Avant les préjugés, les droits des femmes portant le voile

Matteo Paganelli, Unsplash.
Société
Avant les préjugés, les droits des femmes portant le voile
| par Anonyme |

 

Cet article a été écrit par Isabelle Grondin-Hernandez. 

La discrimination vécue au quotidien par des Québécoises, intrinsèquement liée à une méconnaissance culturelle, nous montre l’importance du dialogue afin de construire un monde plus juste. Sans quoi, par des déductions erronées, les uns discriminent les autres sur un fond de racisme culturel¹. Parlons du voile pour ce qu’il est : un symbole religieux et identitaire auquel l’on accorde trop d’attention. Parlons d’une société valorisant le vivre ensemble plutôt que la division se basant sur la différence entre individus.

Accepter la diversité religieuse constitue encore un grand défi pour certain.e.s Québécois·e·s, dont plusieurs associent la laïcité personnelle à la laïcité étatique. Des propos tenus par une Québécoise à ce sujet vous éclaireront certainement sur l’enjeu. Par le biais d’une implication en participation citoyenne, j’ai rencontré Meriem. Cette chronique vient raconter son point de vue accompagné de réflexions de mon cru. Il ne se veut pas objectif, puisqu’issu d’un vécu : celui de la femme que vous rencontrerez brièvement dans cet écrit. Allons-y. Meriem est une étudiante dans le domaine de la santé se passionnant pour la photographie ainsi que l’implication communautaire. Quel est l’objet de la discrimination qu’elle vit? Le voile couvrant ses cheveux, qu’elle a elle-même choisi de porter pour des raisons qui seront abordées plus bas.

Une discrimination « qui commence dans la rue »

Alors qu’on nous parle des bénéfices de la loi 21 sur la laïcité de l’État de notre province, on désigne le religieux comme son contraire. Or, c’est la religion comme influence dans les décisions étatiques qu’il faut opposer à la laïcité. Alors qu’on fait l’erreur de s’inquiéter de la pratique personnelle de la religion musulmane pour l’état québécois, des femmes en sont victimes. Elles subissent la perpétuation des préjugés à leur égard et à celui du tissu qui couvre leurs cheveux : le voile ou hijab. Les autorités politiques placent un combat théorique avant la liberté de pratique religieuse de ces personnes. Il importe de préciser ici que ce sont majoritairement des hommes² (cisgenre) qui votent une interdiction touchant des femmes (majoritairement cisgenre).

Sans aller dans les détails de ses expériences vécues et de celles qui ont été racontées à Meriem, en discutant avec elle, je comprends que c’est assez commun dans sa communauté d’attirer involontairement une attention négative autour de son voile. « Des fois, tu reçois des regards de travers, des remarques déplacées et ça peut même aller plus loin avec des agressions physiques ou verbales. C’est pas quelque chose qui est rare, même si on voit pas vraiment ça dans les médias » Banaliser ces micro-agressions en ne les dénonçant pas sur la sphère publique, comme ce qui est le cas présentement, signifie de les permettre et de les valider. De la discrimination vécue au quotidien, ces femmes « en parle[nt] beaucoup » entre elles. Celle-ci « marque » et « laisse un impact ». Meriem décrit le contexte pointant du doigt son voile comme « déstabilisant ». On ne respecte pas son droit de s’habiller comme elle le veut et on stigmatise le tissu qui couvre ses cheveux de façon injuste et inutile. Pourquoi le hijab dérange-t-il autant? Pourquoi ne pas revoir notre rapport à la différence? Je suis d’avis que la remise en question de ses croyances personnelles accompagnée d’écoute permet l’ouverture nécessaire à l’acceptation de la différence. Surtout, lorsque cette différence a été stigmatisée en donnant la voix aux mauvaises personnes au sein des médias traditionnels par exemple.

De la compréhension pour l’incompréhension

Selon Meriem, les interrogations à l’égard de son voile sont quand même justifiées. « Je me dis que peut-être que c’est difficile... Si par exemple tu [ne] sais pas pourquoi une femme musulmane le porte, c’est un peu [...] difficile [à] concevoir [...] Pourquoi une femme voudrait elle-même décider de se couvrir à tous les jours à l’extérieur? » Plusieurs restent dans le jugement de l’autre en assumant les raisons pour lesquelles des femmes portent le voile. La présomption commune que j’entends est celle de la femme soumise. À celle-ci, Meriem répond :« Mais non, je pense, je réfléchis, je suis libre, je fais mes recherches, je suis capable de fonder ma vie sur des valeurs qui me sont propres! » « Vous pensez que l’on me l’impose chez moi, mais quand je sors vous m’imposer de l’enlever [le voile] pour devenir prof [...] » Ne trouvez-vous pas que cela évoque bien une peur de l’autre? De peur d’interroger, on ne trouve pas de réponses, alors on s’en imagine. Une remise en question personnelle de notre rapport aux autres semble être de mise. Accorder autant d’importance à un choix personnel qui ne fait de mal à personne reflète des préjugés internalisés qu’il nous faut déconstruire.

