La réalité des athlètes en dehors des Jeux olympiques

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Société
La réalité des athlètes en dehors des Jeux olympiques
Analyses
| par Fabrice Samedy |

 

La réalité de l’athlète tourne presque exclusivement autour du sport pratiqué, et cela pendant une bonne partie de sa vie. La diète, les pratiques et les compétitions font partie du quotidien des sportif·ive·s de haut niveau, mais qu’arrive-t-il lors de la saison morte ou lorsque l’heure de la retraite a sonné ?

 

Au cours des treize dernières années, Maxime Valois-Fortier a représenté le Canada au judo dans la catégorie des moins de 81 kg et il a eu l’honneur de représenter le pays lors des trois dernières éditions des Jeux olympiques (JO). Le judoka québécois a décroché une médaille de bronze lors des JO de Londres en 2012, mais c’est à l’âge de 15-16 ans qu’il a décidé de faire de la compétition sérieusement.

 

Une journée typique pour le sportif en temps de compétition commence dans les environs de 9 h du matin avec un entrainement axé sur la technique ou la préparation physique. Ensuite, un temps de repos est prévu pour aller diner. Les athlètes qui suivent des cours académiques y vont durant l’après-midi pour finalement revenir au centre de judo vers l’heure du souper pour l’entrainement principal, qui dure environ deux heures. Lors des journées de compétition, les combats se déroulent sur une journée, commencent vers 9-10 h et se terminent vers 17 h, si tout se déroule bien. Une fois le calendrier olympique ou de compétition terminé, Maxime Valois-Fortier prend le temps de se reposer et de penser à la suite des choses. Le québécois de 31 ans prend aussi le temps de reconnecter avec sa famille et ses ami·e·s, qu’il n’a pas vu·e·s depuis plusieurs mois en raison de la préparation requise pour les Olympiques.

 

Un quotidien plus ennuyeux qu’on le pense

La vie d’un·e athlète n’est pas toujours ce que l’on imagine. En effet, les performances diffusées à la télévision cachent un quotidien dit « ennuyeux » par le médaillé de bronze olympique.

Un·e sportif·ive de haut niveau doit se soucier de plusieurs éléments qui pourraient avoir un impact sur sa performance, comme la diète, la qualité de sommeil et l’hygiène de vie.

La discipline au niveau de la nutrition a été le défi le plus difficile pendant plusieurs années pour Maxime Valois-Fortin à un niveau presque émotionnel, en raison de son amour pour la nourriture.

 

L’impact de la COVID-19 sur la santé mentale

La crise sanitaire des derniers mois a eu une influence sur les entrainements et la préparation de l’équipe de judo canadienne. Selon le québécois, la reprise du sport après les interdictions ne s’est pas faite de façon optimale et les déplacements ont été difficiles. Il affirme toutefois que le comité responsable du sport a bien géré la situation malgré tout. Cependant, il reste que les derniers temps n’ont pas été de tout repos pour nos représentant·e·s. « Je pense que [pour] tous·tes les athlètes, surtout [ceux et celles qui œuvrent dans] le sport amateur, cela a été une période quand même assez difficile entre les deux oreilles », dit-il en entrevue avec un journaliste de l’Esprit libre. Il explique que cette période creuse émanait du fait que les combattant·e·s et les autres athlètes s’identifient à leur sport ou à leur équipe et que de ne plus les voir du jour au lendemain peut être difficile à gérer pour certain·e·s.

 

La crise sanitaire a amené son lot de changements dans la vie des athlètes sur une courte durée; ils et elles ont passé d’une vie dominée par le sport uniquement à une autre où certaines responsabilités sont plus importantes. Mais, inévitablement, tout·e sportif·ive de haut calibre devra prendre sa retraite et faire la transition un jour ou l’autre. Et ce n’est pas tout le monde faisant partie du sport professionnel qui en est capable, alors que plus de 75 % des athlètes de la National Football League (NFL) et 60 % des joueurs de la National Basketball Association (NBA) éprouvent des problèmes personnels graves moins de deux ans après avoir mis un terme à leur carrière. Selon Maude Guilmette, étudiante au doctorat en psychologie à l’UQAM, plusieurs des athlètes vivent un divorce, une faillite ou sont incapables de se trouver un emploi quelque temps après la retraite[i].

C’est dans l’espoir d’aider et de faciliter la transition que La Maison des Champions a été fondée en 2016. Cette organisation sans but lucratif aide les personnes issues du sport de haut niveau, les forces armées et la population, incluant le monde des affaires, à passer à autre chose en les outillant pour qu’ils et elles puissent prendre en charge leur bien-être, les aidant ainsi à se sentir prêts ou prêtes à passer à une autre étape de leur vie.

