élu en mai 2018, a été suivie d’un appel à manifester le 1er octobre 2019 diffusé sur les réseaux sociaux. Un appel qui a été écouté par quelques dizaines d’Irakien∙ne∙s, dont l’indignation était déjà palpable à la suite de la répression d’une manifestation étudiante pacifique quelques jours auparavant[8]. L’utilisation de gaz lacrymogènes et de balles réelles par les autorités, en dépit de la foule au nombre peu considérable, a entraîné le soir même des rassemblements dans la ville sainte de Najaf et à Nassiriyah, à quelque 300 kilomètres au sud de Baghdad[9].

 

Dès le lendemain, le gouvernement a imposé des restrictions sur internet et sur les réseaux sociaux en particulier, « rendant difficile pour les observateurs [et observatrices] locaux[∙les] et internationaux[∙les] d’observer et d’évaluer la véritable échelle des incidents ayant trait aux droits de la personne[10] ».

 

Pour la première fois, une population à majorité chiite a tenu tête au pouvoir, lui aussi aux mains des chiites depuis la confessionnalisation et l’ethnicisation politique mises en place après la chute de Saddam Hussein en 2003[11]. L’opposition traditionnelle est mise au ban, et même le puissant leader religieux et politique chiite Moqtada al-Sadr n’a pas réussi à mobiliser sa base, qui a pris la rue sans attendre l’aval du leader[12]. Et, même si les rassemblements débutés en 2019 ont principalement eu lieu dans la banlieue chiite de Baghdad, Sadr City, et dans les provinces du sud, le profil des manifestant∙e∙s n’est pas homogène : « La révolution d’octobre nous a rendu∙e∙s uni∙e∙s », témoigne Shams, en insistant sur le fait que « personne ne se souciait de savoir qui était sunnite ou chiite ».

 

Dans un pays classé au 162e rang sur une échelle où le 180e pays est le plus corrompu d’après l’organisme Transparency International[13] et dont 89 % de la population affirme ne pas avoir confiance en l’élite dirigeante[14], les manifestant∙e∙s ont d’autres soucis que l’appartenance confessionnelle de leurs partenaires de lutte. À peine sorti d’une guerre civile de quatre ans et devant encore se remettre des ravages causés par l’EIIL, l’Irak cumule une dette estimée par le FMI à 138 milliards de dollars américains en 2020 alors que les revenus pétroliers sont en baisse et qu’ils constituent la quasi-totalité des fonds étatiques[15]. Le montant d’argent public avalé par la corruption depuis 2003 s’élève à 1 000 milliards de dollars américains, « ce qui explique l’extrême richesse des partis et de leurs appareils économiques ainsi que leur force face à la pauvreté dont souffre le peuple irakien », d’après le journaliste et sociologue irakien Safaa Khalaf[16]. Un constat que semble partager Karrar, un acteur et metteur en scène de 24 ans d’abord réticent à rejoindre les manifestations « à cause des partis, des milices et de toutes les armes qui circulent sans le contrôle de l'État[17] ». Celui qui a, depuis, délaissé la scène pour la rue, ne croyait plus à la possibilité d’un changement politique et diagnostiquait à son pays « une paralysie sociale aiguë », en entrevue téléphonique avec L’Esprit libre. Au contraire, il raconte avec enthousiasme « la détermination du peuple à changer les choses », et ce, malgré ce qu’il décrit comme une répression « brutale et barbare » des manifestations.

 

Répressions

 

« À six heures du matin, nous nous sommes dirigé∙e∙s vers le pont de la République, qui nous séparait de la zone verte – qui est la zone gouvernementale qui accueille le palais présidentiel, le Parlement et le Conseil des ministres. Le but était de rejoindre la zone verte », se souvient Karrar.

