La sous-valorisation de l’expertise des femmes dans les médias, des chiffres et un projet

Société
La sous-valorisation de l’expertise des femmes dans les médias, des chiffres et un projet
Analyses
| par Laura Shine et Maika Sondarjee |

Un panel politique dans une émission télévisée du matin. Un article dans une revue grand public. Une table ronde à la radio. Qu’ont en commun ces trois scénarios médiatiques? Les femmes y sont toujours minoritaires, voire absentes. En fait, les femmes représentent en moyenne 29 % des voix entendues comme expertes dans les grands médias canadiens1.

 

Si la sous-représentation des femmes en politique a mené à un mouvement Twitter intitulé #DéciderEntreHommes, l’absence des femmes comme expertes dans les médias devrait s’intituler #DiscuterEntreHommes. Pourquoi les femmes interviennent-elles moins dans les médias? Qu’en est-il des préoccupations et des idées qui leur sont propres, des travaux et des projets qu’elles mènent? À une époque où l’on compte des femmes dans tous les domaines, parfois même en plus grand nombre que leurs homologues masculins, pourquoi leur voix se fait-elle encore si rare, et quelles sont les conséquences de cette invisibilisation?

 

Cet article établit d’abord un portrait quantitatif de la situation des femmes dans les médias canadiens. Il détaille ensuite quatre impacts majeurs de cette sous-représentation, soit l’équation entre expertise et masculinité; le sentiment d'imposture que ressentent les expertes; l’absence de perspectives féminines ou féministes sur les sujets traités et les inégalités en termes d’opportunités professionnelles. Enfin, il présente un projet d’envergure en cours de développement, intitulé Femmes Expertes, qui offrira soutien, formation et visibilité aux expertes pour mettre fin aux inégalités de représentation médiatique entre les femmes et les hommes. Nous nous basons sur les données quantitatives disponibles sur le sujet, ainsi que sur une quinzaine d’entrevues réalisées durant l’été 2018 avec des expertes et des journalistes femmes.

 

Portrait de la situation

 

Au Canada, 71 % des personnes citées dans les médias sont des hommes, contre seulement 29 % de femmes. C’est le constat affligeant qu’a établi la chercheuse Marika Morris, de l’Université Carleton, lors d’une enquête menée en 2015. Les médias publics font généralement meilleure figure que leurs concurrents privés : en tête de peloton, on retrouve Tout le monde en parle (41 % de femmes), suivi de CBC The Current (40 %), du Toronto Star (34 %), de La Presse (28 %), du Globe and Mail (27 %), du National Post (26 %) et de CTV National News (23 %).

 

Cette inégalité basée sur le genre a été confirmée au Québec par une étude à plus petite échelle menée à l’hiver 2018 par Véronique Lauzon. Dans une étude sur cinq jours des grands quotidiens québécois (Le Devoir, Le Journal de Montréal et La Presse+), la journaliste de La Presse a découvert que les femmes occupaient la une en photo ou en titre dans seulement un cas sur quatre.2 De plus, parmi les 1500 interlocuteurs, interlocutrices, ou personnes citées comprises dans l’échantillon, seulement entre 22 % et 27 % étaient des femmes, selon le journal. Le Québec ne fait pas meilleure figure que le reste du Canada.

 

Le portrait au Québec et au Canada est toutefois légèrement plus reluisant qu’en France, où seulement 19 % des expert·es cité·es sont des femmes.3 Les chiffres de l’Observatoire de la parité dans la presse française démontrent également que parmi les 100 personnes les plus médiatisées dans l’Hexagone en 2017, moins de 17 % étaient des femmes.4

 

Il est intéressant de noter que les hommes canadiens dépassent les femmes canadiennes comme intervenants dans toutes les catégories de travail. Par exemple, 66 % des universitaires cité·es dans les médias sont des hommes, comme 76 % des politicien·nes, 70 % des représentant·es non-élu·es du gouvernement, 52 % des travailleurs et travailleuses d’ONG, 78 % des intervenant·es associé·es à des entreprises privées, 73 % des avocat·es et membres d’autres professions juridiques, 55 % des intervenant·es du milieu de la santé, 66 % des sources dans le monde des médias, 66 % dans les milieux dits « créatifs » et 88 % du personnel policier. Pour celles et ceux qui avancent que les femmes sont simplement moins représentées dans les professions où elles sont moins présentes, notons que les femmes sont toujours sous-représentées, peu importe leur proportion dans les différentes sphères professionnelles.5

