Le sport électronique au Québec prend de l'ampleur tranquillement

crédit photo : flickr/fred william dewitt
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Le sport électronique au Québec prend de l'ampleur tranquillement
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| par Fabrice Samedy |

Le phénomène qu’est devenu le sport électronique a pris d’assaut les quatre coins de la planète alors que des ligues professionnelles et collégiales ont fait leur apparition. La tendance commence graduellement à faire son apparition dans l’écosystème du Québec, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire pour son épanouissement total.

 

Le sport électronique, aussi appelé Esport, est un type de compétition où les jeux vidéo sont disputés en personne à l’aide des LAN party ou par l’entremise d’Internet. Les adeptes se disputent les honneurs grâce à des consoles de jeux ou des ordinateurs spécialisés.[i]

La scène Esport regroupe plusieurs titres de jeux populaires comme League of Legends, Valorant, Call of Duty, Hearthstone et plusieurs autres.

 

Ce nouveau type de compétition a fait sa marque aux quatre coins du monde alors que les États-Unis, l’Europe, la Chine, la Corée du Sud et plusieurs autres pays ont leur propre système de compétition. Si la culture du jeu vidéo compétitif est déjà installée dans le monde, elle est toujours en développement au Québec. Avec le temps, l’équipe Mirage, la seule équipe professionnelle au Québec, ainsi que la Ligue Collégiale de Sports Électroniques (LCSE) ont vu le jour.[ii] De plus, des programmes d’esport ont commencé à faire leur place dans les écoles secondaires, collégiales et universitaires de la province.

 

Pour Carl-Edwin Michel, fondateur de Northern Arena, la compagnie qui possède l’équipe Mirage, la place du Esport est encore à faire : « La scène du sport électronique au Québec est en développement, c’est très grassroot, mais c’est tranquillement pas vite en train de se développer […]. Il y a quand même de plus en plus d’intérêt, mais je dirais que l’intérêt au Québec est beaucoup plus axé au niveau-école (secondaire, Cégep, etc.) » dit-il en entrevue avec L’Esprit libre.

 

Quoique le sport électronique commence à gagner de plus en plus de terrain dans les institutions scolaires québécoises et canadiennes, il reste que cette discipline est encore méconnue du monde étudiant. Pour Patrick Surowiack, président de l’association esport de l’université Concordia, il arrive que des étudiants ou étudiantes mentionnent qu’ils ou elles ignoraient l’existence d’une telle association au sein de l’université montréalaise. Il estime que la population s’intéressant aux jeux vidéo et aux sports électroniques à Concordia est considérable, mais qu’il reste encore une grande partie à exploiter.

 

Un exode du talent

Le manque de développement des infrastructures ou d’opportunité de vivre du Esport force le talent québécois à s’exiler dans d’autres pays pour pratiquer leur art. Ce fut le cas de Philippe « Vulcan » Laflamme, un Sherbrookois joueur de League of Legends pour l’organisation américaine Cloud 9.

 

La migration en dehors du Québec et du Canada ne se limite pas exclusivement aux joueurs et joueuses espérant vivre de leur passion. M. Michel affirme avoir perdu un bon nombre d’employé·e·s de son entreprise basée en Ontario, pour les États-Unis : « On leur offrait le même travail qu’ils faisaient avec moi, mais avec le double ou le triple du salaire. »

 

 Dans le but de faire fleurir le sport électronique au Québec, le patron de Northern Arena voudrait voir plus d’implication des entreprises québécoises. « Il y a de gros brand québécois qui pourraient s’intéresser au esport, mais ils ne sont peut-être pas au courant. » Il est arrivé à plusieurs reprises que des grosses marques s’associent avec des organisations esport, comme le partenariat qu’entretient la marque italienne Gucci avec l’entreprise américaine 100Thieves.[iii]

Ce genre de partenariat se produit aussi en Europe alors que G2 a annoncé une association avec Ralph Lauren.[iv] Selon les prédictions, l’industrie du esport devrait surpasser le milliard de dollars en revenu, une augmentation par rapport à 2020. Les droits de diffusion des tournois et les partenariats devraient représenter 75 % des revenues (833,6 millions de dollars) cette année.[v]

 

