L’implication du gouvernement dans la gestion des bandes riveraines

Environnement
Québec
L’implication du gouvernement dans la gestion des bandes riveraines
Analyses
| par Shanned Morales |

Depuis le 1er mars 2022, le Régime transitoire de gestion des zones inondables, des rives et du littoral exige la mise en place d'une bande riveraine d’au moins dix mètres pour protéger les cours d’eau, les habitats et la faune. Mais, pour la COGESAF (Conseil de gouvernance de l’eau des bassins versants de la rivière Saint-François), la seule installation d’une bande riveraine ne suffirait pas à prévenir l’érosion du sol et la dégradation de la qualité de l’eau. Il faudrait aussi promulguer des bonnes pratiques agricoles pour maximiser l’efficacité des bandes riveraines.


Les bénéfices des bandes riveraines

Les bandes riveraines sont des barrières naturelles laissées en bordure des cours d’eau afin de les protéger de la contamination causée par les pesticides et les résidus des activités agricoles.

Selon un article[i] publié sur le site Web Québec Vert, l’implantation d’une bande riveraine apporte des avantages à l’environnement. Notamment, elles favorisent le recyclage des résidus organiques filtrés, le maintien de la qualité de l’eau, la stabilisation du sol, en plus de fournir un abri et des aires de reproduction pour la faune. D’après M. Nicolas Bousquet, biologiste et coordonnateur de projets terrain de la COGESAF[ii], « la bande riveraine est un outil efficace. C’est assez simple, on doit voir la bande riveraine comme un filtre et une éponge qui va absorber les nutriments, réduire l’érosion et capter les sédiments. ».

Les bonnes pratiques agricoles sont importantes

M. Bousquet croit néanmoins que la manière de cultiver à une incidence au moins aussi importante sur la protection de l’eau et de l’environnement. « Le milieu agricole doit améliorer ses pratiques en matière des bandes riveraines », affirme-t-il, dénonçantles mauvaises pratiques agricoles. « Un gazon vert avec l’utilisation d’engrais ou des installations septiques non conformes en bordure de plan d’eau, ne sont  pas l’idéal pour la qualité de l’eau ». Selon un article de l’Union des producteurs agricoles (UPA)[iii], les bonnes pratiques agricoles combinées avec une gestion adéquate de la bande riveraine peuvent réduire les pertes du sol jusqu’à 85 %. Cette combinaison aurait également un impact positif sur la qualité de l’eau et la biodiversité. « L’implantation d’une bande riveraine, combinée avec de bonnes pratiques culturales, constitue une des mesures à privilégier pour freiner l’érosion », est-il écrit dans l’article de l’UPA..

 

Un bassin sédimentaire serait une bonne idée

M. Michel Brien,[iv] président de l’UPA, souligne de son côté que les bandes riveraines, en tant que barrières naturelles, protègent la faune aquatique, terrestre et le sol, mais la création d’un bassin sédimentaire - une dépression de la croûte terrestre qui retient des sédiments provenant des activités agricoles et de la construction - pourrait faire une bonne équipe avec les bandes riveraines. D’après M. Brien, un bassin de sédimentation en tant que filtre peut réduire la quantité de sédiments qui se jettent dans l’eau. « Lorsqu’on fait des travaux, il serait important de végétaliser et aussi de faire un bassin de sédimentation. », déclare-le président. Selon un article sur les bandes riveraines publié par l’UPA, cette dernière sert de tampon pour retenir les sédiments emportés par le ruissellement, en plus d’agir comme haie brise-vent, tandis qu’un bassin de sédimentation est plus utile pour la filtration de sédiments. Leur utilisation conjuguée aurait un impact significatif sur la qualité de l’eau et la conservation de la faune.