 

La parité est atteinte dans seulement une des catégories analysées par Morris, celle des vox populi, c’est-à-dire lorsqu’un·e journaliste interroge des passants dans un lieu public. La diversité des statistiques dans ces « vox pop » varie grandement selon le ou la journaliste, certain·es maintenant une bonne diversité en termes de genre, de communautés culturelles et d’âge, et d’autres moins.

 

Une autre catégorie où la parité est presque atteinte est celle des « victimes ou témoins ». Si l’échantillon de Morris est pris dans son ensemble (intervenant·es canadien·nes et internationaux·ales), 47 % des victimes ou témoins cité·es sont des femmes, alors que dans l’échantillon seulement canadien, 44 % sont des femmes. Ici, comme dans le cas des vox populi, ce n’est donc pas l’expertise des femmes qui est mise de l’avant. Au contraire, c’est en tant que victime ou individu passif qu’elles se taillent une place dans les médias, renforçant d’autant les stéréotypes de genre qui minent la présence des femmes dans la sphère publique et menacent leur image d’experte.

 

Les réseaux sociaux, aujourd’hui d’incontournables plateformes médiatiques, renforcent l’environnement délétère dont sont victimes les femmes. Une étude récente démontre que sur Twitter, la voix des journalistes politiques de sexe féminin est moins entendue, voire marginalisée, par rapport à celle de leurs collègues masculins. Ceux-ci retweetent massivement les gazouillis de leurs homologues masculins mais pas ceux des femmes.6 Plus inquiétant encore, Amnistie internationale a décrié la violence dirigée envers celles qui prennent la parole sur Twitter, qualifiant la twittosphère de « toxique » pour les femmes et condamnant vertement la compagnie pour son inaction en la matière7. Abus psychologiques, menaces de viol et de violences, harcèlement, atteintes à la vie privée - la liste des méfaits est longue et alarmante, au point de faire taire nombre de femmes qui choisissent de quitter la plateforme, renonçant par le fait même à occuper la place qui leur revient dans le (cyber)espace public.

 

Quels impacts?

 

La sous-représentation des femmes comme expertes dans les médias a plusieurs impacts sur l’information diffusée, mais aussi sur la carrière des femmes qui sont mises de côté. Afin de mieux cerner le phénomène, nous avons interviewé8 en mai et juin 2018 des journalistes ainsi que des femmes expertes dans leur domaine qui ont déjà une présence médiatique ou qui, au contraire, pourraient partager leur expertise mais n'ont pas encore été appelées à le faire. Ce faisant, nous voulions mieux comprendre certaines des préoccupations et des problèmes qui freinent la participation accrue des femmes en tant qu’expertes dans les médias. En se fondant sur les témoignages de ces femmes, nous avons établi quatre principaux types de conséquences de cette inégalité basée sur le genre : la construction sociale de l’expertise comme un apanage masculin; le renforcement du sentiment d'imposture des femmes; l’absence de perspectives féminines ou féministes sur les sujets traités; et l’inégalité d’accès à des opportunités professionnelles.

 

Premièrement, il existe un cercle vicieux entre la préférence des journalistes pour les intervenants hommes et le fait que l’expertise masculine soit plus valorisée que celle des femmes. Isabelle Fradin, consultante dans le milieu bancaire montréalais, œuvre dans un milieu qui emploie énormément de femmes, mais dont très peu se taillent une place aux échelons élevés de la direction. Mme Fradin raconte qu’elle est sans cesse confrontée à des clients qui prêtent peu attention à ses idées et se tournent plutôt vers des collègues masculins plus âgés qui sont pourtant parfois moins compétents, selon elle. Les récits de nos intervenantes laissent croire que ce genre de phénomène est observable dans plusieurs milieux. Tant sur les lieux de travail que dans les médias, l'expertise féminine demeure souvent dans l'ombre de celle des hommes. Mme Fradin affirme qu'elle répondrait volontiers à des demandes d'entrevues et qu'elle aimerait partager ses connaissances, mais que l'opportunité de le faire ne lui a jamais été offerte. L'omniprésence des voix masculines nous prive ainsi de perspectives nouvelles, diversifiées et plus représentatives.

