Benoît Hamon... la fin d'une ère?

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Benoît Hamon... la fin d'une ère?
Analyses
| par Jacques Simon |

(DOSSIER) PORTRAIT DES CANDIDAT·ES À LA PRÉSIDENTIELLE FRANÇAISE (3 de 5)

En cette période électorale, L’Esprit libre vous fait le portrait des cinq candidat·e·s majeur·e·s à la présidentielle française dont le premier tour aura lieu ce dimanche 23 avril. On vous présente ici Benoît Hamon du Parti socialiste. 

On ne peut pas dire que Benoît Hamon ait la vie facile en ce moment. Vainqueur surprise de la primaire socialiste, il se retrouve aujourd’hui en position de faiblesse. Il hérite en effet du nom d’un parti qui est accusé de tous les maux de la France à la suite du quinquennat de François Hollande qui a été miné par l’incompréhension, les mouvements sociaux, et une politique centriste qui n’a plu ni à la droite ni à la gauche. Hamon, qui plus est, peine à se situer sur l’échiquier politique. À sa droite, il a le populaire Emmanuel Macron, qui parvient à faire ce qu’Hollande n’a su accomplir : unir la droite et la gauche modérée. À sa gauche, il a le dynamique Jean-Luc Mélenchon, qui occupe largement la gauche de la gauche du monde politique français.

Qui est donc Benoît Hamon, quel est son programme, et pourquoi peine-t-il tant, comme semblent le montrer les sondages, à convaincre les Français·es?

L’homme

Né le 26 juin 1967, Hamon[i] partage son enfance entre sa Bretagne natale et le Sénégal où il passe quelques années. C’est dans ce pays qu’il est confronté à la diversité sociale et culturelle qui l’entraineront, plusieurs années plus tard, à se retrouver dans la campagne antiraciste « touche pas à mon pote » organisée par SOS Racisme en 1985.

À vingt ans, en 1987, il rejoint le PS après avoir participé à une série de manifestations étudiantes. En 1993, il est élu au poste de président du Mouvement des Jeunes Socialistes tout en suivant une formation d’historien. Dès lors, son investissement politique est étroitement lié au PS. En 1997, il est aux côtés de Martine Aubry au ministère de l’Emploi et de la Solidarité. De 2004 à 2009, il est eurodéputé, issu d’une liste socialiste. En 2008, il présente une motion de gauche au congrès du parti[ii], texte qui est soutenu par un certain Jean-Luc Mélenchon. En 2012, il est élu député de Trappes, situé à l’ouest de la métropole parisienne. C’est alors qu’il fait son entrée au gouvernement d’abord en tant que ministre délégué à l’économie sociale et solidaire, puis en tant que ministre de l’éducation à partir de 2014.

Certes, Benoît Hamon a côtoyé le monde politique et le PS depuis trente ans, mais c’est vraiment lorsqu’il occupe un poste clef dans le gouvernement Valls, sous Hollande, qu’il se forme une vraie carrure. Aux côtés d’Arnaud Montebourg, il se trouve sur l’aile gauche du gouvernement, et sait la faire entendre. Le clivage est de plus en plus prononcé, les prises de positions de plus en plus médiatisées. Le 25 août 2014, alors que Valls essaie d’épurer son gouvernement des contestataires, Hamon est remercié.

Il retrouve alors l’unique siège qu’il lui reste : celui dans l’hémicycle de l’assemblée nationale. Dès lors, il intègre un groupe qu’on appelle « les frondeurs ». Il est constitué de députés socialistes, qui se positionnent à la gauche du gouvernement. Dans ce cadre, il militera contre plusieurs projets controversés du gouvernement, notamment la Loi Macron, la déchéance de nationalité, ou encore la loi travail El-Khomri[iii].