Une réponse trop peu diffusée

Dans les médias, on ne permet pas à ces personnes, que l’on accuse de s’attaquer à la laïcité du Québec, d’expliquer leur situation. Pourtant, entendre le point de vue des femmes musulmanes portant le voile permettrait d’informer la population sur ce groupe ouvertement discriminé, notamment concernant la question de la laïcité. « Une femme qui décide de porter un voile ne signifie pas qu’elle veut convertir les autres femmes à ses idées, » affirme Meriem.

Celles qui le portent devraient être les premières à parler de cet accessoire faisant partie de leur quotidien. C'est pourquoi j’ai demandé à l'étudiante, pourquoi elle porte le voile? « À la base, je le fais parce que je suis convaincue que c’est ce qu’il faut que je fasse pour plaire à mon seigneur. C’est devenu une partie intégrante de mon identité. Je me verrais pas sans mon voile. Initialement, je l’avais mis tout simplement parce que la modestie c’est une valeur hyper importante dans l’islam autant pour l’homme que pour la femme. » Jamais je n’avais encore entendu parler de cette valeur alors que le voile était mentionné.

D’ailleurs, souligne l’étudiante, « Dans l’islam, tu ne peux pas convertir les gens. On croit au fait que c’est Dieu qui guide chaque personne et chaque personne doit s’occuper de ses affaires. » Voilà ce qui répond à la peur du hijab liée à l’ignorance à son sujet. En concluant notre discussion Meriem me mentionne l’importance qu’elle accorde à « ne pas avoir peur de demander [les questions qu’on se pose aux personnes concernées], quand même avec un certain tact » si on « ne comprend pas pourquoi il y a des femmes qui portent le voile » Bref, la meilleure solution est de dialoguer.

Les fondements de notre société dans tout cela

La lutte pour l’égalité entre hommes et femmes est un enjeu contemporain d’une grande importance à nos yeux : autant aux miens qu’à ceux de Meriem. Or, « c’est rendu que le contraire [(des pratiques associées à la libération de la femme, comme le fait de se découvrir)] n’est plus accepté parce qu’il représente le passé. Le fondement de la libération est oublié, » souligne Meriem. « Toutes les femmes sont différentes, ont une façon de penser, des envies différentes, » ajoute-t-elle. Laissons-les être. Leur liberté passe autant par leur choix de se couvrir que celui de se dévêtir. Être féministe quant à nous, c’est accepter cela.

La situation entourant la question du voile portée par certaines femmes musulmanes entraîne une polarité d'opinion. Est-ce qu’un vêtement issu d’un choix personnel devrait nous préoccuper autant? Non, et encore plus en ce qui concerne le discours majoritairement erroné l’entourant.

En tant que société, système fonctionnant grâce à ses membres, nous avons la responsabilité d’y inclure celles et ceux qui y contribuent. Ces femmes participent à la vie collective comme n’importe qui. Une remise en question quant à la place du dialogue dans le cadre de situations conflictuelles liées à des différences entre individus devra être mise sur la table. L’acceptation de la différence devra gagner et c’est ainsi que notre société pourra avancer. Il y aura toujours des pratiques distinctes des nôtres, pourquoi ne pas l’accepter dès aujourd’hui?

Le dialogue constitué d’écoute et d’expression de soi afin de mieux se comprendre est la clé de cette situation. Les un·es ont peur, les autres sont ignoré·es. Des droits sont brimés au profit d’un groupe. Par conséquent, les femmes qui choisissent de porter le voile ont à subir les conséquences de préjugés à leur égard.

Commençons à penser au-delà de nous-mêmes, à déconstruire la croyance selon laquelle la différence menace. Éduquons-nous au lieu de rassurer une partie de la population. Nous voulons une société juste et inclusive après tout, non? Une société dans laquelle on est accepté·e·s et embauché·e·s, pour ce que l’on fait et ce que l’on est et non en fonction des vêtements que l’on porte. Il s'agit de se parler, de vouloir mieux comprendre, mieux penser. C'est vivre ensemble en s’enrichissant mutuellement, dans le respect de l’autre. Voilà une belle base sociétale sur laquelle construire un vivre-ensemble juste et équitable.

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