Expansion mercantile et poursuite de la dépossession

International
Expansion mercantile et poursuite de la dépossession
Analyses
| par La Rédaction |

Par Yani Vallejo Duque[1], Alfonso Insuasty[2], Daniel Ruiz Bracamonte[3]

Traduction d’Alexandre Dubé-Belzile

Cet article a été publié par nos partenaires de Colombie, la revue Kalivando. 

Le deuxième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) affirme que la catastrophe est déjà inévitable. Il faut maintenant, de toute urgence, nous efforcer d’en minimiser les répercussions[4]. L’influence néfaste des grandes entreprises sur les modes de fonctionnement démocratiques est accentuée et d’autant plus percutante dans la manière dont elle consolide non seulement le pouvoir d’une minorité[5], mais aussi dans la manière dont elle fait obstacle ou retarde les transformations essentielles qui nous permettraient de vraiment prendre soin de la planète et de la vie. Cela nous éclaire sur l’affirmation sans équivoque du GIEC[6], selon laquelle, même face aux avertissements, les gouvernements n’ont rien fait. Ils n’ont pas pris les mesures les plus fondamentales à la prévention de la crise ou à tout le moins, les mesures nécessaires pour en minimiser les conséquences[7].

Sans aucun doute, aujourd’hui plus que jamais, la Terre joue un rôle de premier plan, actrice elle-même à part entière dans des aspects de ce monde qui dépassent toute logique, qu’elle soit diplomatique, issue des us et coutumes occidentaux ou autre. La planète vibre, prend parti en tant que sujet politique, fait pression sur les gouvernements de par le monde et nous permet en même temps de constater l’urgence d’un changement de culture et de valeurs pour les habitant·e·s submergé·e·s par la logique du capital.

La catastrophe

L’Organisation météorologique mondiale (OMM) nous prévient que, actuellement, plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à de l’eau potable et que le problème devrait s’exacerber dans les années à venir[8]. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), (2022), le nombre de personnes souffrant de l’insécurité alimentaire et de la faim dans le monde augmente aussi rapidement[9]. Il convient de noter que l’Organisation des Nations Unies (ONU) prévoit que, d’ici 2050, il y aura plus de 9 milliards d’habitant·e·s, dont 70 % vivront dans des villes, adoptant un modèle de consommation intenable[10]. Selon le World Wildlife Fund (WWF)[11], ce modèle de société capitaliste a dévoré des ressources irrécupérables en limitant l’espace de la biodiversité. Au cours des 50 dernières années, la population de mammifères, d’oiseaux, de poissons, de reptiles et d’amphibiens a diminué de 68 % en moyenne. Les données sur l’Amérique latine sont d’autant plus troublantes, car elles font état d’une réduction de 94 %.

Malgré ces faits alarmants, les discussions des récents sommets de la COP26 (Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de Glasgow) et de Davos (Réunion Annuelle du Forum Économique Mondial) font surtout états de préoccupations relatives à la réactivation de l’économie dans le cadre du modèle capitaliste et à l’endiguement de la contestation de plus en plus importante qui résulte d’un mécontentement général[12]. Les solutions sont de plus en plus hors d’atteinte. Quelle que soit la voie que peut sembler emprunter l’humanité, les changements essentiels ne sont pas en vue[13]. Les pays développés et les grandes entreprises voient plutôt cette tragédie climatique comme une possibilité de faire des affaires, ce qui n’entraîne qu’une révision de la réglementation des institutions, simplement pour pouvoir retarder la dilapidation totale des ressources, tout en offrant un discours plus écologiste.

De plus, le conflit en Ukraine qui s’est amorcé au début de 2022 accélère et met en péril les faibles progrès réalisés par les pays de l’Union européenne par rapport aux accords de Paris et, au contraire, nous fait courir le risque de revenir en arrière par rapport aux gains réalisés en matière de politiques, et ce, en raison de la dépendance indubitable et accentuée au gaz, au pétrole et à ses dérivés. Dans un même ordre d’idées, on constate, entre autres, l’augmentation de la demande de charbon[14], qui entraînera sans aucun doute une augmentation des émissions mondiales de CO2. Les grandes entreprises et les pays développés qui les protègent ne réparent toujours pas les dégâts qui résultent de leurs activités et ne comprennent pas la gravité de l’état actuel de la planète.