L’opposition entre lui et ses anciens collègues de gouvernement devient si féroce qu’il signe une motion de censure qui, si elle avait été ratifiée par 2/3 de l’assemblée, aurait déclenché de nouvelles élections. Cette motion avait été déposée par des parlementaires de gauche en réaction à la « Loi travail » présentée par le gouvernement Hollande.

Le 16 août 2016, il est un des premiers socialistes à présenter sa candidature à la primaire du parti. À ce moment, Hollande n’avait pas encore renoncé à briguer un second mandat – il se présente donc, a priori, contre le président de la république. Assez largement à la traine, il arrive à se créer une campagne efficace.

S’il commence aux alentours de 10% fin juin 2016, les sondages lui donnent la seconde place avec presque 30% des voix à la veille de l’élection. À la surprise générale, il devance largement le premier ministre Manuel Valls avec 36,51%. Au second tour, il ne déçoit pas ses partisan⸱e⸱s : avec presque 60% des voix, il s’assure une large victoire.

Le symbole est fort : Benoît Hamon, ministre évincé du gouvernement pour avoir trop ouvert sa bouche, prend le devant du grand Parti Socialiste. S’il restait des doutes, l’affaire est dorénavant close. Le quinquennat de François Hollande n’a pas convaincu, ni à l’intérieur ni à l’extérieur de son parti. Mais le symbolique ne se traduit pas toujours par du concret. Une fois tournée la page « Hollande », les électeurs et électrices semblent aussi vouloir tourner la page « PS ».

Son ascension fulgurante est coupée court. Aujourd’hui, Benoît Hamon ne dépasse même plus les 10% d’intentions de votes.

Économie

Économiquement, Hamon fait partie d’une tendance qu’on peut appeler la « nouvelle gauche ». Héritière de la gauche d’antan qui analysait la société en termes de lutte des classes, cette nouvelle tendance cherche plutôt à absorber les progrès issus du capitalisme, et en rependre les bénéfices par l’intermédiaire d’un État-providence fort. La plupart des mesures phare du programme de Hamon vont dans ce sens.

Le projet clef du programme est la création d’un revenu universel d’existence[iv] (RUE, souvent connu sous le nom de « revenu minimum garanti » au Québec). Initialement prévu pour tou·te·s, il a été maintes fois modifié par le candidat, pour adopter une forme qui est aujourd’hui plus limitée. Pour être éligible à ce versement mensuel, une personne devra montrer que ses revenus sont inférieurs à 1,9 fois le salaire minimum, soit 2 185 euros net (environ 3 000 dollars canadiens). Selon l’équipe de campagne de Benoît Hamon, quelques 19 millions de Français·es seraient concerné·e·s, soit 30% de la population nationale[v].

Le revenu est fixé à 600 euros par personne, qui vient se déduire à l’impôt que chacun·e doit payer. Ainsi, si, dans une situation théorique, une personne est éligible pour le RUE mais ne doit pas payer d’impôt, elle recevra un chèque de 600 euros. À l’inverse, si une personne est éligible, mais doit payer 900 euros d’impôts, elle ne percevra aucune augmentation de revenu, mais verra sa feuille d’imposition baisser à 300 euros.

Cette proposition avait, initialement, intéressé beaucoup d’électeurs et électrices potentiel·le·s. Mais au fur et à mesure que le candidat change des éléments du RUE, de moins en moins de personnes s’y retrouvent, et, surtout, elles font moins confiance à Hamon pour réellement bâtir cette « cinquième branche » de la sécurité sociale. Pour les plus philosophes[vi], la proposition telle qu’elle est aujourd’hui ne représente plus rien d’intéressant, puisqu’elle ne permet plus de séparer le revenu du travail.

Autre proposition issue directement de la vision « nouvelle gauche », la taxe sur les robots[vii]. En effet, pour combattre la robotisation qui remplace de plus en plus d’emplois, Hamon souhaite imposer la richesse créée par les machines, afin qu’elles puissent contribuer, tout comme les humains, à financer les dépenses de l’État. Cette idée, si intéressante soit-elle, reste peu développée : à quelle hauteur s’élèvera cette taxe? Combien est-ce que l’État français peut espérer toucher? Comment est-ce que ce revenu sera utilisé[viii]?