 

De plus, moins il y a de femmes représentées comme expertes dans la sphère publique, moins leur expertise est valorisée. Les médias jouent donc un rôle central dans la définition du rôle d’experte, croit la journaliste indépendante et chercheuse en sociologie Raphaëlle Corbeil. En priorisant certaines voix au détriment d’autres, explique-t-elle, les médias orientent la teneur du discours dans l’espace public, mais tracent aussi les contours de l’expert-type, le plus souvent un homme blanc cis. Ainsi tourne la roue : si, dans l’imaginaire collectif, l’expertise est associée à la masculinité, la parole sera davantage offerte à ceux qui correspondent au portrait qu’on se fait d’un expert. Les femmes demeureront invisibilisées et seront moins souvent prises au sérieux.

 

Deuxièmement, le sentiment d’imposture, ou « l’auto-censure »9 est souvent mentionné par les femmes de notre échantillon. Ce sentiment se trouverait renforcé par la rareté des expertes pouvant servir de modèle dans les médias. De ce fait, pour nos intervenantes, la délimitation de l’expertise constitue souvent un frein majeur à leur participation médiatique. Pascale Cornut St-Pierre, professeure de droit à l’Université d’Ottawa, admet qu’elle s'abstient de répondre à l’affirmative à une demande d’entrevue si elle ne maîtrise pas à la perfection le sujet abordé, craignant d’être prise au dépourvu et affirmant que « la préparation pour une telle entrevue demanderait trop de travail (et de stress !), en échange de peu de gratification ». Pourtant, comme le soulignent les journalistes et les expertes que nous avons interrogées, lorsqu’elles observent leurs collègues masculins, elles remarquent que les hommes hésitent moins souvent à s’aventurer en dehors de leur strict champ d’expertise.

 

Selon Camille Robert, auteure du livre Toutes les femmes sont d’abord ménagères, «  certains hommes sentent qu'ils sont assez compétents pour parler de n'importe quel sujet et vont plus rarement refuser une invitation, même s'ils ne sont pas qualifiés pour en parler, ou qu'une femme aurait plus à dire ». Pour l’historienne, il s’agit d’une des raisons qui crée un déséquilibre dans l’espace médiatique. Il faudrait donc agir à deux niveaux: que les médias diversifient davantage leurs invitations, mais aussi que certains hommes apprennent à dire non ou à référer à des femmes lorsque la demande ne correspond pas à leur champ de spécialisation.

 

Marianne Di Croce, candidate au doctorat en philosophie et professeure au cégep de Saint-Jérôme, raconte qu’un de ses bons amis et professeur en philosophie -appelons le Michel- accepte toujours les demandes d’entrevues, même celles qui ne sont pas en lien direct avec son expertise. De fil en aiguille, les demandes se sont multipliées pour Michel, alors que Mme Di Croce refusait souvent sous prétexte qu’elle n’avait pas les connaissances nécessaires pour se prononcer. En constatant que son expertise n’était pas valorisée autant que celle de Michel, elle a un jour adopté comme devise « que répondrait Michel ? » et s’est mise à accorder davantage d’entrevues. Évidemment, cela n’implique pas de prendre la parole sur tous les sujets, mais bien de s’accorder une plus grande confiance en tant qu’experte. La responsabilité revient également aux journalistes, qui doivent redoubler d’efforts afin de trouver une femme pouvant répondre à leurs questions.

