Entrevue avec Russell Diabo: Les années Harper chez les Premières Nations

Canada
Entrevue avec Russell Diabo: Les années Harper chez les Premières Nations
Entrevues
| par Marie-Claude Belzile |

Selon une majorité des représentants des Premières Nations, le gouvernement Harper a été défavorable à celles-ci, lesquelles ont accusé plusieurs chocs au niveau politique. Nous nous sommes entretenus avec Monsieur Russell Diabo, conseiller politique mohawk pour plusieurs Conseils de bande de l'Ouest et de l'Est de l'Ontario, afin qu'il nous explique comment ces dix années de règne des Conservateurs ont affecté leur situation au Canada.

Monsieur Diabo a été conseiller à l’Assemblée des Premières Nations pendant un certain temps dans les années 1980 et 1990, ainsi que pour plusieurs Conseils de bande en Colombie-Britannique de 1998 à 2001. 

Q. Qu’est-ce qui a été le « pire » durant cette dernière année pour les Premières Nations sous le gouvernement Harper?

R. Je pense que la pire chose que le gouvernement Harper ait fait aux Première Nations durant la dernière année a été d’introduire unilatéralement une politique provisoire (interprétation constitutionnelle) dans la section 35 [NDLT : de la Constitution canadienne] sur les revendications territoriales globales et d’autonomie. Cette politique provisoire introduit une notion de « réconciliation » avec les Premières Nations en proposant une position de négociation injuste et unidirectionnelle qui ne tient pas compte des instructions de la Cour suprême du Canada sur les décisions prises dans les cas Haida Delgamuukw (1) et Tsilhqot’in (2), qui établissent un cadre légal pour la reconnaissance et l’établissement des titres ancestraux et des droits autochtones ainsi qu’une procédure de consultation/d’accommodement jusqu’à ce que le droit autochtone ait été établi, soit à travers des négociations ou une décision de la Cour.

Q. Quels sont les principaux enjeux qui préoccupent les Première Nations durant la campagne électorale de 2015?

R. Pour les Premières Nations, il y a toute une variété d’enjeux dont il faut se préoccuper, des problèmes concernant des programmes et des services nécessaires pour améliorer les piètres conditions sociales et économiques [NDLT : des Premières Nations] comme l’éducation, le logement et les infrastructures en santé, à la reconnaissance des droits territoriaux et de l’autonomie, [NDLT : en passant par] une enquête sur les femmes et jeunes filles autochtones disparues ou assassinées. Lesquels sont tous inclus dans les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation (3).   

Q. Quels sont les principaux changements que vous souhaiteriez voir amenés par un nouveau gouvernement?

R. Je pense qu’il doit y avoir des changements structuraux fondamentaux au Canada pour corriger les effets de non seulement l’héritage des pensionnats indiens mais également du sous-développement et de la pauvreté des communautés des Premières Nations sous la Loi des Indiens, raciste et coloniale, dont se sert encore le gouvernement pour contrôler et gérer les Premières Nations jusqu’à ce que l’assimilation fasse son œuvre. Je suis d’avis que la Constitution doit être ré-ouverte pour reconnaître explicitement que l’autonomie est un droit intrinsèque aux Premières Nations et que les Premières Nations doivent être reconnues comme un ordre distinct de gouvernement au Canada.

Q. À quoi doit-on s’attendre si Harper remporte les élections?

R. Je suis d’accord avec le juge Murray Sinclair, président de la Commission de vérité et réconciliation, qui a récemment dit à l’Assemblée des Premières Nations que le Canada se dirige vers d’autres confrontations comme celle d’Oka si le Canada continue d’ignorer les droits ancestraux et issus de traités, ce qui a été l’approche du gouvernement Harper depuis les 10 dernières années. Donc, si Stephen Harper est à la tête du nouveau gouvernement après le 19 octobre, nous verrons vraisemblablement des conflits entre les Premières Nations et le Canada au sujet des projets d’extraction des ressources [naturelles], qui ont été largement développés sans que les Premières Nations aient été consultées ou aient donné leur accord.

Q. Pensez-vous que les Premières Nations sont plus impliquées en politique maintenant qu’auparavant?

R. J’observe qu’il y a définitivement plus de chefs et d’individus des Premières Nations militant pour le vote pour ces élections fédérales que ce que j’ai jamais vu à travers le Canada. Ceci semble être motivé par le mouvement « À bas les Conservateurs! », qui désire se débarrasser de Stephen Harper et de son Parti conservateur.

Q. Quel message aimeriez-vous transmettre aux Canadiens à propos des Premières Nations et de leur place dans la sphère politique?

R. Je crois que, à l’approche du 150e anniversaire de la Confédération canadienne, en 2017, c’est le moment pour les gouvernements canadiens (fédéraux et provinciaux) et la société canadienne de reconnaître leur histoire raciste et coloniale et ses effets sur les Premières Nations, sinon il y aura peu de choses à célébrer pour les Premières Nations, et la réconciliation entre le Canada et les Premières Nations ne sera probablement pas près de se produire.               

 

Traduit de l'anglais par Émilie Larson Houle

 

Ajouter un commentaire