En règle générale, c’est dans cette même direction que vont les propositions de Benoît Hamon. Il propose d’augmenter le salaire minimum ainsi que les minimas sociaux. Il propose de revenir sur la Loi El-Khomri, celle qui avait provoqué des manifestations monstres[ix] en 2016, afin de la remplacer par une version modifiée qui « encouragera la poursuite de la réduction collective du temps de travail ». En somme, le programme du candidat PS vise à conserver les acquis sociaux dans un monde où la raréfaction du travail est de plus en plus une réalité. Pour ce faire, il stipule que les solutions du passé doivent être revues, voire même abandonnées.

Société

Fidèle à son héritage de gauche, Benoit Hamon est libéral sur les questions sociales.

En un premier temps, il propose des mesures qui vont dans le sens d’un regain de participation citoyenne dans la sphère politique. Une de ses propositions phares est la création d’un « 49-3 citoyen » (nommé ainsi en référence à l’article de la constitution qui permet au gouvernement de faire passer une loi de force, sans la soumettre au congrès), qui donne le pouvoir au peuple d’enclencher un référendum ou « d’inscrire [une loi] à l’ordre du jour du parlement » dès lors qu’une pétition est signée par 1% du corps électoral. Il propose aussi de mieux protéger les lanceurs et lanceuses d’alerte, de mettre en place un budget participatif dans lequel les citoyen·ne·s auraient leur mot à dire, et de passer à une 6ème République qui viserait à fluidifier les relations entre l’élite politique et le peuple[x].

Autre projet qui attire les jeunes : Benoît Hamon prône la légalisation du cannabis. La plante serait donc vendue, réglementée et taxée. Les bénéfices de l’imposition serviraient à « mieux prévenir la consommation de drogues ».

Question immigration, le candidat PS est aussi relativement libéral par rapport à ses adversaires. Il ne souhaite pas durcir les conditions d’accueil pour les migrant·e·s, ni renforcer le contrôle aux frontières de l’Union européenne (UE). Il souhaite aussi instaurer un « visa humanitaire » qui faciliterait l’arrivée de personnes particulièrement nécessiteuses.

Relations internationales

Si jusqu’à présent le programme de Benoît Hamon a été très similaire à celui de Jean-Luc Mélenchon, c’est au niveau des relations internationales que les deux candidats divergent de façon assez marquée.

Sur la question européenne, Hamon souhaite effectuer un changement de l’intérieur, modifier les traités, plutôt qu’en sortir. Pour lui, « face aux défis que les Européen[·ne·]s doivent relever, la solution ne peut venir ni du retour à des États-nations divisés, ni de la poursuite de l’austérité économique et de son pendant, le déficit démocratique[xi]». Il faudrait donc renforcer l’UE pour qu’elle soit à même de répondre aux défis et aux problématiques contemporaines.

Pour ce faire, Hamon propose de tourner le dos à l’Europe qui a imposé l’austérité aux pays ayant des problèmes économiques. Il souhaite voir un plan d‘investissement d’une valeur de 1 000 milliards d’euros. En parallèle, il demande à ce que l’Europe prenne en charge une partie de la dette des États en difficulté, commence un « Buy European Act » pour améliorer la compétitivité européenne et harmoniser les normes comme celle du salaire minimum. Enfin, il souhaite lancer une « Europe de l’énergie » qui serait orientée vers l’écologie.

Pour ce qui est des relations hors-Europe, Hamon souhait reconnaître la Palestine et ainsi emboîter le pas à la Suède. Contrairement à Mélenchon, il ne s’inscrit pas dans la lignée de politiciens de gauche qui soutiennent l’intervention russe en Syrie ou en Ukraine. Globalement, c’est aux organisations internationales telles l’ONU qu’il laisse le soin de s’occuper des conflits militaires.