L’expansion de l’extractivisme

Les tenant·e·s du modèle économique actuel reniflent déjà les dernières réserves naturelles de la planète où ielles pourront continuer de mener leurs activités, parmi lesquelles les forêts primaires et les terres disponibles et productives du poumon de la planète, l’Amazonie. Le synode sur l’Amazonie a affirmé : « la forêt amazonienne est un “cœur biologique” pour la terre de plus en plus menacée [...] Il est scientifiquement prouvé que la disparition du biome amazonien aura un impact catastrophique pour toute la planète! »[15] Ce biome important contient plus d’un tiers des réserves de forêts primaires du monde et constitue l’une des plus grandes réserves de biodiversité, contenant notamment 20 % de l’eau douce non gelée de la planète[16]. Aussi, 410 peuples autochtones coexistent dans les 8 470 209 km2 de l’Amazonie[17].

Face à l’incompétence fonctionnelle des États et à la protection à tout prix de l’avancée perverse des grandes entreprises, les communautés autochtones, paysannes, afro-américaines et les organisations populaires ont décidé de confronter les activités dévastatrices du capital, donnant ainsi lieu aux luttes de première ligne, ce qui les expose aussi aux agressions du système de mort qu’elles affrontent. La militarisation, la stigmatisation, la criminalisation et l’extermination sont les réactions qu’entraîne la défense de leurs justes causes. Le Brésil, la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Pérou, le Venezuela, le Suriname, la Guyane et la Guyane française sont des pays qui ont une relation directe avec l’Amazonie.

Entre 2017 et 2020, en Amazonie, sur les territoires de la Bolivie, de la Colombie, de l’Équateur et du Pérou, plus de deux millions d’hectares de forêts primaires ont été perdus. En 2020, la plus forte augmentation a été enregistrée, avec plus de 500 000 hectares déforestés. Depuis, 76 % des brûlages ont été enregistrés dans des zones non protégées du bassin, tandis que les 24 % restants ont eu lieu dans des territoires autochtones et des zones protégées[18]. Un total de 13 235 km2 a été déboisé en Amazonie brésilienne entre avril 2020 et avril 2021, le pire chiffre depuis 15 ans enregistré par l’Institut de l’homme et de l’environnement d’Amazonie (Instituto do Homem e Meio Ambiente da Amazônia). En avril 2022, le système d’alerte à la déforestation (DAS), qui fait partie de l’Institut, a fait état d’une augmentation de 54 % du phénomène[19]. Dans une large mesure, la combustion de cette biomasse est associée à la pénétration de l’élevage, de l’agriculture extensive et de l’exploitation minière.

Colombie

La Colombie se classe au sixième rang mondial en matière de déforestation de la forêt primaire[20]. Selon les chiffres mondiaux, les forêts tropicales ont perdu 11,1 millions d’hectares en 2021, dont 3,75 millions dans les forêts tropicales primaires. La Colombie occupe la première place en ce qui a trait à l’avancement de la déforestation en Amazonie. De grands incendies ont été enregistrés à l’intérieur du parc national de Chiribiquete avec plus de 6 000 hectares brûlés depuis 2018, dont 2 000 hectares entre septembre 2021 et février 2022.[21]

Enfin, les groupes qui luttent contre les changements climatiques y sont perçus comme nuisible : « [celles et] ceux qui défendent à juste titre la vie dans un environnement sain font l’objet de menaces, de harcèlement et d’assassinats [...] les progrès de la technologie et de la science ne semblent pas être utilisés pour adopter des politiques, des plans ou des actions qui visent le développement durable. Au contraire, ces progrès se font dans un esprit de développement négligent, corrosif et excluant »[22].

La poursuite de la dépossession

Parallèlement, la machinerie extractiviste agricole et industrielle, dont celle de l’huile de palme, poursuit son cours, continue son expansion, avec ses effets néfastes, et ce, avec le soutien de l’État. Le 27 mars 2022, le gouvernement d’Iván Duque, par l’intermédiaire de l’Autorité nationale des licences environnementales (Autoridad Nacional de Licencias Ambientales-ANLA), a annoncé qu’un permis d’exploitation avait été accordé pour le développement du premier projet pilote de fracturation, appelé Kalé, qu’Ecopetrol a l’intention de réaliser dans la municipalité de Puerto Wilches, dans le département de Santander[23]

Pour sa part, le gouvernement national a ignoré l’arrêt de la Cour suprême de justice qui protège les droits à la santé, à l’eau et à la sécurité alimentaire des communautés autochtones de La Guajira, ignorant les risques encourus par le détournement du ruisseau Bruno, qu’elle a autorisé en faveur des multinationales Glencore et Angloamerican.

« Se moquant de l’arrêt SU 698 de 2017 de la Cour constitutionnelle, les institutions gouvernementales ont annoncé leur décision d’entériner la destruction du cours naturel du ruisseau Bruno, au sud de La Guajira. Cette décision du gouvernement a été motivée par étude falsifiée, inadéquate tant sur le plan technique que scientifique, sans rigueur et dont données proviennent principalement de l’entreprise étrangère Carbones del Cerrejón, qui n’a pas bénéficié d’une participation réelle des communautés Wayuu de Paradero et de La Gran Parada qui faisaient pression n’a pas été validée par les technnicien·ne s impliqué·e·s ou fait l’objet d’un contrôle judiciaire »[24].

