La dure réalité de l’industrie musicale québécoise pendant la pandémie

crédit photo : flickr/Jeanne Menjoulet
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La dure réalité de l’industrie musicale québécoise pendant la pandémie
Analyses
| par Fabrice Samedy |

La pandémie de la COVID-19 a bouleversé les activités de l’industrie de la musique québécoise. Les artistes ont été contraint·e·s d’annuler leurs concerts et d’innover dans leur manière de se faire connaitre par le public. Et la pente est encore plus abrupte pour les artistes émergent·e·s de la province. 

 

Depuis plus d’un an, la pandémie de COVID-19 bouleverse le quotidien de la population québécoise. Du jour au lendemain, les habitudes ont été chamboulées et de larges pans de la population se sont vus contraints au travail à distance ou ont perdu leur emploi. Selon un sondage de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ), plus de la moitié des personnes (57%) pratiquant la musique de façon professionnelle a envisagé d’abandonner sa carrière ou y a déjà pensé. De plus, la moitié des répondant·e·s à ce sondage indique faire face à des problèmes financiers en lien avec la crise de la COVID-19.[i]   

C’est donc la réalité des artistes québécoi·e·s et de l’industrie musicale en entier qui a dû se transformer pour survivre. 

 

La vente déjà déclinante des disques a chuté encore plus avec les périodes de confinement. 

Selon une étude de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), le nombre d’albums physiques vendus en 2020 a baissé de 45,8 % par rapport à 2019. L’an dernier, 1,24 millions d’albums ont été vendus, en comparaison avec les 2,29 millions de copies distribuées en 2019.[ii] Il semble que la plateforme Spotify ait aussi été touchée par la crise, alors que la compagnie suédoise a annoncé avoir essuyé une perte nette trois plus importante en 2020 que l’année précédente.[iii]

 

Une autre complication pour l’industrie musicale de la province a consisté dans la fermeture des salles de spectacles et des bars, ainsi que dans l’annulation des festivals pendant une longue période. 

Avec cet obstacle, non seulement les artistes perdent un autre moyen de subventionner à leurs besoins, mais ils et elles perdent l’opportunité de se faire connaitre d’un plus grand public. 

 

Selon Dominic Trudel, président du Conseil québécois de la musique, tout le monde de la scène du jazz, du classique et du folklore québécois ressent les conséquences, mais certain·e·s plus que d’autre : 

« Toutes les difficultés que les artistes établis rencontrent en raison de la pandémie, c’est multiplié par dix pour les artistes émergents parce qu’ils ont plus de difficulté à faire leur place ». 

  

Les festivals sont touchés, mais pas tous

En plus de faire une croix sur les concerts, l’industrie du spectacle a été contrainte d’annuler plusieurs festivals au cours de l’été. Deux éditions d’Osheaga et d’ÎLESONIQ ont été annulées en raison de la pandémie. Les spectacles musicaux plus petits s’en sont sortis un peu mieux, mais eux ont été aussi frappés par la situation sanitaire alors que le coup d’envoi du festival de musique country Lasso Montréal a été remis à l’été 2022.[iv]

 

Cependant, ce ne sont pas tous les festivals qui ont été forcés de mettre la clé sous la porte temporairement. Le Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue (FME) a continué ses opérations, mais avec un modèle différent des autres années. Autre exemple, le site du FME annonce que le festival se tiendra à Rouyn-Noranda du 2 au 5 septembre, mais que Montréal aura aussi sa chance d’accueillir des artistes émergent·e·s canadien·ne·s, puisque le Festival de musique émergente de l’Avent s’est tenu du 6 au 8 août prochains.[v]

 

Un des changements les plus importants se trouve au niveau de la liste d’artistes qui auront l’opportunité de se produire sur scène, au moment où cette édition sera centrée sur le talent canadien. 

Ainsi, une soixantaine d’artistes du pays auront l’opportunité de dévoiler leur talent au public. 

En ce qui a trait à la gestion pratique de ces événements, les restrictions sanitaires ont forcé les organisateurs à revoir le nombre de spectateurs et de spectatrices à la baisse, en plus d’instaurer plusieurs mesures de distanciation. Magali Monderie-Larouche, directrice générale du Festival de musique émergent, s’attend à accueillir une foule d’environ 10 000 personnes pendant les trois jours d’activités. Ce nombre représente une augmentation par rapport aux 4 500 spectateurs de l’édition précédente, mais le compte est bien loin des 30 000 et plus que le festival avait l’habitude d’attirer lors des années sans COVID.  

