Le PL 51 : quand la modernité des chantiers rime avec diversité et instrumentalité

Québec
Le PL 51 : quand la modernité des chantiers rime avec diversité et instrumentalité
Opinions
| par La Rédaction |

Par Laurence Hamel-Roy et Katia Atif (ATF)

Laurence Hamel-Roy est candidate au doctorat au Centre for Interdisciplinary Studies on Society and Culture (CISSC) de l’Université Concordia, où elle mène un projet qui retrace l’histoire des transformations législatives de l’industrie de la construction et leurs répercussions sur les trajectoires professionnelles et militantes des travailleur·euse·s de l’industrie. Katia Atif est directrice d’Action travail des femmes (ATF), un organisme de défense des droits des femmes, qui soutient depuis près de 50 ans les démarches des femmes de tous âges et origines pour l’accès à des emplois décents et bien rémunérés, particulièrement dans les domaines dits non traditionnels. Cet article est inspiré de l’avis Le projet de loi no 51 : des solutions mal avisées qui confondent les problématiques conjoncturelles et les inégalités systémiques rencontrées par les femmes. Ce dernier a été déposé au nom d’ATF dans le cadre des consultations relatives au projet de loi 51, Loi modernisant l’industrie de la construction. Elles dénoncent les dispositions de ce projet de loi comme témoignant du rapport instrumental du gouvernement à l’égard des groupes sous-représentés dans l’industrie : les femmes, les personnes autochtones, les personnes immigrantes, de minorité visible ou ethnique et les personnes en situation de handicap. À terme, il risque de nuire à l’atteinte de l’égalité en emploi sur les chantiers.

 

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L’industrie de la construction constitue un secteur d’emploi majeur au Québec; elle génère directement plus d’un emploi sur vingt[1]. L’industrie de la construction est par ailleurs au cœur des efforts de relance économique depuis le début de la pandémie de la COVID-19.

Plusieurs initiatives ont ainsi été déployées dans les dernières années afin d’encourager la croissance du secteur et de sa productivité, notamment pour attirer de nouveaux et nouvelles travailleur·euse·s dans l’industrie. À cet égard, les groupes historiquement exclus, dont les femmes, ont fait l’objet d’une attention constante et soutenue, grâce à la mise en œuvre de différents programmes et assouplissements dédiés à faciliter et accélérer leur entrée dans l’industrie. En 2023, Action travail des femmes (ATF) publiait les résultats d’une vaste étude qui documentait ces initiatives et critiquait l’approche utilitaire adoptée envers les femmes. De plus, elle ne tient pas suffisamment compte du problème historique de leur maintien dans l’industrie[2].

Le projet de loi no 51, Loi modernisant l’industrie de la construction (PL 51) s’inscrit dans la continuité de ces initiatives. Plusieurs des modifications législatives et réglementaires proposées visent en effet à répondre à la « pénurie de main-d’œuvre », cette fois en facilitant l’accès des « personnes représentatives de la diversité de la société québécoise », soit : « les [A]utochtones, les personnes immigrantes, les minorités visibles ou ethniques ainsi que les personnes handicapées ». Cette attention en apparence vertueuse envers les groupes historiquement exclus de l’industrie de la construction ne doit pas nous confondre. Les intentions du ministre du Travail et son souci pour la productivité des entreprises de l’industrie de la construction sont clairement explicités dans l’analyse des répercussions du règlement effectué par le Ministère :

Les mesures implantées ayant contribué à attirer les femmes dans l’industrie de la construction devraient favoriser l’attractivité de cette industrie auprès des personnes représentatives de la diversité de la société québécoise. L’inclusion de ces nouveaux groupes permettrait d’élargir le bassin potentiel de travailleurs et de répondre à la demande de main-d’œuvre de l’industrie de la construction. Les propositions n’entraîneraient pas de coûts supplémentaires pour les entreprises.[3]

Combinées aux mesures implantées en vertu de l’entente Québec-Ottawa conclue en 2021 qui exemptent les employeurs d’obtenir une évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT) pour la majorité des métiers de la construction (et donc de faire la démonstration de l’échec de leurs efforts de recrutement au niveau local), les modifications réglementaires prévues par le PL 51 ont cependant tout pour dérouler le tapis rouge du recrutement des travailleur·euse·s temporaires, et surtout, leur exploitation éhontée — au nom de la diversité — sur les chantiers du Québec.