Quelles chances?

Soyons clairs : les chances de Benoît Hamon sont faibles. S’il a surpris lors de la primaire socialiste, il y a fort à parier que ça ne se reproduira pas. Pour certain·e·s, il n’est même plus un candidat majeur. Largement affaibli par le quinquennat de Hollande qui a mené beaucoup à tourner le dos au PS, il n’a pas réussi à se séparer de cette image de candidat mainstream. Un comble pour quelqu’un qui incarnait le renouveau au sein de son parti.

Il a, un temps, été en position de force face à Jean-Luc Mélenchon et lui avait proposé de retirer sa candidature afin de faire lutte commune. Aujourd’hui, les tables ont tourné et c’est le candidat de la France insoumise (FI) qui est beaucoup plus haut dans les sondages. De ce fait, certain·e·s militant·e·s demandent à Hamon de se désister en faveur de son collègue de gauche. Mises à part les réelles différences dans leurs programmes respectifs, des difficultés techniques[xii] viennent aggraver la situation, la plus problématique étant la question financière : le PS a déjà déboursé quelque 14 millions d’euros pour cette campagne, remboursable uniquement s’il dépasse 5% dans les suffrages. Se retirer maintenant signerait, de fait, la fin du parti.

Mais Benoît Hamon n’est pas forcément à blâmer pour cette situation. Le PASOK grec et le PSOE espagnol en témoignent, les temps sont durs pour les partis socio-démocrates dans le sud de l’Europe. Indépendamment de cette campagne, le PS n’était pas dans une position de force. Si la tendance continue, il se peut qu’il n’y ait plus de candidat du Parti socialiste pour l’élection de 2022.

 

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CRÉDIT PHOTO:  Philippe Grangeaud/Solfe Communications

[i]Benoît Hamon, « Biographie », https://www.benoithamon2017.fr/biographie/, consulté le 10/04/2017.

[ii]Dans ce contexte, une « motion » est une ligne politique qu’adopte le parti lors de son congrès.

[iii]Ces trois projets de lois sont à la source de la série d’immenses manifestations qu’a connu la France en 2016.

[iv]Benoît Hamon, « projet », https://www.benoithamon2017.fr/wp-content/uploads/2017/03/projet-web1.pdf, consulté le 05/04/2017.

[v]Ibid.

[vi]Usul2000, « Le Salaire à Vie (Bernard Friot) », Youtube, 29/06/2017, https://www.youtube.com/watch?v=uhg0SUYOXjw, consulté le 10/04/2017

[vii]Benoît Hamon, « projet », https://www.benoithamon2017.fr/wp-content/uploads/2017/03/projet-web1.pdf, consulté le 05/04/2017

[viii]Vincent Michelon, « Quelle est donc cette « taxe robots » proposée par Benoît Hamon ? », La chaîne parlementaire, 09/03/2017, http://www.lci.fr/elections/quelle-est-donc-cette-taxe-robots-proposee-p..., consulté le 18/04/2017

[ix]Loi Travail, « carte des mobilisations », http://loitravail.lol/rassemblements/, consulté le 11/04/2017

[x]Aujourd’hui, et depuis 1958, la France est sous le modèle de la « 5ème république ». Celle-ci est largement critiquée pour la largesse des pouvoirs qu’elle attribue au président.

[xi]Benoît Hamon, « projet », https://www.benoithamon2017.fr/wp-content/uploads/2017/03/projet-web1.pdf, consulté le 05/04/2017.

[xii]Thibaut Le Gal, « Frais de campagne, temps de parole… Pourquoi le retrait de Hamon pour Mélenchon est improbable », 20 minutes, 12/04/2017, http://www.20minutes.fr/elections/presidentielle/2048415-20170412-frais-..., consulté le 13/04/2017.

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