Inquiétante étrangeté au G7 de Charlevoix

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Inquiétante étrangeté au G7 de Charlevoix
Analyses
| par Louis-Paul Legault |

La timidité des contestations citoyennes entourant le G7 de Charlevoix (2018), comparativement au G20 de Toronto (2010) ou au Sommet des Amériques de Québec (2001) est-elle attribuable, comme plusieurs commentateurs ont affirmé, à l’effet dissuasif du dispositif sécuritaire et à la tenue des G7/G8 loin des grands centres ? Les résidents locaux avaient-ils peur du grabuge au point où l’ont rapporté certains médias ? Voici quelques pistes de réponses en photoreportage (toutes les photos ici).

Coût total de quelques G7/G8/G20 et du S.d.A.

 

 

396 millions en sécurité

Pour ce Sommet du G7, dont près des deux tiers du budget de 605 millions furent consacrés à la sécurité[i], les autorités ont annoncé mobiliser entre 8 000 et 9 000 policiers, sans compter les militaires[ii]. Il s’agit de l’un des plus importants budgets de l’histoire pour un événement du genre, 2e au Canada derrière le G20 de Toronto en 2010[iii]. Promptement, les autorités se sont félicitées du bon déroulement des opérations, peu après que le Premier ministre Trudeau se soit défendu d’en avoir peut-être fait « un peu plus » que le nécessaire :

Justin Trudeau, conférence de clôture du Sommet, 9 juin 2018, La Malbaie

« Je pense que ça s’est passé dans l’ordre, dans la sécurité et on peut en être fier. Je pense que c’est important dans une démocratie que les gens sentent la capacité de s’exprimer, de manifester. Je pense qu’en même temps nous nous basons toujours sur ce qui est le plus important, c’est-à-dire d’assurer la sécurité des participants, des citoyens et des manifestants. Si on est pour nous reprocher qu’on a peut-être fait un peu plus que ce dont on allait avoir besoin de faire, je pense que c’est le moindre des malheurs. Si on était plutôt dans une situation où on nous reprochait de ne pas avoir fait assez, [s’il y avait] eu des excès, je pense qu’on aurait une bien différente conversation. (...) Mais je pense que c’est difficile de dire que ce qu’on a fait n’a pas été un succès pour ce qu’on voulait d’abord et avant tout : c’est d’assurer un G7 réussi, d’assurer la tranquillité et la sécurité pour les citoyens qui faisaient cet accueil, et aussi la capacité que les gens puissent s’exprimer quand ils sont en désaccord. »

— Justin Trudeau

Conférence de clôture du Sommet
9 juin 2018, La Malbaie

Carte du G7 2018 : Québec, Bagotville, La Malbaie

Aéroports occupés, routes patrouillées

Les forces de l’ordre ont occupé quatre aéroports durant le Sommet : Jean-Lesage à Québec, Bagotville au Saguenay, Rivière-du-Loup et Saint-Irénée dans Charlevoix. Les dignitaires arrivaient à Bagotville ou Québec, puis étaient escortés par les airs ou par la route jusqu’au Manoir Richelieu, dans la région de Charlevoix. Des tours cellulaires[iv] et des radars[v] furent installés pour fiabiliser les communications et contrôler l’espace aérien dans un rayon de 50 à 60 km autour du Manoir.

L’aéroport de Rivière-du-Loup fut essentiellement utilisé pour ravitailler 3 appareils de surveillance de la GRC, nous apprend son directeur Martin Hivon, quelque peu amer de son expérience : « Je suis déçu du niveau d’utilisation qu’ils ont fait de notre aéroport par rapport à ce qu’on nous avait laissé croire. » Pour 3 jours et demi sans le trafic habituel, et donc sans les ventes de carburant et de services, il évalue les pertes financières entre 6 000 et 10 000 dollars, et à 3 jours de paperasse : « On nous a promis un remboursement avec Affaires mondiales Canada, mais le processus est très compliqué. Le document fait 25 pages, et ils demandent les états financiers des 5 dernières années. » M. Hivon, qui a servi 28 ans dans l’armée, a finalement décidé de laisser tomber la serviette pour éponger lui-même les pertes, la tête haute. « S’ils ont besoin de nos services pour une autre occasion, ça nous fera plaisir de les recevoir. »

3 Griffon à Saint-IrénéeRadar à Saint-Irénée3 Griffon et un radar à Saint-Irénée

Plus près du Manoir, le petit aéroport civil de Saint-Irénée fut temporairement converti en base militaire. Un radar et plusieurs hélicoptères, dont trois Griffon, ont été aperçus (photos).