 

« Si tout le monde montrait l’exemple… »

M. Bousquet et M. Brien soulignent que toutes les parties doivent travailler ensemble pour protéger l’environnement. M. Bousquet envoie d’ailleurs un message aux autorités environnementales et aux agriculteurs : « J’aimerais préciser que les autorités devraient respecter la règlementation. Je vois le problème en deux parties. Certains producteurs ne respectent pas les règlementations, mais aussi certaines municipalités/MRC font peu pour appliquer la règlementation et ont parfois une vague idée de ce qui se passe dans leur territoire ». M. Brien partage cette même pensée. « Des deux côtés, parfois, il y a des agriculteurs qui ne font pas attention, mais il y a aussi des municipalités qui ne font pas attention non plus », ajoute-t-il. Il déclare que tout le monde devrait montrer l’exemple.

 

Des aides financières offertes

Une bande riveraine peut coûter cher pour certains producteurs agricoles. Notamment, des frais pour les plantes herbacées, le transport, l’installation de paillis, la collerette et la pose sont à prendre en compte, alors que le coût d’une bande riveraine arbustive est d’au moins 7,35 $ le mètre linéaire tandis que celui d’une bande riveraine arborescente s’élève entre 9,85 $ et 20,85 $ le mètre linéaire en plus des frais d’entretien Le cas de M. Brien est exceptionnel, car la végétation pousse naturellement sur son terrain. Il affirme que, jusqu’à présent, il n’a pas eu à débourser beaucoup pour des bandes riveraines. Afin de venir en aide aux producteurs devant défrayer les coûts d’installation des bandes riveraines, il explique qu’il exeste des subventions comme le Programme Prime-Vert qui offre des allocations aux agriculteurs dépendamment de la situation. Particulièrement, les bandes riveraines de plus de trois mètres peuvent être financées et les demandeurs ont droit à un cumul de dépenses admissibles de jusqu’au 40000 $[v]. Gestrie Sol[vi] agroenvironnement a publié un guide sur les bandes riveraines qui décrit leurs avantages, les types existants, ainsi que les subventions offertes lors de leur aménagement. Selon le document, aménager une bande riveraine peut poser quelques difficultés en fonction des conditions du terrain, telles que l’érosion du sol ou un muret de soutènement détérioré. Lorsqu'un producteur rencontre ces difficultés, il peut faire appel à des conseillers[vii] du Club-conseil en agroenvironnement, du réseau Agriconseils, ou encore du ministère de l'Agriculture, des pêcheries et de l'alimentation du Québec (MAPAQ).

 

Le gouvernement devrait s’impliquer davantage

Selon M. Louis-Gilles Francoeur et M. Jonathan Ramacieri, auteurs du livre La caution verte[viii], en 1991, le gouvernement du Québec a octroyé le pouvoir aux municipalités de surveiller les cours d’eau situés sur leur territoire. La politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (PPRLPI) visait initialement à protéger les sources d’eau potable et à mettre en vigueur certaines restrictions pour les activités agricoles. Toutefois, M. Francoeur déclare dans son livre que les politiques ne sont pas assez sévères. « La protection des bandes riveraines en milieu agricole s’est d’ailleurs avérée une coquille vide depuis le début du PAEQ (Programme d’assainissement des eaux du Québec) ,et ce, malgré l’adoption d’une politique d’application gouvernementale pour les MRC » souligne-t-il. L’Esprit libre a communiqué avec M. Louis-Gilles Francoeur quia confirmé cette affirmation : « Il n’existe pas de règlements provinciaux, mais des règlements de MRC, de municipalités régionales de comté, qui ont le pouvoir de règlementation sur l’aménagement et la protection des bandes riveraines. », affirme-t-il. M. Francoeur signale que les MRC ont le devoir de s’assurer que les agriculteurs respectent les normes. « Les MRC le font très peu, pour une raison : ce ne sont pas elles qui vont toucher l’argent, l’argent va aller au gouvernement du Québec, et les municipalités vont devoir payer des frais d’avocat ; elles n’ont pas d’intérêt financier à faire respecter ces règlements », conclut-il.