Pour ce faire, l’organisation offre trois cheminements : « Le parcours », un programme de codéveloppement de 12 mois, « La communauté », un réseau de soutien constitué d’individus vivant une transition ou ayant réussi leur transition et le dernier est une série d’ateliers ou de conférences qui abordent le thème de la transition[ii].

 

Briser les tabous

Selon un texte de Sophie Brassard, conseillère d’orientation à la Fondation de l’athlète d’excellence, il existe un tabou dit « très fort » dans le monde sportif lorsque vient le temps de penser à l’après-carrière[iii].

Chris Miranda, ancien militaire et ancien athlète paralympique, maintenant administrateur et facilitateur pour La Maison des Champions, explique que ce tabou provient du sentiment que la personne qui souhaite quitter la vie d’athlète ou de militaire, par exemple, est considéré comme un·e traître envers son équipe.

 

Pour M. Miranda, l’isolement est le sentiment le plus dominant chez les athlètes qui sont de retour des Jeux olympiques ou qui ont mis un terme à leur carrière de façon permanente. « C’est normal que ce moment-là soit inconfortable, mais le drame, c’est qu’on va vouloir s’enivrer avec les projets pour oublier », a-t-il confié en entrevue.

 

Dans le but de briser ce tabou autour de la santé mentale, plusieurs athlètes comme Kevin Love, Demar Derozan, Johnny Manziel, Naomi Osaka et Simone Biles, qui sont des figures de proue de la scène sportive, sont sorties publiquement pour faire part de leurs démons intérieurs[iv][v][vi]. Cependant, malgré ces sorties, Joëlle Carpentier, professeure au Département d’organisation et ressources humaines[LMP1]  de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, mais possédant une spécialisation en psychologie de la performance, estime que la question de la santé mentale des athlètes reste toujours un sujet de discussion assez épineux : « C’est encore un sujet tabou, ce l’est dans la population et ce l’est encore plus dans le sport, parce qu’on s’attend à la perfection de nos athlètes ». Elle continue en expliquant que la population s’attend à ce que les athlètes soient « des machines programmées qui donnent une performance, qui ne craquent pas, qui inspirent nos plus jeunes » et que pour certain·e·s, le fait qu’un sportif ou une sportive puisse avoir des problèmes psychologiques ne concorde pas avec l’image qu’on a d’eux et d’elles.

 

Finalement, la déstigmatisation de la santé psychologique des athlètes rencontre une autre embuche alors que ceux-ci et celles-ci peuvent avoir des réticences à s’exposer publiquement en raison du message que cela pourrait envoyer à leurs adversaires et aux commanditaires qui les soutiennent.

 

En résumé, la vie d’un·e athlète en dehors de son sport peut être plus ennuyeuse qu’on le pense et remplie de sacrifices quotidiens. Le changement de routine que la retraite entraine peut causer beaucoup de problèmes lors de la transition, mais il existe des groupes de soutien qui permettent de faciliter la chose.[LMP2] 

 

crédit photo : flickr/Andy Lapham

 

[i] Jean-François Ducharme, « La vie après le sport », Actualité UQAM, 21 novembre 2018, https://www.actualites.uqam.ca/2018/la-vie-apres-le-sport-transition-carriere

 

[ii] La Maison des Champions, 15 août 2021, https://www.maisondeschampions.org/

 

[iii] Sophie Brassard, « La transition de carrière : un défi pour les athlètes de haut niveau », Orientation Québec, Volume 8, numéro 2, https://www.orientation.qc.ca/files/La-transitiohttps://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/invalidite/cra/planification-securite.html#h2.5-h3.8n-de-carriere-chez-les-athl%C3%A8tes.pdf

 

 

[iv] Gabriel Gaudette, « Les problèmes de santé mentale dans le sport professionnel : un autre genre de blessure à la tête », Balle courbe, 29 janvier 2020, https://www.ballecourbe.ca/problemes-sante-mentale-sport

 

[v] Scott Gleeson, « Naomi Osaka says it’s OK not to be OK ; standing up for mental health “all worth it” », USA Today, 8 juillet 2021, https://www.usatoday.com/story/sports/tennis/2021/07/08/naomi-osaka-opens-up-french-open-withdrawal-mental-health/7899251002/

 

[vi] Étienne Paré, « Le courage d’une gymnaste inspire le monde du sport », Journal de Montréal, 31 juillet 2021, https://www.journaldemontreal.com/2021/07/31/le-courage-dune-gymnaste-inspire-le-monde-du-sport


 [LMP1]Nom officiel du département sur le site

 [LMP2]Personnellement, j’étofferais cette partie ou je l’enlèverais tout simplement, car elle ne nous apporte rien de plus que ce que l’on a déjà lu.

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