« Au cours des premières heures, le nombre de manifestant∙e∙s rassemblé∙e∙s ne cessait d’augmenter et il y avait de la coopération avec l’armée et la police. Mais, après quelque temps, ils ont commencé à tirer et à nous lancer des grenades assourdissantes, qui tombaient sur nos têtes. Et le nombre de victimes continuait à augmenter », poursuit Karrar, qui a finalement rejoint, ce jour-là, des attroupements dans d’autres quartiers de Baghdad. « Mais la répression et la violence dirigées contre nous ne se sont pas arrêtées, s'indigne-t-il. Le nombre de décès a grimpé aux milliers, les blessé∙e∙s, aux dizaines de milliers et les disparu∙e∙s, aux centaines », rappelle le jeune homme, qui s’est lui-même retrouvé sous les poings d’agent∙e∙s des forces de l’ordre à plusieurs reprises et qui a été arrêté et emmené au poste quelques heures avant d’être relâché, sans mots. Un silence contrastant avec le bruit de la capitale et des villes du sud insurgées, où les tirs à balles réelles succèdent souvent, depuis le 1er octobre 2020, au bruit assourdissant des grenades lacrymogènes de type militaire, conçues pour le combat[18]. Les grenades M91, M651 ou encore M713 sont d’ailleurs utilisées pour tuer avant même de disperser les foules, comme le révèle une enquête d'Amnistie internationale et du centre SITU Research, mettant en évidence les nombreuses pratiques létales opérées à répétition par les forces de sécurité irakiennes[19]. Ces dernières ne sont pourtant pas les seules à s’en prendre à l’intégrité physique des manifestant∙e∙s : des « tireurs non identifiés[20] » sont fréquemment aperçus s’attaquant aux rassemblements, ne portant pas d’uniformes et ne revendiquant aucune de leurs interventions, pourtant nombreuses. Ils sont aussi responsables de plusieurs assassinats et de tentatives d’assassinats ciblés, dont la plus récente vague a fait deux mort∙e∙s et deux blessé∙e∙s en moins d’une semaine, à Bassora[21]

 

Qui a tiré vingt balles dans le corps de Tahseen Osama al-Shahmani ou sur la voiture qui transportait Lodia Raymond et Abbas Sobhi? Qui a tué la médecin, activiste et personne d’influence Riham Yacoub, 28 ans[22]?

 

Manifestant∙e∙s comme expert∙e∙s semblent pointer du doigt les mêmes coupables : les meurtriers anonymes appartiendraient aux quelques 146 000 hommes des Hachd al-Chaabi ou « Unités de mobilisation populaire »[23], une coalition paramilitaire formée d’une soixantaine de milices d’obédience chiites pro-iraniennes, constituée en 2014 durant la guerre avec l’EIIL mais trouvant ses racines jusqu’au lendemain de la chute de Saddam Hussein[24]. Chaque communauté religieuse a désormais sa ou ses milices, à la fois construites et constitutives du système politique clientéliste et confessionnel post-2003. Les milices sont une forme d’organisation armée contrevenant au monopole de la violence revenant, en droit, à l’État irakien, qui a pourtant accordé une reconnaissance légale aux Hachd al-Chaabi en 2016, bénéficiant aujourd’hui d’un budget annuel de 2 milliards de dollars directement issus des fonds publics[25]

 

Au sujet des violences visant le mouvement populaire, l’ex-codirectrice du programme sur les relations entre civils et militaires au Carnegie Middle East Center Loulouwa al-Rachid a dit au magazine La Croix que le régime affirme ne pas connaître les agents de la répression, alors qu’en réalité, ils font partie intégrante du régime, qui se défausse sur eux de certaines tâches[26]. Pour le sociologue Adel Bakawan, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), l’existence d’un système milicien aussi fort en Irak s’explique par une construction à la fois historique et politique profonde : « Faysal, dit-il en entrevue à France Culture, le premier roi du royaume arabe d’Irak, en 1921, avait cette expression : "l’armée est la colonne vertébrale de la nation". Tout était dit : le système politique, l’État irakien se sont fondés dès le début dans une optique de répression de la société dans ses différentes composantes [ethniques et religieuses]. Et à partir de 2003, on a le même phénomène[27] », rappelle-t-il en référence aux différents conflits sociaux et politico-militaires qui ont traversé l’Irak dans les quinze dernières années.