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Un cycliste et Air Force One, près d’atterrirLe président Trump à son arrivée. Photo de Fabien Durand, de l’équipe photo du G7Marine One et Marine Two, deux White HawkAir Force One, Trump, Marine One et Marine Two

 
23 minutes au Saguenay

Vendredi 8 juin, le très attendu avion présidentiel de Donald Trump, Air Force One, se pose en retard à 10 h 45 à l’aéroport de Bagotville, sous un déploiement sécuritaire varié et abondant. La nuit précédente, des gyrophares scintillaient dans tout le secteur, déjà sur le qui-vive. Le matin de l’arrivée, vers 9 h, des policiers du Saguenay bouclent le périmètre à moto, tandis que d’autres, en camions ou en voitures, bloquent les accès ; des militaires casqués et vêtus de camouflage font le guet, perchés ou cachés dans des abris de toile, pendant que leurs camarades sillonnent la forêt de l’aéroport en tout-terrains, mitraillette en bandoulière. Quelques minutes avant l’arrivée de Trump, des chasseurs CF-18 décollent, dans un grondement bien distinctif.

Il n’est permis de prendre des photos que depuis la « zone de libre expression », les policiers motards interceptant promptement et invitant à circuler tout véhicule immobilisé, avec ou sans accréditation. La seule autre option autorisée pour les journalistes était l’autobus sécurisé Québec-Bagotville partant du Centre international des médias à 4 h 30. Le président américain quitte ensuite à 11 h 08 en direction du Manoir Richelieu dans son hélicoptère Marine One, accompagné d’un White Hawk identique, suivis d’un V-22 et d’un Chinook.

 

Barrage à BagotvillePatrouille à motos, BagotvilleBarrage à BagotvilleBarrages et patrouilles à Bagotville ; policiers à motos, en voitures et en camions

 

Charlevoix... sans voix

À La Malbaie, hormis la forte présence policière sur les routes, peu d’indices laissent voir l’éminente visite à 2 km. Le Manoir Richelieu est bien caché derrière la côte, près de la falaise donnant sur le fleuve. Les commerces sont ouverts sur la route 362, les gens circulent normalement, quoique ce soit plus tranquille qu’à l’habitude. Un auditeur à la radio locale est du même avis, et il tente de se faire rassurant pour les touristes. Un simple passage sur la 138 entre Québec et Saint-Siméon s’effectue rapidement et sans trop de soucis ; l’on y croise quelques locaux, des vacanciers, des agents de la SQ ou des Suburban noirs banalisés[vi].

Camion de la SQ garé près de Cap-à-l’AigleVue du Manoir, près de Cap-à-l’AigleEntrée de la « zone rouge »Camion de la SQ garé et vue du Manoir, près de Cap-à-l’Aigle  |  Entrée de la « zone rouge »

C’est à Pointe-au-Pic, à la frontière de la « zone rouge », que la réalité est chamboulée pour les résidents. D’abord, il est difficile de ne pas apercevoir la clôture recyclée du grand prix de formule E, formant une grande « zone de libre expression » en entonnoir, nous dirigeant en réalité tout droit vers un immense (et effrayant) enclos vide sous surveillance, dont une paroi officielle affiche : « Zone de libre expression — Transmission en direct au Manoir Richelieu ». Des convois entrent et sortent de la zone rouge, sous le regard des quelques curieux présents. Plus rares, les arrivées ou départs de notables se font depuis l’héliport temporaire (le stationnement du Manoir) ; on les entend ou les voit parfois, au loin. Pendant ce temps, un hélicoptère de la GRC survole continuellement le site, créant l’atmosphère en bruit de fond.

Blindé Navistar non identifiéMur de la « libre expression »Hélicoptère de la GRC survolant le ManoirBlindé Navistar non identifié  |  Mur de la « libre expression »  |  Hélicoptère de la GRC survolant le Manoir

En croisant des journalistes, tous discutent de l’ambiance étrangement calme, surpris qu’il n’y ait personne (ou à peu près) pour manifester. Elizabeth, observatrice internationale rencontrée dans la zone, commente : « Charlevoix, ou pas de voix ? » Le seul manifestant aperçu lors du passage est Toyoshige Sekigushi, ce moine japonais en mission de paix contre les armes nucléaires[vii].