Cette orientation, qui assimile les bénéfices de la diversité à leur rentabilité, est hautement problématique. En effet, elle subordonne les droits fondamentaux en matière d’égalité en emploi des personnes concernées à des impératifs économiques conjoncturels, et, par conséquent, conditionne l’atteinte de l’égalité réelle à des considérations commerciales qui risquent à terme de contribuer au fractionnement des luttes sociales. Les femmes et les autres groupes ciblés par le PL 51 méritent mieux qu’une politique qui les assigne au rang d’armée de réserve.

 

Après les femmes, les « personnes représentatives de la diversité »…

Jusqu’au dépôt du PL 51, les femmes constituaient le seul groupe à l’égard duquel la Commission de la construction du Québec (CCQ) avait jusqu’alors prévu des normes réglementaires différentes en vertu de l’article 123.1 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (chapitre R-20). Ces dispositions[4] font l’objet d’une attention soutenue par ATF depuis plusieurs années en raison de leurs effets inégaux et parfois même contre-productifs sur l’accès à l’égalité en emploi des femmes dans la construction. Pourtant, c’est précisément leur extension systématique aux « personnes représentatives de la diversité de la société québécoise » que le PL 51 propose.

Pour rappel, les femmes constituent, à l’heure actuelle en 2024, moins de 3,8 % de l’ensemble de la main-d’œuvre sur les chantiers de construction[5]. Tel que le reconnaît la Commission de la construction du Québec (CCQ), la très lente progression de leur taux de représentativité est directement liée aux problématiques de discrimination et de harcèlement qui font qu’elles sont surreprésentées parmi les travailleur·euse·s qui quittent l’industrie dans les cinq premières années : en 2017, 52 % des femmes qui avaient intégré l’industrie depuis 1997 l’avaient quitté après 5 ans, contre 32 % des hommes[6].

La majorité des mesures mises en place depuis l’adoption en 1996 du premier Programme d’accès à l’égalité pour les femmes (PAEF) continue cependant d’insister sur l’accès des femmes à l’industrie, sans tenir compte ni de la qualité des emplois, ni des conditions d’exercice qu’elles sont à même d’obtenir une fois qu’elles y sont, ni pour les problèmes de maintien qu’elles y rencontrent.

Pensons, par exemple[7], au supposé avantage qui permet aux femmes d’intégrer l’industrie de la construction et d’y exercer le métier de leur choix sans avoir complété un diplôme d’études professionnelles (DEP) sitôt que la disponibilité de main-d’œuvre pour ledit métier dans une région donnée est de 30 % ou moins. Les hommes non diplômés, de leur côté, doivent pour leur part attendre les « ouvertures de bassins » qui surviennent lorsque ce taux est de 5 % ou moins. Une telle mesure a pour effet de détourner la majorité des femmes qui désirent intégrer l’industrie de la poursuite d’une formation professionnelle, alors que le DEP est un facteur de rétention avéré autant chez les hommes que les femmes. LL'augmentation du ratio apprenti/compagnon qui est accordée aux employeurs qui embauchent des travailleuses apprenties a des effets similaires. Mis en place afin de permettre aux employeurs d’augmenter le nombre d’apprenti·e·s sur leurs chantiers, cet assouplissement législatif renvoie une fois de plus les femmes au statut de main-d’œuvre d’appoint, en plus de nuire à la qualité de la supervision et du transfert de compétences. Par la même occasion, cela rend plus difficile la montée en grade et à l’accès au statut de compagnon·gne (et à leur avantage salarial). Enfin, on ne saurait passer sous silence le Carnet référence construction, une plateforme électronique mise en place avec l’intention, certes louable, de promouvoir l’embauche des femmes auprès des employeurs en recherche de main-d’œuvre. Parce qu’il se limite à hypervisibiliser les candidatures des travailleuses sur les listes de références de main-d’œuvre, le Carnet n’offre non seulement aucune garantie aux candidates qu’elles seront embauchées pour des emplois intéressants, mais il contribue de surcroît à entretenir le préjugé selon lequel les femmes bénéficient d’une place privilégiée au sein de l’industrie et à renforcer le sentiment d’hostilité à leur égard.