 

Malgré les profondes divisions qu’ont entre autres laissées ces conflits à répétition, « quelque chose unit néanmoins sunnites, chiites et Kurdes, continue M. Bakawan : c’est la haine de la classe politique, qui est accusée d’incompétence, de corruption, de favoriser les milices hors champ légal et d’avoir mené la société irakienne dans un état de délabrement avancé[28] ».

 

L’espoir, et après

 

Place Tahrir, un an après le début des manifestations. Le gouvernement d’al-Mahdi a démissionné et, après maintes tergiversations, le président Barham Saleh a nommé à la tête du gouvernement Moustafa al-Kadhimi en avril 2020. Dans sa première intervention télévisée à titre de premier ministre, il a annoncé la libération des manifestant∙e∙s détenu∙e∙s à l’exception de celles et ceux ayant été impliqué∙e∙s dans des assassinats[29].

 

Son gouvernement est néanmoins responsable de nouvelles répressions policières lors des rassemblements, déjà limités par la pandémie. Malgré le confinement, Ali, un activiste de Nasiriyah, confie à al-Monitor « ne pas pouvoir dormir chez lui » par peur d’être enlevé ou pire, froidement assassiné[30]. Au centre de Baghdad, des manifestant∙e∙s continuent à investir le campement improvisé, qui a cependant maigri de nombreuses tentes, défiant le couvre-feu et les autres mesures sanitaires imposées par le gouvernement[31].

 

Pour Shams, pourtant, rien n’a changé : « Ce n’est pas surprenant, dit-elle, puisque ce sont les élites corrompues qui ont fait [Khadimi] premier ministre. » Pour la jeune femme, qui a commencé à s’intéresser à la politique avec les manifestations et qui suit aujourd’hui avidement l’actualité, « rien ne va changer tant que le système entier ne sera pas tombé ». Celui de la politique confessionnelle, de la miliciarisation de la société, mais également le système d’influence qui partage l’Irak entre les États-Unis et l’Iran. De la capitale au sud résolument chiite, on entend encore résonner « Iran barra barra, Irak horra horra » : « l’Iran dehors, l’Irak libre ».

 

Karrar croit qu’un renversement important s’est opéré depuis les premières manifestations d’octobre 2019 : « Le peuple irakien n’a plus peur de son gouvernement », soutient-il, se réjouissant de voir les places de Baghdad se remplir ponctuellement de manifestant∙e∙s réclamant du travail ou le respect de leurs droits. Il raconte son désir de voir son pays libéré de « divisions racistes, confessionnelles et politiques » : « Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour nous débarrasser de la classe dirigeante. » L’absence de ces divisions est la base pour que se réalisent ses souhaits les plus profonds : « Que tou∙te∙s les Irakien∙ne∙s s’unissent sous le même drapeau, pas celui d’un pays voisin », dit-il en référence à l’influence iranienne en Irak. « J’espère que les armes seront uniquement sous contrôle des autorités, que je pourrai un jour sortir de chez moi le matin sans avoir à me demander si je rentrerai le soir ou non. »

 

Finalement, que l’Irak ne soit plus un champ de bataille.

Crédit photo : David Peterson, Pixabay, https://pixabay.com/fr/photos/irak-la-paix-main-nation-2131242/

[1] Al-Jazeera News Agency. 6 juillet 2020. « Iraq armed group expert Hisham al-Hachemi shot dead in Baghdad » dans Al-Jazeera. [En ligne]. https://www.aljazeera.com/news/2020/07/iraq-armed-groups-expert-hisham-a... (page consultée le 16 septembre 2020)

[2] Entretien traduit de l’anglais.