Rappelons que depuis 2002, les G7/G8 se tiennent à peu près tous loin des grandes villes. L’année 2001 fut sans doute décisive à cet égard. On se souvient comment le Sommet des Amériques de Québec marqua les esprits en avril, la ville arborant des allures de guerre civile[viii] ; à Gênes, en juillet, le mort et les centaines de blessés mirent assurément les organisateurs en état d’alerte[ix] ; or, on le sait, une « guerre au terrorisme » enchâssée dans le Patriot Act fut lancée par George W. Bush suite aux attentats du 11 septembre. Depuis lors en occident, l’état d’exception se confond peu à peu, paradoxalement, à l’état normal des choses. Certains parlent d’un « paradigme sécuritaire »[x].

Garde côtière canadienne près du ManoirLe moine Toyoshige SekigushiDes autobus de location au ministère des Transports à La MalbaieGarde côtière canadienne près du Manoir  |  Le moine Toyoshige Sekigushi  |  Des autobus de location au ministère des Transports

Ce qui caractérise donc les « manifestations » de Charlevoix durant ce G7 est peut-être simplement qu’en définitive, il n’y en a eu que très peu, voire pas du tout. En fait, tout dépend si l’on tient compte de la marche du 3 juin (les médias chiffraient entre 40 et 50 personnes[xi]), des revendications plus diverses[xii] et autres regroupements d’« une quinzaine de manifestants »[xiii]. Car en règle générale, près du Manoir durant le Sommet, il y avait plus de policiers que de journalistes, et plus de journalistes que de manifestants !

 

Le Centre international des médias de QuébecLe Centre international des médias de Québec

 
À Québec, des manifs et des médias

Un jeu timide de chats et souris s’est déroulé à Québec du 7 au 9 juin, entre les policiers et la poignée de manifestants déclarés « illégaux ».

Rappelons le contexte législatif : depuis le « Printemps érable », en cas de non-remise d’un itinéraire à la police, toute manifestation est considérée comme illégale à Québec, la ville ayant modifié son règlement municipal en 2012[xiv]. Sur le même enjeu d’itinéraire à Montréal, la croisade d’Anarchopanda contre le règlement P-6 porte fruit, la Cour d’appel ayant invalidé l’article 2.1 de P-6 en mars dernier[xv], s’appuyant sur l’argument du jugement de 2016 de la Cour supérieure concernant l’article 3.2 (sur l’obligation de manifester à visage découvert) : « parce que de portée excessive, étant déraisonnable et arbitraire au sens du droit administratif et inconstitutionnel parce que portant atteinte aux libertés d’expression et de réunion de manière injustifiée »[xvi]. L’administration Plante appuie cette décision, et il est envisageable que la ville de Québec soit confrontée à la jurisprudence.

Le rapport des 3 observateurs mandatés par le gouvernement Couillard pour ce G7 2018, tout juste publié (2 août), fait d’ailleurs état d’un « très faible nombre de manifestants », encadré de manière disproportionnée et injustifiée par un « dispositif hypersécuritaire » (on évoque la « militarisation » du travail policier), venant rompre l’équilibre entre « les impératifs de sécurité et la jouissance des droits fondamentaux » d’une société libre et démocratique[xvii]. Amnistie internationale et la Ligue des droits et libertés ont dépêché ensemble plus de 40 observatrices et observateurs ; leur bilan préliminaire fait mention d’un « climat de peur »[xviii], et un rapport est attendu incessamment.

La crainte de perturbations et de confrontations était donc légitime et bien réelle à Québec, la hantise du Sommet des Amériques aidant, mais elle fut sans doute exagérée par les nombreux reportages lui étant consacrés. En effet, une autre chasse était perceptible chez les médias en quête de sensations fortes — la chasse aux images, orientée de questions graves et insistantes. Le ton est familier, presque banal : c’est celui de la campagne de peur ou de l’éloge du sécuritaire. Mais ce fut si tranquille à Québec que les journalistes attitrés aux manifs semblaient déçus, car ils devaient livrer la nouvelle malgré tout, avec si peu.