 

Toujours à propos du syndrome de l’imposture, il y a plusieurs années, Mme Demers (nom fictif) a participé à une série documentaire télévisée qui suivait ses débuts professionnels. À l’époque, son manque d’expérience la faisait parfois douter, et le portrait qu’a fait l’émission d’une jeune femme enthousiaste mais anxieuse sonnait juste. Or, elle regrette aujourd’hui d’avoir exprimé aussi candidement ses sentiments devant la caméra et d’avoir avoué souffrir du fameux syndrome de l’imposture. Cette image la suit toujours dans sa carrière, auprès de clients qui se souviennent l’avoir connue au petit écran. Elle sent que ce portrait mine parfois sa crédibilité et l’image d’experte qu’elle doit projeter pour maintenir leur confiance. Elle se demande si un homme aurait accepté d’être ainsi dépeint, et si, le cas échéant, ses aveux auraient été perçus de la même façon.

 

Troisièmement, lorsque les femmes manquent à l’appel dans l’espace médiatique, ce sont leur savoir, mais aussi leurs priorités et leurs perspectives, qui sont moins prises en compte. Raphaëlle Corbeil insiste sur l’importance de la connaissance expérientielle : les femmes sont les mieux placées pour parler de leur propre expérience et des enjeux qui les affectent directement. Si leur voix n’est pas entendue, ou si leur expérience n’est pas considérée comme une parole légitime, ces réalités risquent d’être passées sous silence.

 

La promotion des voix des femmes comme expertes dans les médias a donc certainement un objectif de représentation : celui de combler le manque de représentativité statistique et de corriger une inégalité de genre. Mais plus encore, promouvoir la voix des femmes vise également à faire entendre des points de vue sur l’actualité découlant d’une socialisation féminine ou d’un point de vue féministe. Par exemple, certaines femmes pourraient avoir une compréhension plus profonde des systèmes d’oppression spécifiques aux femmes (le patriarcat), et ainsi proposer une vision différente de sujets tels que, par exemple, la privatisation des services de santé, le conflit au Myanmar ou les positions dites féministes du premier ministre canadien.

 

Pour Louise Hénault-Éthier, chef des projets scientifiques à la fondation David Suzuki, la voix des femmes et leur approche pédagogique sont aussi qualitativement différentes. Il est donc crucial de leur tailler une place comme expertes médiatiques, en particulier dans les champs de spécialisation où elles sont traditionnellement moins nombreuses, comme ceux des sciences et des technologies. L’ajout de femmes scientifiques expertes dans les médias augmenterait la visibilité des femmes dans ces domaines et pourrait potentiellement promouvoir ces professions pour les jeunes filles. Toutefois, même si le problème est particulièrement criant dans ces sphères, rappelons que les femmes sont moins représentées dans les médias même dans les domaines où elles sont à parité avec les hommes.

 

Le dernier impact de cette inégalité de représentation vient du fait que dans le milieu de la recherche, une grande importance est aujourd’hui accordée à la vulgarisation et à la transmission des connaissances à un public plus vaste. Le financement y est souvent lié, notamment par des organismes subventionnaires comme le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), le Fonds de recherche du Québec - Société et culture (FRQSC), les bourses universitaires et les subventions privées ou gouvernementales. Une moins grande présence publique et médiatique peut donc mettre en péril les travaux et les subventions aux chercheur·euses. En dehors des murs de l’université, le poids médiatique ouvre aussi la voie à des opportunités importantes ou à de la visibilité publique. Pour les entrepreneures et les professionnelles, une moins grande visibilité peut ainsi avoir des répercussions financières ou hiérarchiques non négligeables.

 

Quelles solutions?

 

Les solutions se trouvent à plusieurs niveaux. Pour Mme Demers, la formation devrait débuter dès l’école, où l’on devrait enseigner aux adolescentes à trouver et à faire entendre leur voix. Mme Fradin mentionne l’importance de bénéficier du soutien et de l’entraide d’autres expertes qui, comme elle, souhaitent occuper une plus grande place dans l’espace public. Les journalistes mentionnent plutôt des aspects de nature logistique, comme avoir accès aux coordonnées de femmes expertes qui acceptent de répondre à des entrevues. De manière générale, les hommes se portent plus souvent volontaires, et les intervenants déjà connus ont plus de chance d’être de nouveau sollicités. Lorsque les délais de rédaction sont contraignants, il est souvent tentant d’adopter la voie de la facilité plutôt que de fournir des efforts soutenus pour trouver une femme, et qui plus est pour la convaincre de se prêter au jeu.