Le gouvernement a annoncé des mesures visant à faciliter l’accès et l’exploitation minière dans les localités d’El Roble et de Volador pour les sociétés canadiennes Atico Mining et Rugby Mining, ainsi que Mandé Norte, filiale de la société étatsunienne Muriel Mining Corporation, et Minera Cobre. De même, les projets à grande échelle de la multinationale Anglo Gold Ashanti et de la société Minerales Córdoba à Quebradona et dans les départements de Putumayo et de Nariño sont situés dans ce qu’on appelle la ceinture de cuivre du Pacifique, qui s’étend du Chili au Panama. On y trouve aussi du lithium, un minéral crucial pour la transition énergétique[25].

La situation est la même pour l’exploitation du charbon, et ce, en réponse à la demande à l’échelle mondiale. Or, les communautés racisées, paysannes, afrocolombiennes, les écologistes actif·ve·s au sein des centres urbains, les artistes, les éducateur·trice·s, les chercheur·e·s qui assument leur responsabilité écosociale ont articulé des demandes et mené des luttes acharnées, ont réussi à réaliser des gains en matière de territoires, ont fait avancer des projets de lois, ont fait suspendre des projets extractivistes, mais ielles sont, en conséquence, victime de persécution, de criminalisation et d’assassinats. L’unité d’enquête et d’accusation de la juridiction spéciale pour la paix (Unidad de Investigación y Acusación de la Jurisdicción Especial para la Paz) a publié une alerte au regard de l’augmentation des menaces de mort contre les militant·e·s écologistes à Santander, le département où la plupart des menaces ont été proférées contre des personnes qui « s’opposent publiquement à des projets d’extraction pétrolière ou minière ». Selon le rapport, au cours des 18 derniers mois, neuf de ces militant·e·s ont été tué·e·s à Puerto Wilches[26].

Un nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir en Colombie. En effet, Gustavo Petro a pris les rênes du pays en octobre 2022. De profonds changements sont attendus, mais le paramilitarisme prends de l’expansion dans les territoires et les mégaprojets miniers et énergétiques, l’élevage extensif et l’agriculture industrielle, notamment l’huile de palme, sont en pleine expansion. Il reste à voir si le nouveau gouvernement apportera vraiment les changements espérés.

 

CRÉDIT PHOTO: Pixabay/ Turiano L P Neto

[1] Avocat, spécialiste et maître en droit de la procédure pénale, défenseur public et chercheur du groupe Kavilando.

[2] Professeur de recherche à l’Université de San Buenaventura, Medellín, et membre du réseau interuniversitaire pour la paix et membre du groupe Kavilando.

[3] Chercheur pour le groupe Kavilando et l’agence Colombia Informa.

[4] Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), Rapport de 2021, https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/

[5] OXFAM, Democracias Capturadas: el gobierno de unos pocos. Bruxelles : Oxfam, 2019, récupéré sur https://www.oxfam.org/es/informes/democracias-capturadas-el-gobierno-de-unos-pocos (consulté le 30 janvier 2023)

[6] Op. Cit., note 5.

[7] Organisation des Nations unies (ONU), « Los líderes mundiales han fracasado en su batalla contra el cambio climático, según un informe de la ONU », 20 février 2022, récupéré sur https://news.un.org/es/story/2022/02/1504702 (consulté le 30 janvier 2023)

[8] Organisation météorologique mondiale (OMM), « La Coalición para el Agua y el Clima pide medidas urgentes para proteger a las personas », 9 mars 2022, récupéré sur https://www.iagua.es/noticias/organizacion-meteorologica-mundial/coalicion-agua-y-clima-pide-medidas-urgentes-proteger (consulté le 30 janvier 2023)

[9] Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Informe Global sobre Crisis Alimentarias 2022, récupéré sur  https://eacnur.org/es/actualidad/noticias/inseguridad-alimentaria-hambre-2022#:~:text=Informe%20Global%20sobre%20Crisis%20Alimentarias%202022 (consulté le 30 janvier 2023)

[10] ONU, « Las ciudades seguirán creciendo, sobre todo en los países en desarrollo », 2018, récupéré sur  https://www.un.org/development/desa/es/news/population/2018-world-urbanization-prospects.html (consulté le 30 janvier 2023)

[11] World Wildlife Fund (WWF), Informe Planeta Vivo 2020. Revertir la curva de la pérdida de la biodiversidad, récupéré sur https://wwfeu.awsassets.panda.org/downloads/lpr20_full_report.pdf (consulté le 30 janvier 2023)