Alex, propriétaire de l’Épicerie Scott, située à quelques pas de la rue Saint-Jean à Québec, fut interviewé en mai pour un reportage de TVA prédisant une « ruée vers les masques à gaz »[xix]. Le journaliste aurait insisté pour savoir si Alex avait peur que ça dégénère, mais ce dernier lui aurait calmement répondu non, car tout comme d’autres résidents, il sentait que rien n’allait se passer cette fois-ci. « J’suis pas stupide, j’ai déjà fait du marketing », ironise-t-il, lui qui n’en est pas à sa première expérience avec les médias. Agacé, il avoue s’être résigné à céder un oui timide en entrevue : « C’est sûr qu’on sait jamais. C’est la seule fois où j’ai exprimé un mini doute... et c’est la seule chose qu’on m’entend dire ! »

En avril 2017, s’étant déplacé pour une histoire de pétition d’expropriation[xx], Alex fut appelé à témoigner aux différents médias présents, et dit y avoir subi le même stratagème, comparable à de la vente sous pression. « Le but est de faire dire oui au client. » La journaliste de TVA lui aurait d’ailleurs suggéré de gesticuler durant l’interview, pour les besoins de la télé. Seulement, peut-être fut-il jugé trop tranquille et posé cette fois, car il confirme avoir été coupé au montage.

Commerces barricadés sur la rue Saint-Jean à QuébecCommerces barricadés sur la rue Saint-Jean à QuébecCommerces barricadés sur la rue Saint-Jean à QuébecCommerces barricadés sur la rue Saint-Jean à Québec

Quelques autres commerçants ont tout de même choisi, dans l’incertitude face aux tergiversations gouvernementales sur les garanties en cas de dommage, de barricader leur commerce préventivement (photos).

 

Roger Rashi, de l’organisme Alternatives

 
Une grande manif plutôt modeste

C’est donc à Québec, le 9 juin après 15 h, qu’a eu lieu pacifiquement la plus grande manifestation de ce G7. Or, celle-ci ne rassemblait que 1 000 à 3 000 manifestant·e·s environ[xxi], et elle fut suivie de très près par l’antiémeute. Roger Rashi, de l’organisme Alternatives — l’un des groupes organisateurs, unis pour l’occasion en une Coalition pour un Forum Alternatif au G7[xxii], ralliant syndicats, groupes citoyens et communautaires —, s’explique ainsi :

« Je pense que le contexte de peur et d’intimidation en général a fait que les manifs étaient relativement moins nombreuses qu’elles auraient dû être. (...) [Deuxièmement,] je pense que le fait qu’il n’y a pas eu de désordre particulièrement grave ni jeudi ni vendredi a fait en sorte que plus de gens sortent aujourd’hui. Puis aussi, le fait qu’on a clairement dit que cette manif allait être une manif pacifique, unitaire, et que nous voulions avoir un volet d’éducation populaire et non pas de confrontation directe avec la police, je pense que ça aussi ça a cadré les choses un peu. »

Des policiers de l'escouade antiémeute descendent d'autobus de locationManifestation du 9 juin à Québec, surveillée de près par l’antiémeuteManifestation du 9 juin à Québec, surveillée de près par l’antiémeuteManifestation du 9 juin à Québec, surveillée de près par l’antiémeute

M. Rashi poursuit son analyse : « Les protestations et les mouvements sociaux semblent se concentrer de plus en plus sur le cap national. Macron arrive de France, tout le mois de mai a été parsemé de multiples manifestations en France contre ses politiques d’austérité. » Les mouvements sociaux, pense-t-il, sont ponctués de cycles, et en guise d’exemples, il cite les manifestations en Espagne qui durent depuis des années, et la récente mobilisation au Brésil contre l’emprisonnement de Lula. L’administrateur d’Alternatives et membre fondateur de Québec solidaire a l’intuition que les prochaines années seront à suivre :

« Y’a toute une jeunesse depuis 2007-2008, depuis la crise financière, qui a pâti sérieusement de la crise. (...) En fait, l’arrivée de Trump a remobilisé une gauche américaine et une gauche sociale et une gauche politique et je pense que l’on commence à voir le résultat. (...) Je parlais avec des gens un peu partout aux États-Unis, puis y’a des résistances au niveau des municipalités, au niveau des États, au niveau des universités, au niveau des communautés. Elles sont éparses, mais elles gagnent en puissance. Mais là on rentre dans la question du rapport de force relatif. »

