La responsabilité du gouvernement fédéral dans le dossier du logement social

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La responsabilité du gouvernement fédéral dans le dossier du logement social
Opinions
| par Jessica Céré |

Le dossier du logement social sera à l’avant-scène durant le mois d’octobre, durant lequel le Canada participe à la conférence de l’ONU Habitat III, qui porte sur le développement urbain et durable. La population canadienne est par ailleurs en attente d’informations supplémentaires sur la stratégie nationale « Parlons logement » du gouvernement fédéral. C’est dans ce contexte social que le FRAPRU organise une manifestation le 13 octobre à Ottawa, afin de demander au gouvernement Trudeau de confirmer ses engagements en matière de logement social et de reconnaître les droits de la personne dans sa stratégie. Nous tenterons dans cet article de décortiquer brièvement l’argumentaire de cet organisme.

Le mois d’octobre est assez mouvementé pour la question du logement. Le 3 octobre était la journée mondiale de l’habitat et le 17 octobre sera la journée où commence la conférence Habitat III, en Équateur, où différents pays du monde étudieront la question du développement urbain et durable. Cette conférence, à laquelle le Canada prendra part, est organisée par les Nations Unies et se concentrera notamment sur la mise en œuvre du nouvel agenda urbain qui sera un guide pour le développement urbain dans le monde pour les deux prochaines décennies (1). Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) a ainsi organisé le 13 octobre 2016 une manifestation à Ottawa pour demander à Justin Trudeau de prendre en compte les droits de la personne dans sa prochaine stratégie nationale sur le logement. Le FRAPRU souhaite rappeler que le logement n’est pas une marchandise mais un droit dont chaque personne devrait bénéficier. Justin Trudeau s’est engagé lors de la dernière campagne électorale à mettre de l’avant une stratégie nationale globale sur le logement s’il était élu. Il a confirmé cet engagement à quelques reprises, notamment dans le budget de mars 2016 et en créant sa stratégie nationale nommée « Parlons logement », qui appelle à la consultation et à la coopération des différents acteurs du logement. C’est dans le cadre de cette stratégie nationale que l’organisme FRAPRU souhaite rappeler certains points importants au gouvernement Trudeau. Il demande notamment (2):
 

  1. que le gouvernement fédéral confirme, sans plus tarder, la poursuite des subventions à long terme versées à tous les logements sociaux existants et adopte une stratégie sur le logement permettant le financement massif de nouveaux logements sociaux;
  2. que le gouvernement québécois finance la construction de 50 000 nouveaux logements sociaux en 5 ans (HLM, coopératives et OSBL d’habitation).

 

  1. Que le gouvernement fédéral confirme la poursuite des subventions à long terme versées à tous les logements sociaux existants

Le gouvernement fédéral accorde des subventions à long terme à l’échelle du Canada pour les logements sociaux. Elles sont une partie importante du financement  de ces logements. Leur retrait pourrait avoir des conséquences très importantes sur l’avenir de ces logements, et ainsi, pourrait socialement nuire aux locataires de ces habitations. Voici quelques chiffres concernant ces subventions :

-Le gouvernement fédéral verse des subventions à long terme de 1,7 milliard de dollars pour les logements sociaux existants partout au Canada;

-Normalement, ces subventions se terminent lorsque les hypothèques, qui ont généralement une durée de 35 ans, prennent fin (3);

-Le gouvernement Trudeau s’est engagé à prolonger cette aide financière pour deux ans afin de trouver une solution à plus long terme (4).

Il est aussi bon de se rappeler que le budget fédéral pour le logement social de 2016 est passé de 57 millions de dollars à 154 millions de dollars entre 2015 et 2016 (5). Il sera donc intéressant de suivre la portée de cette annonce de très près afin de voir comment seront répartis ces fonds.

Le FRAPRU soutient qu’il est important de continuer ces subventions à long terme pour les personnes qui habitent les logements sociaux. Les bâtiments sont vieux; il faut les rénover. Il ne suffit pas de subventionner la mise en place de logements sociaux, il faut aussi assurer leur salubrité et leur utilité à long terme. L’avenir de ces bâtiments peut avoir des conséquences sur les personnes qui y vivent.

Par ailleurs, lorsqu’une personne doit utiliser 50% ou même 80% de son revenu pour se loger, il ne lui reste qu’une somme minime pour subvenir à ses besoins et aux besoins de sa famille.

  1. Que le gouvernement fédéral adopte une stratégie sur le logement permettant le financement massif de nouveaux logements sociaux

Le FRAPRU souhaite que le gouvernement fédéral adopte une stratégie sur le logement pour permettre le financement de nouveaux logements sociaux. D’un autre côté, l’organisme revendique la création de 50 000 nouveaux logements sociaux en cinq ans par le gouvernement québécois. Ainsi, l’aide financière apportée par le fédéral appuierait la réalisation de leur deuxième revendication générale sur le logement social, soit la construction de nouveaux logements sociaux.

Le droit au logement au Canada et au Québec.

Le droit au logement n’est pas directement protégé par la Charte canadienne des droits et libertés au Canada ni par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. À l’occasion des 25 ans de la Charte québécoise des droits et libertés, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a réalisé un bilan sur celle-ci. Elle recommandait que « le droit à un logement suffisant soit explicitement reconnu comme faisant partie du droit, garanti par l’article 45 de la Charte, à des mesures sociales et financières, susceptibles d’assurer un niveau de vie décent » (6). La Commission attendait toujours ces changements lors des 40 ans de la Charte, l’an dernier (7). Les changements en matière de droit au logement sont toujours attendus au Québec, mais aussi au Canada. De telles modifications pourraient éventuellement imposer un fardeau plus important aux gouvernements et ainsi pousser nos décideurs et décideuses à intervenir de façon plus sérieuse dans la question. Avec une obligation quasi constitutionnelle sur le droit au logement décent dans la Charte québécoise ou une obligation constitutionnelle dans la Charte canadienne, on pourra se demander si nos gouvernements seront à ce moment obligés de prendre des mesures positives afin de permettre l’accès à ces logements aux personnes qui en ont besoin. À ce moment, ils n’auront pas d’autre choix que de mettre en premier plan les droits de la personne. D’ici là, les demandes du FRAPRU concernant la prise en considération des droits de la personne dans la discussion vont de soi puisqu’une société ayant ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels s’engage, sur le plan international, à prendre des mesures appropriées pour assurer la réalisation du droit au logement. À l’article 11 de ce Pacte, les États parties du Pacte reconnaissent non seulement le droit de toute personne à un logement suffisant, mais s’engagent aussi à prendre les mesures nécessaires pour y parvenir (8). Il reste à voir si le gouvernement fédéral intégrera cette obligation dans le droit positif canadien.

Le gouvernement fédéral a donc une responsabilité importante dans la question du logement social au pays. Même s’il a pris certains engagements qui augurent bonne nouvelle, nous devrons rester attentifs et attentives aux développements de cette question En terminant, la manifestation du 13 octobre est la première action que le FRAPRU a décidé d’organiser à la suite de son assemblée générale de septembre 2016. Plusieurs autres événements sont déjà organisés pour 2016-2017 tels qu’une action régionale le 22 novembre 2016 et une action d’occupation le 22 mai 2017. De plus, les détails du plan d’action du gouvernement fédéral sont toujours attendus. Nous continuerons donc d’entendre parler de ces revendications dans les mois à venir.

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