 

Les municipalités pas assez impliquées

Lors de notre entrevue avec M. Michel Brien, celui-ci a dénoncé que les municipalités elles-mêmes ne respectent pas les règlementations. « Ici [un chemin près d’un cours d’eau à Racine] quand ils ont refait le chemin il y a deux ans, ça a été supervisé par un ingénieur, mais complètement étroit, ça ne respectait pas les règlements. Ici, le foin a poussé il y a deux ans, mais avant ils ont laissé le chemin seul, à nu, et cela a fait de l’érosion. Il n’y pas de bassin de sédimentation, rien », raconte-t-il.

 

Le ministère de l’Environnement et les réglementations

Les intervenants que nous avons rencontrés ont souligné qu’il manque d’intervention de la part du gouvernement du Québec. L’Esprit libre a communiqué avec le ministère de l’Environnement pour avoir des réponses à certaines questions sur la réglementation des bandes riveraines[ix]. Selon le ministère, le 1er mars 2022 l’ancienne politique de bandes riveraines a été remplacée par le Régime transitoire de gestion des zones inondables, des rives et du littoral. Selon l’article 2 du chapitre 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement[x], le ministre de l’Environnement peut mettre en place des plans de protection et de conservation environnementaux. Il doit également assurer la surveillance de la qualité de l’environnement au Québec, notamment la gestion des eaux usées et la réduction de rejet de contaminants provenant des industries. Par ailleurs, selon le ministère, le gouvernement du Québec et les municipalités travaillent ensemble pour la protection de l’environnement. « Selon l’article 117 de ce nouveau régime, la municipalité peut toutefois continuer de faire appliquer une réglementation concernant la végétation en rive. Le ministère effectue des activités de contrôle dans divers milieux et domaines, dont le milieu agricole », affirme-t-il. Ainsi, selon ces déclarations, les municipalités s’assurent de veiller à la réglementation des bandes riveraines, tandis que selon M. Bousquet et M. Brien, les MRC ne font pas un bon travail de surveillance. Du côté des travailleurs agricoles récalcitrants, le ministère détaille les amendes auxquelles ils peuvent incomber : « Lorsque des non-conformités à la réglementation en vigueur sont constatées par le contrôle environnemental, les manquements sont alors traités conformément aux dispositions prévues à la Directive sur le traitement de manquements à la législation environnementale » détaille-t-il. Selon le ministère, en plus des amendes, celui-ci peut infliger des sanctions aux récalcitrants : une sanction pénale ou une sanction administrative ainsi que la révocation de l’autorisation environnementale.

 

CRÉDIT PHOTO: Shanned Morales

[i] Fédération interdisciplinaire de l’Horticulture du Québec, « Guide de bonnes pratiques, Aménagement et techniques de restauration des bandes riveraines », 29 juillet 2022, http://banderiveraine.org/wp-content/uploads/2013/07/FIHOQ_guide_2013_we...

[ii]  Nicolas Bousquet COGESAF, propos recueillis par Shanned Morales le 28 juillet 2022.

 

[iii] Union des producteurs agricoles, « à quoi sert une bande riveraine ? », 28 juillet 2022, https://www.bandesriveraines.quebec/a-quoi-sert-la-bande-riveraine/

 

[iv] Union des producteurs agricoles, propos recueillis par Shanned Morales le 28 juillet 2022.

 

[v]  Agrobonsens, « Bande riveraine élargie »,  15 août 2022, http://agrobonsens.com/technique/bande-riveraine-elargie/

[vi]  Gestrie Sol Agroenvironnement, « À chacun sa bande riveraine, Guide de bandes riveraines en milieu agricole », 2014, https://www.bandesriveraines.quebec/wpfb_filepage/14_a-chacun-sa-bande_catalogue-gestrie-sol-2013-pdf/

 

[vii] Union des producteurs agricoles, « Vos conseillers », 28 juillet 2022, https://www.bandesriveraines.quebec/vos-conseillers/

[viii]  Louis-Gilles Francoeur et Jonathan Ramacieri,  la caution verte, Québec : Écosociété, 2022

[ix] Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, propos recueillis par Shanned Morales le 11 août 2022.

[x] Loi sur la qualité de l’environnement, C-2, art. 2, 2022

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