Un milieu entouré de préjugés et d’incompréhension

À l’extérieur du cercle des initié·e·s, le sport électronique est un sujet qui peut être considéré comme controversé. Par exemple, un groupe composé de spécialistes de la santé et d’athlètes de haut niveau sont sortis publiquement pour s’opposer au projet qui aurait permis au esport d’être introduit aux Jeux olympiques.[vi] Le groupe explique leur désaccord contre cette possibilité, car selon eux, cela véhiculerait un message « qui serait en contradiction avec les valeurs olympiques ainsi que la promotion d’une saine pratique sportive. » Certains gros noms du monde sportif canadien comme Mikaël Kingsbury, Joannie Rochette, Alexandre Bilodreau et plusieurs autres faisaient partie du groupe.[vii]

 

Encore de nos jours, il subsiste beaucoup d’incompréhension et de préjugés sur l’industrie et sur les individus pratiquant le sport électronique. Un des plus grands débats qui existe entourant le sport électronique est celui autour de la question à savoir si l’esport devrait être considéré comme un sport. Une réponse définitive ne sera pas trouvée ici, mais il est possible de faire quelques parallèles entre le sport traditionnel et le sport électronique. Les deux disciplines demandent beaucoup de pratique, il y a aussi la présentation de tournois et les équipes s’organisent de plus en plus.[viii]

 

Afin de combattre les préjugés que la population pourrait avoir envers le domaine du esport, Frédéric Nolet, surnommé « Classique » sur Internet, propose d’accorder plus d’attention sur les Québécois·es ayant beaucoup de succès à l’international. « À force de mettre les projecteurs sur les gens ayant beaucoup de succès grâce aux jeux vidéo comme Philippe (Vulcan) Laflamme et Stéphanie Harvey, l’idée préconçue que les jeux vidéo, c’est mal, s’effrite graduellement. »

 

L’entraineur de League of Legends au Cégep de St-Hyacinthe et journaliste pour le site de RDS Jeux vidéo a noté une ouverture et un intérêt pour le sport électronique. Il affirme avoir eu plus d’interactions avec des journalistes ou des professeur·e·s qui voulaient en apprendre davantage sur le milieu.

 

Au final, la scène québécoise de sport électronique en est toujours à ses premiers pas et il reste encore beaucoup de progrès à faire, surtout au niveau de la reconnaissance des institutions ainsi que de la population en général, mais un progrès à été noté dans les dernières années. De plus en plus de questions sur le milieu ont été posées aux professionnel·le·s et l’attention médiatique commence à se faire, mais il reste beaucoup de chemin à parcourir avant de voir l’esport s’épanouir complètement au Québec.  

 

Crédit photo : Fred William Dewitt

 


[i] Futura Tech, « E-sport : qu’est-ce que c’est ? », consulté le 16 juillet 2021, https://www.futura-sciences.com/tech/definitions/jeux-

video-e-sport-16445/

[ii] Esport Québec, « La LCSE-Ligue Collégiale de Sports Électronique ». consulté le 16 juillet 2021, https://esportsquebec.ca/lcse/ 

 

[iii] 100 Thieves, publié sur Twiter ,12 juillet 2021, consulté le 16 juillet 2021, https://twitter.com/100thieves/status/1414626479862796292

 

[iv] G2esport.com, « G2 Esports partners with Ralph Lauren » 21 juin 2021, https://g2esports.com/blogs/news/g2-esports-partners-with-ralph-lauren

 

[v] Newzoo, « Newzoo’s global esport & live streaming market report 2021/Free report »,March 9 2021, https://newzoo.com/insights/trend-reports/newzoos-global-esports-live-streaming-market-report-2021-free-version/

 

[vi] Le Soleil numérique(Collectif), « Des athlètes disent non aux eSports aux Jeux olympiques »Le Soleil numérique, 8 avril 2021, https://www.lesoleil.com/opinions/point-de-vue/des-athletes-disent-non-aux-esports-aux-jeux-olympiques-57045ae4821b600cc610f59091a95b2b

 

[vii] Journal de Montréal, « Non aux Esport aux jeux olympiques », 8 avril 2021, https://www.journaldemontreal.com/2021/04/08/non-aux-esports-aux-jeux-olympiques-signent-plusieurs-sportifs

 

[viii] Paris.fr, « L’esport s’ouvre à tous les publics »,28 octobre 2019, https://www.paris.fr/pages/l-esport-s-ouvre-a-tous-les-publics-7248

 

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