[12] Alfonso Insuasty Rodríguez et Gustavo Muñoz Gaviria, « Disputas por el territorio, tensiones entre la guerra y la paz », 30 novembre 2021, récupéré sur https://www.biodiversidadla.org/Documentos/Disputas-por-el-territorio-tensiones-entre-la-guerra-y-la-paz (consulté le 30 janvier 2023)

[13] Convida20, « Los poderes globales no apuntan sus decisiones a la satisfacción de necesidades humanas ni el cuidado de la Casa Común », 28 mars 2022, récupéré sur https://kavilando.org/lineas-kavilando/territorio-y-despojo/9014-los-poderes-globales-no-apuntan-sus-decisiones-a-la-satisfaccion-de-necesidades-humanas-ni-el-cuidado-de-la-casa-comun (consulté le 30 janvier 2023)

[14] Prensa Latina, « Demanda mundial de carbón alcanzará récord en 2022 », récupéré sur https://www.prensa-latina.cu/2022/12/23/demanda-mundial-de-carbon-alcanzara-record-en-2022 (consulté le 30 janvier 2023)

[15] « … la selva amazónica es un “corazón biológico” para la tierra cada vez más amenazada (…) ¡Está comprobado científicamente que la desaparición del bioma Amazónico tendrá un impacto catastrófico para el conjunto del planeta! …» Source : Secretaría General del Sínodo de los Obispos, Documento Preparatorio del Sínodo para la Amazonía, récupéré sur http://secretariat.synod.va/content/sinodoamazonico/es/documentos/documento-preparatorio-para-el-sinodo-sobre-la-amazonia.html  (30 janvier 2023)

[16] AIDA, « Pronunciamiento de AIDA ante la crisis en la Amazonía », 22 août 2019, récupéré sur https://aida-americas.org/es/prensa/pronunciamiento-de-aida-ante-la-crisis-en-la-amazonia (30 janvier 2023)

[17] Red Información Socioambiental Georreferenciada (RAISG). Atlas Amazonía Bajo Presión, 2020.

[18] Monitoring of the Andean Amazon Project (MAPP), « La deforestación grave continúa dentro el Parque Nacional Chiribiquete », 2020, récupéré sur https://www.maaproject.org/2022/chiribiquete-colombia-2022/ (30 janvier 2023)

 

[19] Instituto do Homem e Meio Ambiente da Amazônia (IMAZON), « Desmatamento na amazonia cresce 54 e atinge pior abril dos últimos 15-anos », 2022, récupéré sur : https://imazon.org.br/imprensa/desmatamento-na-amazonia-cresce-54-e-atinge-pior-abril-dos-ultimos-15-anos/ (30 janvier 2023)

[20] World Resource Institute (WRI), Forest Pulse: The Latest on the World’s Forests, 2022, récupéré sur  https://research.wri.org/gfr/latest-analysis-deforestation-trends (30 janvier 2023)

[21] Op. cit., note 16.

[22] Red Eclesial Panamazónica (REPAM), « Introducción del 2º Informe sobre la Vulneración de los DDHH en la Amazonía », p. 8.

[23] Compromiso. (2022). « Rechazamos la aprobación de primer proyecto piloto de fracking en Colombia, en un contexto de amenazas contra líderes, lideresas ambientales y el territorio », récupéré sur  https://r.search.yahoo.com/_ylt=AwrFeFOM.9Zj0zkLOSqrcgx.;_ylu=Y29sbwNiZjEEcG9zAzIEdnRpZAMEc2VjA3Ny/RV=2/RE=1675062284/RO=10/RU=https%3a%2f%2fddhhcolombia.org.co%2fwp-content%2fuploads%2f2022%2f03%2fComunicado-rechazo-pilotos-fracking-en-Santander-2.pdf/RK=2/RS=TorofNaBmCWdw42R5BM3hf6QuEw- (30 janvier 2023)

[24] Prensa CAJAR, « Alerta urgente: Gobierno avala la destrucción del arroyo Bruno », 17 avril 2022, récupéré sur https://www.colectivodeabogados.org/alerta-urgente-gobierno-avala-la-destruccion-del-arroyo-bruno/

[25] Portafolio, « Chocó marca el hito para la operación de cobre en el país », 7 février 2018, récupéré sur https://www.portafolio.co/negocios/choco-marca-el-hito-para-la-operacion-de-cobre-en-el-pais-514053

[26] La Silla Vacía, « Aún sin arrancar el fracking, la violencia se profundiza en puerto Wilches », 2022, récupéré sur https://www.lasillavacia.com/historias/silla-nacional/aun-sin-arrancar-e...

 

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