Ces quelques exemples démontrent que la mise en place d’interventions centrées sur l’accès ne peut, à elle seule, neutraliser les biais systémiques qui font que les travailleuses de la construction peinent à progresser sur le plan professionnel et à se maintenir dans le milieu. Bon nombre de ces mesures ont en outre des effets préjudiciables sur l’intégration des femmes dans les équipes de travail, puisqu’elles alimentent le mythe selon lequel ces dernières bénéficieraient de passe-droits dans l’industrie, et, incidemment, qu’elles n’y mériteraient pas leur place au même titre que leurs confrères masculins. Loin d’avoir fait leurs preuves en matière d’égalité en emploi, ces mesures contribuent donc plutôt au maintien des travailleuses dans la précarité et à leur circulation perpétuelle.

La proposition du PL 51 d’élargir systématiquement la portée de ces mesures originellement pensées pour favoriser la présence des femmes aux « personnes représentatives de la diversité » — en mode one size fits for all et sans diagnostic préalable — soulève donc d’importants enjeux. Tel que l’a dénoncé ATF dans son mémoire soumis à la Commission de l’économie et du travail, cette approche rompt non seulement avec les principes censés guider la mise en place de réelles mesures d’accès à l’égalité (évaluer le système d’emploi relativement à chaque groupe ciblé, identifier les obstacles propres à chacun d’entre eux, déterminer des cibles réalistes et souhaitables, etc.), mais surtout, témoigne du rôle cosmétique qu’accorde le ministre du Travail à la « diversité ». Non seulement à aucun endroit, ni dans le mémoire qu’il a soumis au Conseil des ministres ni dans l’analyse d’impact réglementaire produite par son ministère, les mots « égalité » ou « discrimination » n’apparaissent, mais la motion pour faire entendre l’analyse d’ATF en consultations particulières de l’étude du projet de loi s’est vue fermement refusée par les commissaires de son parti[8].

En misant uniquement sur l’intérêt des employeurs à recruter les personnes qu’il assimile à la diversité québécoise pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre, le PL 51 n’offre ainsi aucune garantie pérenne sur leur accès à l’égalité en emploi et leur capacité à affronter les effets des fluctuations économiques de l’industrie. Les mesures « diversitaires » du PL 51 sont en ce sens univoques de l’intention du ministre de pourvoir à l’exploitation d’une main-d’œuvre jetable. Elles visent sciemment à répondre à des besoins ponctuels créés par une surchauffe de l’industrie à laquelle le gouvernement a lui-même contribué — comme l’illustre le développement récent de la filière des batteries[9].

 

En dérive, l’immigration au secours de la diversité

La vision instrumentale du gouvernement à l’égard de la diversité est rendue d’autant plus évidente qu’il prend soin de spécifier la définition qu’il entend des « personnes immigrantes » faisant partie des « personnes représentatives de la diversité de la société québécoise » : un résident permanent ou ressortissant étranger. Cette définition est, d’une part, restrictive, puisqu’elle exclut les personnes immigrées qui vivent sur le territoire et qui ont été naturalisées, et, d’autre part, extrêmement inclusive puisqu’elle considère comme personne immigrante toute personne relevant d’un autre État qui résiderait sur le territoire canadien. Elle inclut donc les personnes dotées d’un statut d’immigration non permanent, dont celles qui auraient été recrutées par les entreprises via le Programme de travailleurs étrangers temporaires (PTET).

Voilà plusieurs années que le ministre du Travail lorgne ce bassin de main-d’œuvre prospectif. Pensons à ses déclarations dans le cadre du lancement de l’Opération main-d’œuvre en 2021[10]). Il n’est donc pas surprenant de voir que le PL 51 prévoit des mesures afin d’aménager la législation conformément aux désirs des entreprises. En faisant implicitement des travailleur·euse·s temporaires des « personnes immigrantes » et, incidemment, des « représentants de la diversité » en vertu de la Loi, le PL 51 abat donc les dernières contraintes législatives qui restreignaient le recours au PTET.