 

Dans cette optique, nous développons présentement le projet Femmes Expertes afin de faire entendre la voix des expertes francophones partout au pays. Femmes Expertes sera le bras francophone de l’initiative Informed Opinions, qui oeuvre depuis 2010 à abattre les barrières à la parité dans le Canada anglais. Son répertoire d’expertes destiné aux journalistes compte actuellement plus de 600 femmes de tous les domaines. Femmes Expertes regroupera pour sa part des femmes spécialistes de langue française afin que les journalistes puissent d’un seul clic trouver une intervenante pour répondre à leurs questions. En offrant soutien, formation et visibilité aux femmes, nous visons la parité dans les médias d’ici 2025.

 

Notre projet s’inscrit dans une mouvance internationale, aux côtés notamment du projet français Expertes France créé en 2012 par Marie-Françoise Colombani et Chekeba Hachemi et qui regroupe dans son bottin plus de 1000 femmes expertes disponibles pour des entrevues.10 Le projet s’est internationalisé en 2017 sous la bannière Expertes Francophonie11, et compte depuis 2018 des partenaires en Algérie12 et en Tunisie13.

 

L’approche spécifique à Femmes Expertes s’articule selon 3 axes directeurs :

 

1. Se montrer sensible à la diversité des voix exprimées. Ceci implique de la part des journalistes de porter une attention active à la diversité des intervenant·es, en termes de genre, d’âge, de milieu, d’origine ethnique, etc. De concert avec les médias, Femmes Expertes cultive cette prise de conscience et fournit des outils tels qu’un répertoire d’expertes afin de simplifier le travail des journalistes.

 

2. Insister sur l’importance du point de vue féminin ou féministe. Nos recherches démontrent que les femmes hésitent souvent à partager leur point de vue. Plusieurs facteurs sont en jeu. La question « Suis-je la meilleure personne? » est sur toutes les lèvres. Certaines craignent aussi la rétroaction négative dont tant de femmes font l’objet lorsqu’elles prennent ouvertement la parole. Nous faisons valoir l’importance cruciale d’une prise de parole équitable pour la qualité de l’information, tant auprès des femmes que des médias.

 

3. Favoriser une coopération efficace entre les médias et les expertes. Plusieurs de nos intervenantes, notamment Mmes Fradin, Cornut St-Pierre et Hénault-Éthier, ont souligné l’apparente difficulté de rendre leurs idées compatibles avec le format journalistique, souvent court et ponctué de phrases percutantes. D’autres sont mal à l’aise avec le rapport de force qui peut s’établir entre les intervieweurs et les intervenantes. Nous travaillons à démystifier la prise de parole médiatique afin que les femmes se sentent plus valorisées comme expertes.

 

Ces priorités sont abordées à l’aide de trois principaux outils. Le premier est un registre de femmes expertes visant à faciliter les recherches des journalistes. Nous invitons d’ailleurs les lectrices expertes dans leur domaine, tant dans les milieux académiques que professionnels, à nous soumettre leurs informations afin de les ajouter au registre. En s’inscrivant à ce répertoire, les membres peuvent elles-mêmes tracer les contours de leur champ d’expertise et proposer des sujets de discussion. Nous faisons la promotion des expertes dans les réseaux sociaux et les encourageons à faire de même, ce qui accroît leur visibilité et leur poids médiatique.

 

En second lieu, de la recherche sur le terrain, de la mobilisation et un plaidoyer sont employés pour sensibiliser les journalistes et le grand public à la question de la parité, et pour exiger une meilleure représentation des voix de femmes. Nous encourageons notamment les entreprises, les organisations et les départements universitaires à offrir des aménagements (en termes d’horaires ou de conditions de travail, par exemple) afin d’encourager les femmes qui le souhaitent à consacrer plus de temps à leur présence publique.

 

En troisième lieu, Femmes Expertes offrira dès cette année des formations aux femmes qui souhaitent s’engager dans l’espace public avec plus de confiance, tant à l’écrit qu’en entrevue orale. Nos formations aideront les expertes à apprivoiser le format médiatique pour transmettre leurs idées de manière plus efficace, concise et percutante. Nous organiserons également des rencontres de pair à pair où expertes et journalistes pourront partager leur expérience et démystifier la prise de parole publique.