Manifestation du 9 juin à Québec, près du ParlementManifestation du 9 juin à Québec, près du ParlementManifestation du 9 juin à Québec, près du Parlement

* * *

Conclusion

Comme plusieurs commentateurs l’ont fait remarquer, il est plausible que le mouvement altermondialiste délaisse le G7 pour se réorienter vers sa version élargie du G20. Les raisons sont simples : les G20 prennent encore place dans de grandes villes, et ces réunions gagnent en influence, surtout depuis que les chefs d’État y participent (2008 à Washington, en pleine crise financière), en plus d’inclure aujourd’hui des puissances émergentes incontournables telles la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil, l’Arabie Saoudite et la Turquie, notamment.

N’en demeure pas moins que les discussions et décisions prises à huis clos lors des G7/G8 sur les sujets d’environnement, d’économie, de politique et de diplomatie sont dignes d’intérêt planétaire — même si les ententes ne sont pas contraignantes juridiquement, comme le soulignait au passage Marc Semo du journal Le Monde dans sa question au président français lors de sa conférence de clôture, qui le confirma à demi-mot dans une longue défense du travail de l’institution :

Emmanuel Macron, conférence de clôture du Sommet, 9 juin 2018, La Malbaie

 
« (...) il faut aussi être réaliste. Ce sont des déclarations, j’attends de voir les actes qui viennent. (...) même s’il est non contraignant, [on a] eu une discussion et cosigné un texte. Ce ne sont pas les prédécesseurs qui l’ont signé ; nous avons cosigné un texte qui reconnaît l’existence de règles commerciales internationales, l’importance de les moderniser, mais notre engagement pour avoir un commerce juste, et nous coordonner. Donc je veux bien [qu’on] décide dans quelques semaines de faire le contraire de [ce qu’on] vient de déclarer ensemble aujourd’hui, mais, si on croit quelque peu que ce soit à la crédibilité de la parole publique et de nos engagements, même si ce n’est pas juridiquement contraignant, c’est une avancée et ça a une valeur. Et donc je pense que dans cette stratégie de tenir tout le monde ensemble, d’essayer, dans des moments où il peut y avoir des divergences, de recréer de la convergence, c’est utile. »

— Emmanuel Macron

Conférence de clôture du Sommet
9 juin 2018, La Malbaie

Seulement, quelle valeur donner au premier G7 où, quelques heures plus tard, le président américain annonce qu’il retire son appui à la déclaration commune via Twitter, en regardant la télévision à bord de son avion, parti expressément vers Singapour en quête d’un accord nucléaire avec Kim Jong-un ?[xxiii] Isolé, boudant le système international, Trump a-t-il donné raison aux journaux titrant « G6 + 1 » ? Avons-nous assisté à Charlevoix au dernier G7 de l’histoire ? Pour tenter de répondre à ces questions, L’Esprit libre prépare une analyse du contenu de ce G7 2018 de Charlevoix et de ses répercussions sur les scènes nationale et mondiale.

Au final, ce G7 laisse sur un sentiment d’inquiétante étrangeté, le même vécu à La Malbaie. Comme si l’obsession sécuritaire était maintenant coutume pour ce genre d’événement, et que le retrait provisoire des droits fondamentaux devenait banal ou ordinaire, ne soulevant plus l’ire de la multitude. En silence, les gardes dressées, la défense latente, avec ce bruit d’hélicoptère sourd, mais strident... le calme avant la tempête ?

[i] William F. Morneau, « Égalité + croissance. Une classe moyenne forte » (Budget 2018), Ministère des Finances du Canada, 27 février 2018 ; Michel Girard, « La grosse facture du G7 de la Malbaie », Le Journal de Montréal, 27 février 2018 ; Kevin Nielsen, "Taxpayers to shell out $605M for G7 meeting", Global News, 28 février 2018.

[ii] La Presse canadienne, « Plus de 8000 policiers seront déployés pour le G7 de La Malbaie », La Presse, 16 mai 2018.

[iii] Voir le tableau comparatif « Coût total de quelques G7/G8/G20 et du Sommet des Amériques », selon les données de John Kirton & al., "G8 and G20 Summit Costs", Munk School of Global Affairs, Université de Toronto, 5 juillet 2010 (de 1981 à 2010), et les données publiques disponibles (2011 à 2018).