En vertu des modifications réglementaires mentionnées précédemment, ces travailleur·euse·s recruté·e·s à l’international pourront désormais intégrer l’industrie de la construction sitôt que la disponibilité de main-d’œuvre enregistrée par la CCQ sera de 30 % ou moins pour le métier visé, peu importe les qualifications détenues ou leur reconnaissance formelle. Ielles seront aussi plus aisément « déplaçables » à l’échelle de la province, grâce aux dispositions du PL 51 qui prévoient l’octroi de critères de mobilité régionale préférentiels pour les femmes et les personnes représentatives de la diversité — avec tous les risques de ressac que cela suppose.

Le PTET est cependant un programme tristement célèbre en raison de ses effets délétères sur les conditions de vie et de travail qu’il impose aux travailleur·euse·s qui viennent travailler au Canada avec un permis de travail fermé, comme c’est le cas aussi dans le secteur agricole. Tel que le dénoncent des organisations locales de défense des droits comme le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI) depuis de nombreuses années, le fait que le permis de travail soit lié à un employeur unique renforce la vulnérabilité des travailleur·euse·s à différentes formes d’exploitation et de violations des droits que les organisations comme la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) peinent à endiguer véritablement[11]. C’est pour cette raison que, en octobre 2023, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage de l’Organisation des Nations unies (ONU) intimait au gouvernement fédéral de mettre en place un meilleur accès à la résidence permanente[12].

Dans le domaine de la construction plus particulièrement, une étude réalisée par Marie-Jeanne Blain et Lucio Castracani, en partenariat avec la CCQ et la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), démontrait pour sa part l’existence de liens ténus entre la croissance de l’immigration temporaire et l’apparition de « zones grises de l’industrie » où sont refoulé·e·s les travailleur·euse·s sans permis de travail pour effectuer des tâches illégales et dangereuses[13]. Dans les autres provinces canadiennes, plusieurs cas d’abus graves impliquant des personnes migrantes détenant un statut d’immigration précaire ont ainsi été répertoriés[14], ce qui a permis de justifier la mise en place d’un programme de régularisation pour les travailleur·euse·s de la construction « sans-papiers » dans la région du Grand Toronto par le gouvernement fédéral en 2019[15].

Ces observations n’empêchent pas les associations patronales du Québec de déplorer la « sous-utilisation » du PTET par rapport au reste du Canada, et de revendiquer des assouplissements afin de faciliter la venue de travailleur·euse·s migrant·e·s pour résoudre leurs problèmes de dotation de personnel[16]. La crainte de voir ces travailleur·euse·s devenir du cheap labor avait d’ailleurs été balayée du revers de la main par le ministre du Travail Jean Boulet en octobre 2023, quelques jours seulement après la déclaration du Rapporteur spécial de l’ONU[17].

À l’heure actuelle, les travailleur·euse·s temporaires forment une très faible minorité sur les chantiers du Québec — 0,5 % selon la CCQ — notamment parce qu’ils et elles sont sous-représenté·e·s dans le secteur par rapport aux autres secteurs d’activité[18]. Les modifications réglementaires prévues par le PL 51 ont cependant tout pour dérouler le tapis rouge du recrutement des travailleur·euse·s temporaires, et surtout, leur exploitation éhontée — au nom de la diversité — sur les chantiers du Québec. À cela s’ajoute les mesures implantées en vertu de l’entente Québec-Ottawa conclue en 2021, qui exemptent les employeurs d’obtenir une évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT) pour la majorité des métiers de la construction et, par conséquent, de faire la démonstration de l’échec de leurs efforts de recrutement au niveau local.

 

Conclusion : des pistes de solution concrètes

« Dernier bastion de la masculinité »[19] ou encore « forteresse de béton armé »[20], les métiers et les occupations de l’industrie de la construction forment l’un des secteurs d’emploi les plus homogènes au Québec.