 

Conclusion

 

Pour faire entendre leurs préoccupations et leurs idées et occuper la place qui leur revient dans l’espace social, il est essentiel que les femmes soient mieux représentées dans les médias. Valorisation de l’expertise féminine, renforcement du sentiment de compétence et de la confiance en soi, perspectives féministes sur les enjeux sociaux et opportunités sociales et professionnelles : voilà quelques-uns des avantages associés à la participation accrue des femmes comme expertes dans les médias. Il ne s’agit pas d’exiger des femmes qu’elles travaillent plus fort afin de promouvoir leur voix, et ce, en adoptant des traits de personnalité historiquement masculins. Au contraire, il s’agit de changer notre conception sociale de l’expertise et de travailler à tous les niveaux afin changer la structure à la base de cette inégalité. En offrant soutien aux journalistes, formation aux expertes et plaidoyer, Femmes Expertes encourage les femmes à faire entendre leur voix et leur propose des outils pour mieux y parvenir, mais tente surtout de changer l’association trop commune entre expertise et masculinité.

 

***

 

Si vous êtes une experte dans votre domaine ou une journaliste qui a à cœur l’égalité hommes-femmes, nous vous invitons dès aujourd’hui à prendre contact avec nous. Ensemble, nous pouvons cesser de #DiscuterEntreHommes.

 

http://femmesexpertes.org/

Twitter: @FExpertes

Facebook: Femmes Expertes Canada

CRÉDIT PHOTO: Tumisu, Pixabay

1 À moins d’indication contraire, les données utilisées dans cet article proviennent d’une recherche effectuée en 2015 par Marika Morris de l’École d’études canadiennes de l’Université Carleton, pour le compte de l’initiative Informed Opinions. Morris a examiné 1467 articles de sept programmes ou médias canadiens à grande audience, précisément les sections « Nouvelles » accessibles en ligne du Globe and Mail, Toronto Star, National Post, La Presse, CTV National News, CBC The Current et ICI Tout le monde en parle. La collecte de données s’est faite sur trois périodes entre octobre et décembre 2015, pour un total d’environ 15 jours de données. Les personnes transgenres ont été codées selon le genre avec lequel ils ou elles se présentaient.

2 Véronique Lauzon, 23 avril 2018, « Femmes dans les médias: les voix négligées », La Presse+, Montréal. www.lapresse.ca/arts/medias/201804/23/01-5162088-femmes-dans-les-medias-...

3 « Le projet », Expertes France, expertes.fr/le-projet/

4 Observatoire de la parité dans les médias français, 2017, « Quelle place pour les femmes en 2017? », PressEdd. www.datapressepremium.com/rmdiff/2008572/Observatoire-Pressedd-de-la-par...

5 Les données relatives au travail utilisent les définitions et les chiffres de Statistiques Canada, 2011.

6 Nikki Usher, Jesse Holcomb, et Justin Littman, 2018, « Twitter Makes It Worse: Political Journalists, Gendered Echo Chambers, and the Amplification of Gender Bias », The International Journal of Press/Politics. doi.org/10.1177/1940161218781254

7 Amnesty International, 2018, « A Toxic Place for Women », Toxic Twitter - A Toxic Place for Women, consulté le 5 août 2018. www.amnesty.org/en/latest/research/2018/03/online-violence-against-women...

8 Les femmes ont été interrogées par courriel ou par téléphone.

9 Annabelle Laurent, 8 juin 2015, « EXCLUSIF: "Les Expertes ", le site qui veut augmenter la visibilité des femmes dans les médias », 20 minutes Média, Paris. www.20minutes.fr/medias/1625111-20150608-exclusif-expertes-site-veut-aug...

10 « Le projet », Expertes France, expertes.fr/le-projet/

11 Expertes Francophonie, expertesfrancophones.org/

12 Expertes Algéries, expertes-algerie.com/

13 Expertes Tunisie, expertes-tunisie.com/

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