 

Malgré toutes les embûches rencontrées en cours de parcours, Mme. Monderie-Larouche trouve que la scène émergente au Québec a bien tiré son épingle du jeu : « On a l’impression que les artistes n’ont pas chômé, ils (ou elles) ont vraiment travaillé sur de nouveaux projets. On est très content, on trouve que c’est vraiment foisonnant », a-t-elle mentionné dans une entrevue téléphonique avec L’Esprit libre. Cependant, la directrice générale a affirmé que l’année dernière a été très difficile pour que les créateurs ou créatrices puissent se réunir et pratiquer leur art. Afin de minimiser les dégâts, les artistes ont dû se réinventer afin de continuer leur carrière. Par exemple, les chanteur·euse·s diffusent des concerts virtuels sur les réseaux sociaux pour rester connectés avec leur public et attirer une nouvelle vague d’admirateur·trice·s.[vi]

 

Une perte de revenus constants pour les compagnies 

Les artistes ne sont pas les seuls à avoir subi les contrecoups de la pandémie alors que des compagnies comme PURCOM Entertainment Group ont aussi ressenti les pressions des derniers mois. Cette entreprise se spécialise dans plusieurs branches du show business comme la relation publique, la production de concerts, la conception de disques et autres.[vii]

 

Tandis que les choses allaient de bons trains pour la compagnie de M. Pierre-Paul Boisvert, président et fondateur de PURCOM, on notera que le 13 mars 2020 a été le début d’une période très difficile pour l’entreprise, les artistes et les employé·e·es. La pandémie a forcé la fermeture des studios d’enregistrement et l’annulation des tous les contrats en cours. M. Boisvert a affirmé que son entreprise était en pleine ascension pendant les mois qui ont précédé le début de la pandémie et que du jour au lendemain, tout a complètement été chamboulé : « Pour nous, cela a été très (très) difficile comme la plupart des entreprises, tu pars d’un chiffre d’affaires énorme à zéro », a-t-il laissé savoir dans une entrevue téléphonique. Il est encore trop tôt pour quantifier spécifiquement les pertes, mais M. Boisvert chiffrerait les pertes à plusieurs milliers de dollars par mois depuis maintenant un an. Les affaires reprennent tranquillement depuis janvier 2021. 

 

Une conséquence silencieuse 

Il est beaucoup question des conséquences tangibles de la pandémie sur l’industrie comme la perte de revenus ainsi que l’annulation de concerts ou de festivals, mais il faut aussi tenir compte des dommages psychologiques que les artistes et les entrepreneur·euse·s ont subi ou continuent de subir pendant ces temps incertains. Selon M. Boisvert, les derniers mois ont amené beaucoup de questionnements pour certain·e·s artistes qui travaillent à faire de leur pratique musicale une carrière à temps plein. 

 

L’entrepreneur avec une vingtaine d’années d’expérience ne s’est pas caché que les derniers mois n’ont pas été évidents : « J’ai eu peur. Je me suis dit : c’est incroyable, j’ai travaillé depuis vingt ans pour atteindre ce niveau-là et là un virus va tout mettre à terre en quelques heures, je n’en revenais 

pas. »  

 

Pour les amateurs ou amatrices du FME, la programmation pour l’édition du 2 au 5 septembre prochain est disponible sur leur site Internet. 


 
crédit photo : flickr/Jeanne Menjoulet

 

[i] Radi0-Canada, « Précarité : 57% des musiciens et musiciennes pourraient changer de métier », Radio-Canada, 31 octobre 2020(mis a jour le 2 novembre 2020),https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1745981/musiciens-pandemie-precarit...

[ii] Philippe Rezzonico, « La pandémie fait plonger encore davantage les ventes de disques », Radio-Canada,28 janvier 2021, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1766492/chute-ventes-disques-quebec...

[iii] Agence France-Presse, « Spotify triple sa perte en 2020, mais compte toujours plus d’abonnés », La Presse, 3 février 2021,https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2021-02-03/spotify-triple-s...

[iv] Radio-Canada, « Les festivals Osheaga, ÎLESONIQ et Lasso Montréal annulés cette année », Radio-Canada, 22 avril 2021,  https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1786965/annulation-festivals-osheaga-ile-soniq-lasso-montreal-2021

 

[v] FME, « FME de l’Avent », consulté le 30 juillet 2021, https://www.fmeat.org/avent/

[vi],  Cecile Gladel, « COVID-19 : 10 prestations musicales à découvrir en direct (ou non) ) sur le web », Radio-Canada, 24 mars 2020, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1685338/covid-19-10-prestations-mus...

[vii] Purcom Entertainment Group, « Profil », Consulté le 25 aout 2021, https://purcomgroup.com/?fbclid=IwAR0wNl2LXjMzieYeMeDqZbJ9P1zUx4N3hmDMbb...

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