Le PL 51 manque cependant une occasion unique de progresser vers l’égalité de fait dans le secteur de la construction, une opportunité qui, compte tenu du rythme des réformes législatives, pourrait mettre encore plusieurs années à se matérialiser. Selon l’article 126.0.1 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (chapitre R-20), la CCQ est tenue de consulter la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) pour l’élaboration de ses mesures visant à favoriser l’accès, le maintien et l’augmentation du nombre des femmes dans l’industrie de la construction. Tel que l’observe ATF depuis plusieurs années, la CCQ adopte cependant une vision étroite de cette obligation, ce qui explique que bon nombre des mesures n’ont pas livré les effets escomptés en matière de représentativité des femmes. Une réforme de l’industrie de la construction axée sur la promotion de l’égalité et de la participation de tous·tes à la mise en œuvre des chantiers de demain devrait donc renforcer les mécanismes de reddition de comptes de la CCQ à l’égard de la CDPDJ. Elle devrait aussi pouvoir assurer la conformité des mesures qui sont mises en place pour les femmes et les groupes nouvellement ciblés aux cadres législatifs en matière d’accès à l’égalité en emploi et de droits de la personne.

L’assujettissement de l’industrie de la construction au Programme d’obligation contractuelle (POC), revendiqué depuis le début des années 1980 par ATF, est par ailleurs la manière qui permettrait au gouvernement d’agir de la façon la plus structurante sur l’accès à l’égalité en emploi dans l’industrie[21]. L’introduction d’obligations contractuelles, dans une formule spécifique à l’industrie de la construction prenant en compte la petite taille de bon nombre d’entreprises et les chaînes de sous-traitance qui les lie, obligerait en effet les employeurs et leurs sous-traitants à adopter des pratiques de recrutement et d’embauches justes à l’égard des groupes sous-représentés, sous peine de sanctions en cas de non-conformité. Il s’agit d’un levier d’action effectif qui donnerait au gouvernement le pouvoir d’agir de façon systémique sur le secteur, tout en favorisant l’accès des individus historiquement concernés par la discrimination aux emplois les plus stables et rémunérateurs de l’industrie. En accord avec les principes de la Charte des droits et libertés de la personne, de telles obligations pourraient donc favoriser une vraie représentativité de la société québécoise sur les grands chantiers qui sont financés par l’État, et donc par l’ensemble des Québécois·e·s. Une véritable diversité sur les chantiers ne serait-elle pas le réel signe de l’entrée de l’industrie dans la modernité ?

Le manque de main-d’œuvre et la crise du logement ne devraient en outre pas nous détourner des considérations humanitaires qui sont censées être au cœur d’une politique d’immigration solidaire, inclusive et vectrice de richesses collectives. L’octroi de permis de travail ouverts, la régularisation du statut des personnes migrantes sans-papiers, l’accès facilité à la résidence permanente et la simplification des mécanismes de reconnaissance des qualifications et compétences acquises à l’étranger devraient ainsi apparaître en tête de liste de toute initiative visant à favoriser la présence des travailleur·euse·s issu·e·s de l’immigration sur les chantiers du Québec. Les projets d’infrastructures qui marqueront la prochaine décennie bénéficieront à l’ensemble des personnes qui résident sur le territoire; aucune raison ne justifie que les personnes qui les construisent ne soient pas également reconnues et protégées.

CRÉDIT PHOTO: Flickr/Peter Burka

[1] Plan d’action pour le secteur de la construction, Québec : Gouvernement du Québec, Mars 2021.

[2] Laurence Hamel-Roy, Élise Dumont-Lagacé et Sophie Pagarnadi, Maintien et stabilisation des travailleuses de la construction au Québec : une industrie à la croisée des chemins, Montréal : Action travail des femmes (ATF), 2023.

[3] Ministère du travail, Analyse d’impact réglementaire : projet de loi modernisant l’industrie de la construction, Québec : Gouvernement du Québec, Janvier 2023, p. 25.

[4] Particulièrement, celles contenues dans le Règlement sur la délivrance des certifications de compétence (r.5) et dans le Règlement sur le Service de référence de main-d’œuvre de l’industrie de la construction (r.14.1).

[5] CCQ, « Les femmes plus nombreuses dans l’industrie de la construction », 8 mars 2024, https://www.ccq.org/fr-CA/Nouvelles/2024/journee-des-femmes

[6] CCQ, Les femmes dans l’industrie de la construction - portrait statistique 2022, 2023.

[7] Pour plus d’informations sur ces mesures, voir Laurence Hamel-Roy, Élise Dumont-Lagacé et Sophie Pagarnadi, Op. cit.

[8] Étude détaillée du projet de loi n° 51, Loi modernisant l’industrie de la construction, 28 mars 2024. Voir le Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, Vol. 27, n° 49.

