Le Québec n'est ni bleu, ni vert

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Le Québec n'est ni bleu, ni vert
Opinions
| par Coralie Laperrière |

« Investir dans le pétrole pour créer de la richesse, c’est mettre le feu à la maison pour récolter l’argent des assurances. » Ainsi s’exprimait le scénariste Daniel Thibault sur son compte Facebook au sujet de l’exploration pétrolière sur l’île d’Anticosti, et il a tout à fait raison.

Encore récemment, plusieurs québécoises et québécois estimaient que leur province était un leader mondial dans la lutte contre les changements climatiques ; certains le pensent toujours. Cependant, ce n’est  certainement pas le projet du Parti Québécois qui nous aurait mené dans la direction de la protection environnementale et encore moins celui du Parti Libéral. Quand les Conservateurs ont retiré le Canada du protocole de Kyoto, plusieurs (surtout les souverainistes) arguaient que le Québec, lui, serait resté ! Vraiment ?

Quelques faits : le Québec est le deuxième plus grand consommateur d’électricité au monde par habitant, après l'Islande. C’est sans compter les entreprises énergivores qui sont installées ici et qui consomment 44% de notre électricité. Bien que notre source d’énergie soit « propre », cette surconsommation est préoccupante et le climat froid n’est pas l’unique excuse à ces chiffres. Les Québécois s’inscrivent parmi les plus grands consommateurs d’eau au monde avec une moyenne de 795 litres par personne par jour (2006), et ce, sans même effleurer la question de la consommation des industries. Saviez-vous qu’il existe une stratégie québécoise d’économie d’eau potable ? Que si les objectifs ne sont pas atteints en 2017, le gouvernement pourrait introduire « une tarification adéquate après consultation du milieu municipal » ? Comment respecter les objectifs collectifs alors que les individus ne sont pas mis au courant de telles mesures ? C’est à se demander si le gouvernement veut réellement que la consommation d’eau potable des Québécois-es diminue.

Outre ces statistiques, il y a aussi notre surconsommation nord-américaine de biens, le gaspillage alimentaire, nos voitures, notre retard en matière recyclage, des organismes génétiquement modifiés (OGM) de plus en plus présents dans notre alimentation, etc.

Le Québec n’est pas aussi vert qu’on le croit, et avec ce qui s’en vient, il commence à brunir…

Le gouvernement Marois avait promis une réduction des gaz à effet de serre (GES) de 25% par rapport à 1990. Or, les émissions de GES augmentent (0,25% en 2010). Il faudrait donc élaborer un plan clair impliquant des changements radicaux pour arriver à cet objectif en 2020. Mais le véritable but de Québec est-il de lutter contre les changements climatiques ? Les décisions qu’endossent les dirigeants présentement reflètent tout le contraire. Le Québec s’apprête à devenir une véritable plaque tournante pour l’industrie du pétrole. Le projet d’inversement de l’oléoduc de la ligne 9-b d’Enbridge devait être discuté lors d’audiences publiques. L’ancien ministre de l’Environnement avait même promis une « évaluation environnementale sans compromis ». À l’automne, le tout était stratégiquement bien dissimulé sous l’encre que faisait couler la fameuse charte de la laïcité. À la dernière minute, le gouvernement lançait alors des consultations particulières sur le sujet, annulant ainsi ses promesses antérieures d’en discuter publiquement. Parmi les groupes invités à ces consultations, il n’y figurait qu’un seul groupe autochtone et seulement quatre organisations écologistes. Aucun regroupement citoyen n’était sur la liste. L’élite politique et économique, elle, était par contre conviée avec enthousiasme. Les représentants des compagnies pétrolières, des municipalités et des chambres de commerce étaient aussi les bienvenus. La Coalition Vigilance Oléoducs, un groupe citoyen, a cependant réussi à se faire entendre, convoquée à seulement 24 heures d’avis. Le 6 mars 2014, l’Office national de l’Énergie a donné le feu vert au projet d’Enbridge….le lendemain du déclenchement des élections.

Tous s’entendent pour dire que nous devons diminuer notre dépendance aux énergies fossiles. Cependant, on continue d’accepter des projets pétroliers et à financer en grandes pompes l’industrie du bitume. C’est comme si quelqu’un voulait arrêter de boire, mais qu’il s’achetait un vignoble. Ouvrir la porte à l’exploitation pétrolière sur l’île d’Anticosti en permettant son exploration est un pas dans la mauvaise direction.

L’État québécois compte investir 115 millions de dollars pour explorer le potentiel pétrolier de l’île d’Anticosti, potentiel qui ne sera connu qu’à l’été 2015. Pour faire avaler la grosse pilule noire, le gouvernement fait miroiter des chiffres alléchants. « Des jobs ! 45 milliards de retombées économiques! »,  alors que nous n’avons encore aucune idée de ce qui se cache dans le sous-sol de l’île. En guise de verre d’eau, il y aussi le « manifeste pour tirer profit collectivement de notre pétrole » signé par des noms crédibles, beaux sur une feuille, tels Bernard Landry (ancien premier ministre du Québec), Monique Jérôme-Forget (ancienne ministre des finances du Québec et conseillère spéciale chez Osler), Joseph Facal (ancien président du Conseil du Trésor du Québec et professeur au HEC) et Yves Thomas-Dorval (président du Conseil du patronat du Québec). Comment ne pas les prendre au sérieux ? EUX, ils doivent savoir ce qui est bon pour notre économie. D’ailleurs, le manifeste nous rappelle qu’on ne doit pas « rêver en couleurs : nous consommerons du pétrole pour encore longtemps! » Cette affirmation ne vient pas seule, elle est accompagnée de chiffres : de 1989 à 2009, la consommation de pétrole a augmenté de 4% au Québec. Ou encore : de 1996 à 2006 le nombre de véhicules circulant sur les routes au Québec est passé de 3,5 millions à 4,5 millions. Tant qu’à polluer, autant le faire pour de vrai ! Doit-on rappeler qu’il ne suffit pas d’exploiter (peut-être, éventuellement) le pétrole ? On doit également mettre en place les infrastructures nécessaires à son transport, et surtout à son exportation : des oléoducs, des ports, des raffineries. Alors, le gouvernement péquiste voulait-il vraiment protéger l’environnement ?

Il est cependant possible de changer les choses à long terme, que ce soit en modifiant sa consommation énergique individuelle, ou seulement en s’informant des conséquences de l’exploitation pétrolière au Québec et dans le monde. L’État québécois a le pouvoir et les ressources de ne pas aller dans la direction de l’énergie sale et d’ignorer la pression acharnée et absurde du marché international.  Il suffit de ne pas nous laisser amadouer par les beaux discours économiques et réagir fortement contre l’industrie du bitume.

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