[3] Jean-Pierre Perrin, « Irak : Le cri d’une jeunesse abandonnée », Médiapart, 6 octobre 2019. https://www.mediapart.fr/journal/international/061019/irak-le-cri-d-une-jeunesse-abandonnee?onglet=full

[4] Arif Yusuf, « FMI : Le taux de chômage touche 40 % des jeunes en Irak », Anadolu Agency, 24 mai 2018. https://www.aa.com.tr/fr/%C3%A9conomie/fmi-le-ch%C3%B4mage-touche-40-des...

[5] Safaa Khalaf, « Le brasier irakien menace le pouvoir, l’autorité religieuse et l’Iran » Orient XXI, 4 novembre 2019.  https://orientxxi.info/magazine/le-brasier-irakien-menace-le-pouvoir-l-autorite-religieuse-et-l-iran,3401

[6] Central Intelligence Agency (CIA), « Iraq », The World Factbook.https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/iz.html

[7] Perrin, op.cit.

[8] Khalaf, op.cit.

[9] Ibid.

[10] Netblocks, Iraq shuts down internet again as protests intensifies, 4 novembre2019. -Q8oOWz8n

[11] En Irak depuis 2003, le premier ministre doit être chiite, le président du Parlement, sunnite, et le président de la République doit être d’ethnie kurde. Ahmed Aboulenein et Ahmed Rasheed, « Iraq passed electoral reforms but deadlock remains » Reuters, 24 décembre 2019. https://www.reuters.com/article/us-iraq-protests-idUSKBN1YS157

[12] Perrin, op.cit.

[13] Khalaf, op.cit.

[14] Adel Bakawan, en entrevue pour France Culture, « L’Irak, symbole de l’échec du Nation Building », Le temps du débat, 8 janvier 2020. https://www.franceculture.fr/emissions/le-temps-du-debat/lirak-symbole-de-lechec-du-nation-building

[15] AFP, « Virus, pétrole, bourbier politique : l’Irak au bord du gouffre économique », Le Point, 19 mars 2020. https://www.lepoint.fr/monde/virus-petrole-bourbier-politique-l-irak-au-bord-du-gouffre-economique-19-03-2020-2367902_24.php

[16] Khalaf, op.cit.

[17] Entretien traduit de l’arabe.

[18] Amnistie internationale, Iraq : 3D reconstruction shows security forces deliberately killing protesters, 17 mars 2020.https://www.amnesty.org/en/latest/news/2020/03/iraq-3d-reconstruction-sh...

[19] Amnistie internationale et SITU Research, Somescreen – Iraq's use of military grade tear gas grenades to kill protesters, https://teargas.amnesty.org/iraq/

[20] Anne-Bénédicte Hoffner, « Le jeu trouble des milices dans le soulèvement irakien », La Croix, 13 décembre 2019.https://www.la-croix.com/Monde/Moyen-Orient/Le-jeu-trouble-milices-soule...

[21] Suadad Al-Sahly, « Power and Protest: Who ordered the Killing of Basra’s Activitst? », Middle East Eye, 10 septembre 2020. https://www.middleeasteye.net/news/iraq-basra-assassinations-who-ordered-shootings-activists-shahmani-yacoub

[22] Ibid.

[23] France Culture, op.cit.

[24] Hoffner, op.cit.

[25] Ibid.

[26] Ibid.

[27] Puisque cette citation est extraite d’un entretien oral, certains mots en ont été retirés afin de faciliter la transposition à l’écrit. Bakawan, op.cit.

[28] Ibid.

[29] Ismaeel Naar, « Iraq’s al-Kadhimi : We Will Release Protest Detainees, Except Those Linked to Killings », Al-Arabiya English, 9 mai 2020.  https://english.alarabiya.net/en/News/middle-east/2020/05/09/Iraq-PM-al-Kadhimi-We-will-release-protest-detainees-except-those-involved-killings

[30] Shelley Kittleson, « Coronavirus curfew fails to clean Iraqi protest squares », al-Monitor, 6 avril 2020.https://www.al-monitor.com/pulse/originals/2020/04/iraq-coronavirus-covi...

[31] Ibid.

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