[9] Louis Cloutier, « Filière batterie : la Mauricie manquera de travailleurs de la construction », TVA Nouvelles, 9 décembre 2022, https://www.tvanouvelles.ca/2022/12/09/filiere-batterie-la-mauricie-manquera-de-travailleurs-de-la-construction

[10] Conférence de presse concernant l’Opération main-d’œuvre du premier ministre François Legault, du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale et ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration Jean Boulet et de la ministre de l’Enseignement supérieur Danielle McCanne, 20 novembre 2021.

[11] Voir par exemple Oona Barret, « Des travailleurs migrants dénoncent du travail forcé dans une usine », Pivot, 1er août 2023, https://pivot.quebec/2023/08/01/des-travailleurs-migrants-denoncent-du-travail-force-dans-une-usine-quebecoise/

[12] « Canada : Ancrer la lutte contre les formes contemporaines d’esclavage dans les droits de l’homme, demande un expert ONU », Communiqué de presse du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), 6 septembre 2023, https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2023/09/canada-anchor-fight-against-contemporary-forms-slavery-human-rights-un

[13] Marie-Jeanne Blain et Lucio Castracani, Les obstacles et facteurs de succès à l’intégration et au maintien en emploi des personnes immigrantes dans l’industrie de la construction, Montréal : Centre de recherche et de partage des savoirs InterActions, Équipe de recherche ÉRASME et Savoirs Partagés, Octobre 2023.

[14] Michelle Buckley, Adam Zendel, Jeff Biggar, Lia Frederiksen et Jill Wells, Migrant Work & Employment in the Construction Sector, Genève: Bureau international du travail (BIT), 2016.

[15] Ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Politique d’intérêt public temporaire subséquente pour continuer à faciliter l’accès à la résidence permanente pour les travailleurs de la construction sans statut dans la région du Grand Toronto (RGT) – Prorogation, Ottawa : Gouvernement du Canada, 18 décembre 2023, https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/mandat/politiques-directives-operationnelles-ententes-accords/politiques-interet-public/residence-permanente-travailleurs-construction-sans-statut-rgt-prorogation.html.

[16] Voir par exemple Jean-Philippe Cliche, « Programme de travailleurs étrangers temporaires en construction », ACQ Construire, 14 septembre 2022, https://www.acqconstruire.com/actualites/2699-programme-de-travailleurs-etrangers-temporaires-en-construction#:~:text=Un%20programme%20sp%C3%A9cifique%20pour%20l,est%20normalement%20de%20deux%20ans et Jean-Sébastien Plourde, « Des talents internationaux pour nous aider à bâtir! », ACQ Construire, 18 décembre 2023, https://www.acqconstruire.com/relations-du-travail/2963-des-talents-internationaux-pour-vous-aider-a-batir

[17] Francis Halin, « Le ministre Boulet veut plus de travailleurs étrangers en construction », Le Journal de Montréal, 23 octobre 2023, https://www.journaldemontreal.com/2023/10/28/le-ministre-boulet-veut-plus-de-travailleurs-etrangers-en-construction

[18] CCQ, Analyse provinciale des données sur les personnes immigrantes et résidents non permanents, recensement 2021 de Statistique Canada, Mars 2024.

[19] Geneviève Dugré, Travailleuses de la construction, Montréal : Éditions du remue-ménage, 2006.

[20] Marie-Thérèse Chicha et Éric Charest, Le Québec et les programmes d’accès à l’égalité : un rendez-vous manqué ?, Montréal : Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CETUM), Avril 2013.

[21] L’application du POC à l’industrie de la construction fait consensus au sein des cinq organisations syndicales de l’industrie depuis de nombreuses année. Au lendemain du dépôt du PL 51, cet appui avait d’ailleurs été réitéré dans une lettre ouverte demandant au gouvernement Québecois d’intervenir en ce sens. Laurence Hamel-Roy, Katia Atif et Élise Dumont-Lagacé, « Des mesures de diversité qui tombent à plat et rien de plus pour les femmes avec le PL51 », Le Devoir, 14 février 2024, https://www.ledevoir.com/opinion/idees/807865/idees-mesures-diversite-tombent-plat-rien-plus-femmes-pl51

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