[iv] Baptiste Ricard-Châtelain, « G7 : le cellulaire partout de Québec à La Malbaie à Saguenay », Le Soleil, 15 janvier 2018.

[v] Stéphanie Gendron, « Des militaires au Kamouraska en raison du G7 », Le Placoteux, 25 mai 2018 ; Julie Tremblay, « Des camps militaires dans le Kamouraska en marge du G7 », Radio-Canada, 3 juin 2018 ; Carl Vaillancourt, « G7 : La surveillance s’étend jusqu’à Rivière-du-Loup », TVA CIMT-CHAU, 5 juin 2018.

[vi] Baptiste Ricard-Châtelain, « Des VUS Suburban livrés par dizaines pour le G7 », Le Soleil, 9 mars 2018.

[vii] Marc-Antoine Lavoie, « Un moine japonais marche plus de 400 kilomètres pour se rendre au G7 », Radio-Canada, 30 mai 2018 ; Émilie Desgagnés, « Accueil grandiose pour Toyoshige Sekigushi », CIHO FM, 6 juin 2018.

[viii] Images et documentaires disponibles sur Youtube.

[ix] Eric Jozsef, « G8 à Gênes : des manifestants ont été torturés, admet le chef de la police italienne », Libération, 20 juillet 2017.

[x] Giorgio Agamben, « Comment l’obsession sécuritaire fait muter la démocratie », Le Monde diplomatique, janvier 2014.

[xi] Dominique Lelièvre, « G7 : des citoyens de La Malbaie ne reconnaissent plus leur ville », Le Journal de Québec, 3 juin 2018 ; Marie-Maude Pontbriand, « Une première manifestation anti-G7 timide dans Charlevoix », Radio-Canada, 3 juin 2018.

[xii] Isabelle Porter, « Manifestations en tous genres à La Malbaie », Le Devoir, 9 juin 2018 ; Roxane Simard, « G7 : des Vietnamiens manifestent à La Malbaie pour l'environnement », Radio-Canada, 9 juin 2018.

[xiii] Gabriel Béland, « G7 : à La Malbaie, cinq clôtures pour un manifestant », La Presse, 9 juin 2018 ; Arnaud Koenig-Soutière, « Des Vietnamiens manifestent à La Malbaie en marge du G7 », TVA Nouvelles, 9 juin 2018.

[xiv] Ville de Québec, « Règlement sur la paix et le bon ordre, R.V.Q. 1091 ».

[xv] Cour d’appel du Québec, « Villeneuve c. Ville de Montréal, 2018 QCCA 321 », 2 mars 2018.

[xvi] Cour supérieure du Québec, « Villeneuve c. Montréal (Ville de), 2016 QCCS 2888 », 22 juin 2016.

[xvii] Louis-Philippe Lampron, Christine Vézina & Mario Bilodeau, « Rapport d’observation des mesures de sécurité déployées au Québec dans le cadre des activités citoyennes entourant la tenue du G7 à La Malbaie », Ministère de la Sécurité publique du Québec, 24 juillet 2018.

[xviii] Amnistie Internationale & la Ligue des droits et libertés, « Bilan préliminaire de la mission d’observation : Un G7 entre peur et intimidation », 10 juin 2018.

[xix] Josée Laganière, « Sommet du G7 : ruée vers les masques à gaz », TVA Nouvelles, 18 mai 2018.

[xx] Valérie Chouinard, « L’expropriation de la boucherie W.E. Bégin réclamée », TVA Nouvelles, 13 avril 2017.

[xxi] « Une dernière manifestation anti-G7 à Québec », Radio-Canada, 9 juin 2018 ; Kevin Ouellet, « Ensemble contre le G7, malgré l’omniprésence policière », Droit de parole, 10 juin 2018 ; Louis-Philippe Lampron, Christine Vézina & Mario Bilodeau, op. cit., 24 juillet 2018.

[xxii] Coalition pour un Forum Alternatif au G7.

[xxiii] Michael D. Shear & Catherine Porter, "Trump Refuses to Sign G-7 Statement and Calls Trudeau ‘Weak’", The New York Times, 9 juin 2018 ; Tonda MacCharles, "Trump drops bombshell after leaving G7 summit, accusing Trudeau of ‘false statements", The Star, 9 juin 2018 ; Le Monde.fr avec AFP, « Sommet du G7 : Trump retire son soutien au communiqué commun sur le commerce », Le Monde, 9 juin 2018.

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